Jean-Marie Binetruy m'a interrogé sur la montée en charge du RSA, notamment du RSA activité. Les chiffres publiés en août 2010 font état de 1,797 millions de foyers bénéficiaires du RSA, dont 1,149 millions pour le RSA socle – ancien RMI – contre 1,145 millions en juillet. Lors d'une audition à laquelle assistait le rapporteur spécial, j'avais indiqué que je m'attendais à une stagnation du nombre de bénéficiaires du RSA socle. Les chiffres tendent à confirmer cette prévision de sortie de crise.
Le RSA socle et activité est perçu par 193 304 foyers, contre 191 981 en juillet, et le RSA activité seul par 455 634 foyers. Le nombre de RSA activité est passé de 414 000 en juin 2009 à 648 938 en août 2010, soit une progression de 57%. On peut certes choisir de voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein ; pour ma part, j'ai toujours tablé sur une montée en charge progressive. Souvenez-vous qu'il a fallu cinq ans pour voir doubler le nombre de bénéficiaires du RMI, dix ans pour le voir tripler. Cette montée en charge progressive du RSA activité s'explique aussi par un contexte de sortie de crise, avec la reprise du travail intérimaire et du travail à temps partiel, qui avaient été les premiers touchés par la crise économique. Mes services vont par ailleurs s'intéresser aux disparités qui existent entre départements – dans le Loir-et-Cher, où je me suis rendu la semaine dernière, la progression est de 72 %. Ces disparités s'expliquent notamment par la nature de l'emploi dans les différents départements. Dans les départements ruraux, on constate ainsi une nette montée en puissance du RSA versé par les MSA.
L'État verse actuellement 110 millions d'euros par an au titre du RSA activité, tandis que les départements consacrent 539 millions au RSA socle. En juin 2009, nous étions à 44 millions pour le RSA activité et 438 millions pour le RSA socle. On assiste donc bien à une montée en puissance.
Le rapporteur spécial et Christophe Sirugue ont parlé du RSA jeunes. Je suis heureux de reprendre avec ce dernier le débat de qualité que nous avions eu lorsque j'étais rapporteur de la loi sur le RSA. J'indique que 5634 dossiers de RSA jeunes ont été constitués. Néanmoins, il faut attendre trois mois pour disposer de chiffres définitifs : le logiciel de la CNAF a beau s'appeler CRISTAL, il est si rigide qu'il faut un certain temps pour assurer une réelle transparence ! Les dossiers de RSA jeunes sont d'ailleurs plus longs à constituer que les autres : il faut vérifier la condition de deux ans d'activité au cours des trois dernières années, ce qui s'avère complexe lorsqu'on est en présence, comme souvent chez les jeunes, de carrières fracturées. Quoi qu'il en soit, les dossiers concernent plutôt le RSA activité que le RSA socle, et les demandeurs sont en majorité âgés de vingt-deux, vingt-trois ou vingt-quatre ans. Cela confirme que les jeunes commencent le plus souvent à travailler à temps partiel après vingt et un an et qu'ils ne réunissent les conditions requises – il est vrai assez restrictives, monsieur Sirugue – qu'à l'approche de vingt-cinq ans. Du moins aurons-nous réussi à gommer ce seuil, qui n'était pas juste. Vous savez sans doute qu'un recours contre le décret sur les critères d'accès au RSA jeunes a été déposé au Conseil d'État. Or ce décret reprend exactement le dispositif que mon prédécesseur Martin Hirsch avait présenté aux Commissions des finances et des affaires sociales l'an dernier. Il a fait l'objet d'un avis du Conseil d'État, et nous avons tenu compte de toutes ses observations. Je serais donc très étonné que le recours aboutisse.
En ce qui concerne le RSA DOM, nous avons obtenu un arbitrage interministériel qui permettra au dispositif de démarrer au 1er janvier 2011. La transition entre le RSTA, complément de revenu d'activité, et le RSA, allocation versée au foyer, devait fatalement faire des gagnants et des perdants. Toutefois, nous n'avons pas voulu pénaliser les personnes qui avaient déjà bénéficié du RSTA, d'autant que les accords Bino ne s'appliquent pas de la même manière aux Antilles et à la Réunion. Comme le proposait l'excellent rapport de votre collègue René-Paul Victoria, nous avons décidé d'offrir le choix entre RSTA et RSA, l'option exercée étant définitive. Les deux prestations – non cumulables, donc – seront maintenues jusqu'à fin 2012, afin d'assurer une sortie en douceur du dispositif. Nous avons dû mettre au point une « tuyauterie » assez complexe, car le RSTA était géré par la caisse générale de sécurité sociale – CGSS – tandis que le RSA l'est par les CAF, mais nous y sommes parvenus ! L'État devra certes apporter un financement de quelque 200 millions d'euros supplémentaires jusqu'à fin 2012, mais l'arbitrage a été rendu au bénéfice des usagers.
