Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Luc Chatel

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement :

Monsieur Yanno, la construction de deux lycées en Nouvelle-Calédonie, prévue dans le cadre des accords de Nouméa, pour un montant estimé à plus de 50 millions d'euros, ne peut être financée par les seuls crédits inscrits au PLF 2011. J'ai donc le plaisir de vous annoncer qu'en accord avec le ministre du budget, nous avons décidé de redéployer des moyens supplémentaires dans le cadre des ajustements de fin de gestion de l'exercice 2010. Un million et demi d'euros de crédits de paiement vont être mobilisés, dans le cadre des redéploiements interministériels, pour couvrir les autorisations d'engagement affectées par le ministère de l'éducation nationale, fin 2009, au financement des études dont nous avions parlé ensemble lors de mon déplacement sur place. Dix millions d'euros d'autorisations d'engagement vont être redéployés par mon ministère et affectés à ce projet de construction. Ensuite, pendant l'exercice budgétaire 2011, et dès que les coûts de construction auront été précisés grâce aux études que j'évoquais, une participation interministérielle sera sollicitée, afin de compléter les autorisations d'engagement nécessaires au bouclage de l'opération.

Monsieur Bouvard, j'ai donné des instructions à nos recteurs pour que le problème des saisonniers soit pris en compte dans la gestion de nos effectifs de remplacement.

Vous avez raison de souligner que nos indicateurs ne sont pas suffisamment fiables. Nous avons décidé de les stabiliser, afin de permettre les comparaisons et l'élaboration de perspectives. Je pense notamment aux évaluations des élèves. L'une de nos difficultés est d'assurer une cohérence avec les tests Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves), qui interviennent tous les trois ans et vont être effectués dans les semaines qui viennent. Une plus grande stabilité nous assurera un meilleure lisibilité ; les premiers éléments concernant le socle commun de connaissances et de compétences vont apparaître dès le rapport annuel 2010, qui sortira à la mi-2011.

Monsieur Durand, vous m'avez interrogé sur le dispositif de réussite éducative. En matière d'éducation prioritaire, à laquelle sont consacrés au total un milliard d'euros, nous avons aujourd'hui deux niveaux d'intervention : les réseaux ambition réussite, qui concernent 224 collèges, et les réseaux de réussite scolaire, qui en concernent à peu près autant. Dans 105 collèges et lycées caractérisés par de grandes difficultés scolaires, un recrutement dans des milieux très défavorisés et un climat de violence, nous avons décidé d'expérimenter un nouveau dispositif dénommé CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite), donnant davantage de marge de manoeuvre aux établissements – autonomie pédagogique, autonomie de recrutement, autonomie de vie scolaire.

Devant l'empilement actuel des dispositifs, une clarification est nécessaire. Ce travail va avoir lieu au niveau interministériel, afin de tenir compte de la cartographie de la politique de la ville. Je souhaite notamment que les recteurs soient cosignataires des CUCS (contrats urbains de cohésion sociale) et que ceux-ci aient une dimension éducative beaucoup plus forte. Nous allons donc évaluer et réviser notre politique de l'éducation prioritaire, dans le cadre de la politique de la ville telle qu'elle va être redéfinie en 2011.

Le président du groupe UMP, Jean-François Copé, a fait beaucoup de propositions utiles et intéressantes. Il a notamment souhaité que l'enseignement du premier degré se concentre sur les fondamentaux, rappelé l'importance de l'aide personnalisée et prôné une plus grande autonomie des établissements. S'agissant de l'évaluation, il a proposé un examen d'entrée en sixième : je me suis déclaré réservé sur cette proposition. En effet, l'esprit du « socle commun de connaissances et de compétences » dont parle la loi de 2005 est l'évaluation progressive, au fur et mesure de l'acquisition des connaissances et des compétences ; c'est ce qui a conduit Xavier Darcos à mettre en place les évaluations de CE1 et de CM2. En outre, il faut se poser la question du redoublement : que ferait-on des élèves qui ne réussiraient pas cet examen ? Je rappelle que 40 % des élèves qui présentent le baccalauréat ont redoublé au moins une fois dans leur scolarité et que ce n'est pas un gage de réussite. Mais il s'agit là de mon seul point de désaccord avec Jean-François Copé.

