Mon intervention porte sur les deux programmes « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » et « Conduite et pilotage des politiques économique et financière ».
La forte augmentation des crédits du premier de ces deux programmes résulte pour l'essentiel de la poursuite du déploiement du système d'information financière Chorus et de la mise en oeuvre de celui qui concerne la paye des fonctionnaires. Les autorisations d'engagement, de 291,4 millions d'euros, connaissent en effet une forte augmentation – de 58 % en 2011 – alors que les crédits de paiement demandés, 344,9 millions d'euros, sont également en hausse – de 11,4 % – par rapport à 2010.
Si la stratégie de performance du programme évolue afin de tenir compte des nouvelles mesures prises lors du conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin 2010, je continue de regretter que le projet annuel de performance ne présente toujours pas d'indicateur mesurant l'activité de la direction du budget dans le respect de la norme de dépenses de l'État. Quand, monsieur le ministre, cet indicateur sera-t-il mis enoeuvre ?
Le coût de fonctionnement imputable au système Chorus s'élève à 77 millions d'euros jusqu'en 2013. Le rapport de performances 2010 donnait une évaluation plus faible – 55 millions – et ne prenait pas en compte les coûts, au-delà de 2012, d'un projet de plus d'un milliard d'euros. Les derniers travaux de la mission d'information sur la mise enoeuvre de la LOLF ont mis en évidence le fossé entre les effectifs initialement prévus pour faire fonctionner Chorus et les besoins réels des plates-formes – ce qui conduit à douter des hypothèses sur les gains d'effectifs attendus des centres de services partagés et des services facturiers. Certaines des difficultés apparues semblent s'être résorbées progressivement, mais il apparaît aussi qu'au-delà des problèmes techniques inhérents à un projet d'aussi grande envergure, la mise en place de Chorus a souffert de l'entrechoquement avec la mise enoeuvre de la RGPP et son cortège de modifications d'organisation affectant la vie quotidienne des fonctionnaires – cela nous a été confirmé lors de l'audition des représentants de la société SAP AG, éditrice du logiciel. Ce projet se veut la traduction de la LOLF, mais il est encore le sujet de la première des réserves substantielles de la Cour des comptes pour la certification des comptes de l'État en 2009. Pensez-vous, monsieur le ministre, que cette réserve sera levée pour les comptes 2010 ?
Dans le cadre de la deuxième phase de la RGPP, cent cinquante nouvelles mesures ont été annoncées le 30 juin 2010 ; elles visent à dégager 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires d'ici à 2013, notamment par la poursuite du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite : la RGPP, qui aurait pu être une politique intelligente, a été dévoyée par cet objectif, qui s'est en pratique substitué à une réflexion approfondie sur les missions de service public.
La direction générale de la modernisation de l'État (DGME) a consenti des efforts en ce qui concerne la consultation préalable des usagers pour la définition des mesures visant à faciliter leur accès à l'administration, même si l'Association des usagers de l'administration, que j'ai auditionnée, parle d'un verre à moitié vide, ou à moitié plein. J'aurais souhaité que les mêmes efforts soient accomplis en direction des fonctionnaires. Or je constate que, dans le cadre de la mise enoeuvre de la RGPP, la concertation avec les syndicats a été très faible, ce qui est d'ailleurs une constante de la politique gouvernementale. Les syndicats, que j'ai auditionnés l'an dernier, ont, dans leurs réponses à mes questions écrites, formulé les mêmes critiques à l'égard d'un processus auquel ils n'adhèrent pas sous cette forme, alors même qu'ils sont tous attachés à l'efficacité de l'action publique. On ne réforme pas la fonction publique contre les fonctionnaires. Je constate, une fois encore, le peu d'efficacité des économies réalisées dans la première phase de la RGPP, puisque le déficit public atteindra 152 milliards d'euros en 2010.
Par ailleurs, depuis le 4 mars 2010, nos concitoyens ont à leur disposition un nouveau service leur permettant de déclarer sur Internet, et en une seule démarche, la perte de plusieurs titres – carte nationale d'identité, passeport, certificat d'immatriculation d'un véhicule. Mais comment ne pas souligner, à la lecture du rapport de la DGME, les difficultés rencontrées par nombre d'entre eux, qui, lors du renouvellement de leur carte d'identité, doivent prouver leur nationalité française alors qu'ils la possèdent depuis de nombreuses années ?
J'en viens au programme « Conduite et pilotage des politiques économique et financière », dont les autorisations d'engagement s'élèveront à 925 millions d'euros en 2011, en baisse de 4,3 %, et les crédits de paiement à presque 909 millions d'euros, en hausse de 2,8 %. Il est à noter que la totalité du programme est désormais gérée sur Chorus.
Ce programme couvre un grand nombre d'administrations, mais je me limiterai à l'activité de l'inspection générale des finances (IGF). Cette année, monsieur le ministre du budget, je me suis tout particulièrement intéressé aux conditions dans lesquelles vous avez chargé, le 1er juillet dernier, le chef du service de l'IGF, M. Jean Bassères, assisté de trois inspecteurs des finances, d'une mission d'enquête sur l'affaire « Woerth-Bettencourt ».
Je me suis notamment interrogé sur le fait que vous ayez sollicité l'IGF, service administratif placé sous votre autorité, pour enquêter et statuer sur un acte présumé d'un ministre dans l'exercice de ses fonctions, lequel ministre était en l'occurrence votre prédécesseur. En effet, la lettre de mission adressée au chef de l'IGF demandait notamment d'apporter une réponse précise à la question suivante : « M. Éric Woerth, durant la période où il était ministre du budget [...], est-il intervenu pour demander, empêcher ou orienter un contrôle ? » Je considère que cette demande n'entre pas dans les missions d'une administration dépendante de l'exécutif, fût-elle un corps de contrôle : une telle mission ne peut relever que de l'autorité judiciaire ou du Parlement, par l'intermédiaire d'une commission d'enquête. Ainsi, M. Woerth n'a pas été entendu par l'IGF, alors qu'il l'aurait évidemment été par une commission d'enquête.
Cette démarche, à ma connaissance sans précédent – les anciens chefs de l'IGF que j'ai auditionnés me l'ont d'ailleurs confirmé –, est porteuse d'un risque : celui de l'instrumentalisation de l'IGF pour une mission qui, je le répète, ne relève pas d'un corps de contrôle dépendant de l'exécutif. Qu'est-ce qui, avec ce précédent, empêchera dorénavant un ministre de demander au même service d'expertiser les actes de son prédécesseur ? Mes auditions de l'actuel chef de l'IGF et de certains de ses prédécesseurs ne m'ont pas fait changer d'avis : je pense que la demande formuléee dans la lettre de mission dépassait les prérogatives habituelles de l'IGF.