Jean-Marie Binetruy s'est interrogé sur le point de savoir si la contribution de l'État au RSA serait suffisante. Les prévisions de montée en puissance du dispositif étant particulièrement optimistes, les sommes provisionnées n'ont pas été, loin s'en faut, entièrement dépensées. Les commissaires de la Commission des finances ne me feront pas grief d'avoir souhaité que la dépense soit ajustée au plus près ! Cela étant, le RSA est un droit : ce n'est pas le budget qui crée le nombre de bénéficiaires, mais le nombre de bénéficiaires qui détermine la contribution budgétaire. Nous avons estimé le rendement de la taxe de 1,1 %, et déduit en fonction de cette estimation une contribution de l' État de 700 millions d'euros en 2011 et en 2012. Vos collègues du Sénat m'ont fait observer qu'il restait de l'argent dans cette dotation ; je leur ai indiqué que dans le cadre de la maîtrise de la dépense publique, il avait été redéployé de manière à ajuster les prévisions budgétaires au plus juste.
En 2010, le rendement prévu pour la taxe de 1,1 % était de 1,210 million d'euros ; en 2011, il sera de 1,168 million, avec une subvention d'équilibre de 700 millions d'euros ; en 2012, il sera de 1,218 million, avec une subvention d'équilibre de 700 millions d'euros – cela avec des prévisions volontaristes sur les différents RSA.
Nous avons tablé sur une continuité dans la montée en puissance du RSA activité – on passerait de 1,313 million en 2010 à 1,803 million en 2011. Pour le RSA jeunes, nous avions provisionné 20 millions d'euros pour cette année. J'ai provisionné 75 millions d'euros, ce qui correspond à peu près à 15 000 jeunes. Lorsque j'ai avancé ce chiffre, on m'a dit que mes prévisions étaient très restrictives. Au vu des premiers dossiers qui arrivent, je constate qu'elles étaient plutôt pertinentes… Il est vrai que 160 000 jeunes pourraient potentiellement bénéficier du RSA jeunes ; mais, en bon ingénieur que je suis, j'ai essayé d'ajuster les chiffres, et je pense que ma prévision est plutôt bonne.
Pour le RSA outre-mer, nous ajustons, comme je vous l'ai dit, avec 200 millions d'euros. Les chiffres sont assez volontaristes. Avec 700 millions de dotation budgétaire, nous n'avons donc guère d'inquiétude sur notre capacité à financer le dispositif. Néanmoins, les marges de manoeuvre sont faibles.
J'en viens à l'APRE, l'allocation personnalisée de retour à l'emploi. Devant les nombreuses distorsions qui existent, nous avons mis enoeuvre un dispositif de simplification d'une dizaine de mesures – M. Binetruy a bien voulu assister à leur présentation. En tenant compte de l'argent qui n'a pas été dépensé, nous disposons de 110 millions d'euros provisionnés pour l'APRE – 20 millions pour Pôle Emploi et 90 millions pour les départements.
S'agissant de la CMU, je répondrai précisément par écrit à Christophe Sirugue, afin de lui montrer qu'il n'existe pas de difficulté.
L'Assemblée nationale a déjà eu l'occasion d'aborder les questions de la trappe à temps partiel – que j'avais moi-même soulevée dans mon rapport – et de la bi-activité des couples. Il faut attendre la sortie définitive de la crise pour disposer d'une vraie mesure. Le comité d'évaluation que j'ai installé avec les partenaires sociaux n'a d'ailleurs pas encore rendu ses conclusions. Je les transmettrai bien entendu au rapporteur dès que nous en disposerons.
J'en viens à l'unification des différentes prestations, en particulier l'APL, l'aide personnalisée au logement. J'ai réuni la semaine dernière deux groupes pilotes d'usagers issus de deux départements. Deux pistes sont à l'étude, celle de la mensualisation – notamment pour les personnes bénéficiant de plus de 160 euros de RSA – et celle de l'annualisation, pour les petites prestations. Cela permettrait aux usagers de faire des prévisions budgétaires beaucoup plus justes.
Je me tourne enfin vers le président Pierre Méhaignerie, qui avait, le premier, soulevé la question de l'articulation entre PPE – prime pour l'emploi – et RSA. Je suis pour ma part tout à fait ouvert à une réflexion sur l'amélioration – voire l'unification – du dispositif. Dans l'hypothèse où vous chargeriez un député de se pencher sur cette question, je suis même disposé à lui fournir l'assistance de mes services.
Je rejoins à présent le Conseil des ministres, mais je serai de retour sitôt qu'il sera achevé.