M. Alain Marc a évoqué la réticence de certains inspecteurs d'académie à ouvrir des classes bilingues. Le problème vient de ce que ces classes peuvent attirer des élèves d'écoles rurales, lesquelles s'en trouvent affaiblies, ce qui peut aboutir à des difficultés dans la carte scolaire locale.

Monsieur Manscour, je veux vous rassurer. Nous avons déployé en Martinique des moyens à la hauteur des difficultés. L'académie de la Martinique est celle qui dispose du meilleur taux d'encadrement « PE » (nombre de postes d'enseignants équivalents temps plein pour cent élèves) de France. Cela s'est notamment traduit à la rentrée par la généralisation de l'accompagnement éducatif dans toutes les écoles de la Martinique. Par ailleurs, j'étais avec le président de la région et le maire de Fort-de-France pour lancer le projet d'internat d'excellence, qui doit permettre à des élèves méritants de réussir.

Mme Delong et M. Pinte m'ont interrogé sur la médecine de prévention. C'est un sujet majeur, mais entre la situation actuelle et ce que propose M. Pinte, il y a une marge. J'ai décidé de proposer dans un premier temps un bilan de santé à l'ensemble des personnels l'année de leurs 50 ans ; nous avons signé dans ce but une convention avec la Mutuelle générale de l'Éducation nationale (MGEN) pour faire appel à son réseau et bénéficier de coopérations plus importantes – car nous nous heurtons aux difficultés de recrutement de médecins de prévention. Cette opération a été lancée dans six départements et sera généralisée le 1er janvier prochain.

En ce qui concerne les RASED, monsieur Ménard, je vous confirme qu'il n'y a pas de notre part de volonté de suppression ; nous avons un système d'accompagnement des élèves en grande difficulté progressif – aide personnalisée, intervention des professeurs des écoles eux-mêmes puis, le cas échéant, recours à des RASED ou à des enseignants spécialisés.

En ce qui concerne l'accueil des enfants handicapés, sur lequel plusieurs d'entre vous m'ont interrogé, je rappelle que la loi très importante votée en 2005 permet d'en scolariser aujourd'hui 45 % de plus qu'il y a cinq ans. Cette année, nous en accueillons 10 000 de plus que l'année dernière, soit au total 195 000. Nous dépasserons les 200 000 au cours de l'année 2011. Nous sommes en passe d'atteindre les 2 000 classes spécialisées – ex-unités pédagogiques d'intégration (UPI), désormais baptisées unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) ; nous en avons ouvert près de 200 à la rentrée. Les progrès sont donc considérables. Ils se traduisent dans ce budget puisque les crédits consacrés à l'accueil des enfants handicapés sont en augmentation de 13 %.

Concernant l'accompagnement individuel des enfants handicapés, sujet compliqué, le premier problème – et je me tourne vers le législateur que vous êtes – est celui de la séparation entre le prescripteur et le payeur : les maisons du handicap prescrivent, le ministère finance ; il peut en résulter des écarts entre les prescriptions au niveau local et les budgets affectés. Le deuxième problème est la pérennité des contrats d'auxiliaire de vie scolaire individuel (AVS-i). Nous y avons répondu de la même manière que l'année dernière, en élargissant le champ des conventions signées au mois de juin avec les associations de parents d'enfants handicapés et les associations de services à domicile ; l'ensemble du territoire est désormais couvert, et un AVS-i en fin de contrat pourra donc le faire reprendre par une association locale, étant entendu que son financement restera assuré à 100 % par l'Éducation nationale.

Des crédits de formation sont destinés à ces personnels. Il faudra réfléchir à terme à la mise en place d'une filière de professionnalisation, mais nous n'avons pas les moyens financiers de le faire pour le moment. Je vous invite à approfondir cette question pour l'avenir. J'ajoute qu'une négociation avec le ministère du budget a permis de maintenir notre niveau d'intervention à 10 % des contrats d'AVS-i, alors que le pourcentage passe à 30 pour l'ensemble des autres contrats aidés ; nous pourrons donc maintenir le nombre de contrats.

Monsieur Douillet, l'accompagnement éducatif a été mis en place en 2008. Il vise les « orphelins de 16 heures », livrés à eux-mêmes à la fin de la journée scolaire. C'est un réel succès : il touche aujourd'hui 1 150 000 élèves, soit 30 % des collégiens et 200 000 élèves des écoles de l'éducation prioritaire et, depuis la rentrée scolaire, de l'outre-mer. Ces élèves sont accueillis entre 16 et 18 heures, au sein même des établissements scolaires, soit par des personnels de l'éducation nationale, soit dans le cadre de partenariats avec des associations locales ou des communes. Ce temps extra-scolaire est consacré pour 62 % à l'aide aux devoirs, pour 22 % à la pratique artistique ou culturelle, pour 11 % à du sport et pour 5% à l'apprentissage des langues étrangères.

Monsieur Mathon, les conseillers d'orientation-psychologues (COPSI) sont des experts, utilisés comme tels. L'orientation a un caractère beaucoup plus global. Nous avons décidé de moderniser le service public de l'orientation, en faisant en sorte que les plates-formes de l'ONISEP puissent répondre à toutes les questions et informer les élèves sur les métiers porteurs ; et nous avons mis en place un tutorat au lycée pour les élèves qui ne trouvent pas dans leur famille une aide pour leur orientation. Quant aux COPSI, nous avons travaillé l'année dernière avec leurs représentants pour repréciser leurs missions. Les conclusions de ce groupe de travail vont être reprises prochainement dans un décret.

Monsieur Bourg-Broc, nous avons ouvert onze nouveaux internats d'excellence, offrant 6 200 places à des élèves issus de milieux défavorisés, méritants et identifiés comme ayant des capacités de réussite au sein de l'école ; l'objectif est de créer 20 000 places en trois ans. Les choix d'implantation ont été déterminés en partenariat avec certaines collectivités territoriales, mais aussi en fonction des bassins de recrutement des élèves.

La carte des sections européennes existant sur l'ensemble du territoire a été établie par les recteurs. Elles comptent aujourd'hui 270 000 élèves, soit 5 % des élèves du second degré. Au-delà de ces classes européennes, nous sommes déterminés à développer l'enseignement des langues étrangères pour tous les lycéens. C'est la raison pour laquelle la réforme des lycées prévoit la création de groupes de compétence. Il y aura également – autre exemple de conventionnement avec les régions et les départements – des partenariats sur les méthodes multimédias d'apprentissage des langues vivantes.

J'en viens à l'éducation artistique, sur laquelle M. Bloche m'a lui aussi interrogé.

En 2011, l'Éducation nationale consacrera à l'éducation artistique et culturelle 2 140 millions d'euros, soit l'équivalent de la moitié du budget de la culture. Cet enseignement va mobiliser l'équivalent de 36 000 enseignants en arts plastiques et en éducation musicale.

Depuis la rentrée 2008 dans le premier degré et la rentrée 2009 au collège, nous avons intégré dans tous les programmes l'enseignement de l'histoire des arts, laquelle fait d'ailleurs l'objet, à partir de cette année scolaire, d'une épreuve obligatoire au brevet.

Deuxième nouveauté, que j'ai déjà évoquée : les activités culturelles pratiquées par les élèves dans le cadre de l'accompagnement éducatif au collège, grâce à des partenariats avec des associations locales – ce qui vient en appoint aux moyens habituels de l'Éducation nationale.

Depuis avril 2009, les collections permanentes des musées et les monuments nationaux sont en accès libre pour les élèves et étudiants de moins de 25 ans et leurs professeurs, afin de favoriser l'ouverture culturelle.

Enfin, la réforme du lycée comprend un volet culturel important, avec la nomination dans chaque établissement d'un « référent culture », chargé de l'animation de la vie culturelle.

Madame Greff, une mission de l'Inspection générale est prévue pour 2010-2011 sur les associations de soutien. Elle va évaluer leur travail. Dans le cadre de ce budget 2011, nous avons décidé que les crédits seraient attribués à ces associations au vu d'engagements sur des projets – et non pas seulement pour financer des actions courantes.

Monsieur Pérat, j'ai annoncé au mois de mai dernier au Comité national olympique et sportif français (CNOSF) notre volonté de relancer le sport associatif, notamment en fixant pour objectif de doubler le nombre d'adhérents de l'UNSS dans les deux prochaines années. D'abord en améliorant la diffusion du sport scolaire : dorénavant, aux côtés du chef d'établissement, président de l'association locale, il y aura un vice-président parent d'élève et un vice-président élève. Ensuite, en veillant à ce que « l'offre » sportive s'adresse aussi bien aux filles qu'aux garçons – car actuellement les jeunes filles pratiquent beaucoup moins que les garçons.

Monsieur Pinte, il était sans doute plus facile d'être ministre de l'éducation nationale à l'époque où l'on créait chaque année un grand nombre de postes d'enseignants, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Dans le contexte actuel des finances publiques, aucun budget ne doit s'exonérer de l'effort de maîtrise de la dépense. Nous devons donc améliorer l'efficacité du système, dans le public mais aussi dans le privé. Nous le faisons en appliquant la méthode des 20 %, mais en tenant compte également des spécificités du secteur privé, ce qui aboutit à la suppression de 1 633 postes. Le secrétaire général de l'enseignement catholique m'a fait des propositions ; il peut d'ailleurs avancer sur un certain nombre d'entre elles, notamment, à l'instar de ce que nous faisons dans le public, sur la gestion intercommunale des écoles en milieu rural. Je peux également ouvrir de nouvelles pistes : dans l'enseignement public, il y a 48 collèges, sur un total de 7 000, qui ont moins de cent élèves ; dans l'enseignement privé, il y en a 205 – ce qui signifie que des efforts d'organisation et de rationalisation de l'offre scolaire sur le territoire sont possibles.

Madame Martinel, j'aurai l'occasion de préciser demain, lors de la convention de l'UMP, les annonces que j'ai faites récemment sur le collège dans une interview. Je partage le sentiment exprimé par Frédéric Reiss que nous devons assurer davantage de liens entre le premier degré et le second. L'idée d'organiser, pour les élèves qui sont entrés au collège avec des difficultés de lecture, un soutien assuré par des professeurs des écoles, dont c'est le métier d'apprendre à lire aux élèves, me paraît intéressante ; nous allons l'expérimenter à la rentrée prochaine. La deuxième piste, étant donné que le collège unique prépare quasi-exclusivement au lycée général alors que 30 % des élèves vont en lycée professionnel, est de multiplier les possibilités pour les élèves, au moins en 3° et sans doute dès la 4°, de se préparer à l'enseignement professionnel – sans que ce soit une voie de non-retour, mais en leur faisant découvrir des filières et des métiers. Là encore, je ferai des propositions.

M. Luca, à qui j'ai déjà répondu, ainsi qu'à M. Chossy, sur les AVS-i, a par ailleurs soulevé le problème des élèves précoces. Ce sujet, qui n'est pas simple, renvoie à celui de la personnalisation des parcours : un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) peut être établi en concertation avec la famille si l'élève précoce a des difficultés importantes. En 2009, 80 collèges, publics ou privés, avaient mis enoeuvre des parcours scolaires adaptés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion