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Intervention de Luc Chatel

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement :

Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, le budget de l'éducation nationale restera en 2011, avec ses 60 milliards 505 millions d'euros, le premier budget de l'État, en augmentation de 1,6 %. C'est bien la démonstration que, dans la situation budgétaire que vous connaissez, l'éducation reste une priorité. Nous pourrons en 2011 poursuivre ou achever plusieurs réformes engagées depuis plusieurs années. Ainsi la réforme du lycée s'appliquera-t-elle aux classes de première à la rentrée 2011. Les réformes de l'enseignement professionnel et de l'enseignement primaire monteront en puissance. Les innovations et expérimentations lancées lors de la dernière rentrée scolaire seront poursuivies : c'est le cas des internats d'excellence, destinés aux élèves méritants issus de milieux défavorisés, ou encore de l'expérimentation CLAIR – collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite –, menée dans 105 établissements confrontés à des difficultés de réussite scolaire, de sécurité et de recrutement.

Cela étant, M. Censi a raison de rappeler l'exigence de maîtrise de la dépense publique. Le premier budget de l'État, auquel émargent la moitié des fonctionnaires de l'État, ne saurait s'exonérer de l'effort collectif. À l'éducation nationale comme ailleurs, conformément à ce que le Président de la République avait annoncé en 2007, nous ne renouvellerons pas un poste de fonctionnaire sur deux au moment du départ à la retraite. En contrepartie, la moitié des économies ainsi réalisées seront réinjectées sous forme de revalorisations. Cette année encore, il est prévu que les personnels de l'éducation bénéficient de 196 millions d'euros de revalorisations catégorielles. Souvenez-vous qu'en septembre, 200 000 enseignants ont vu leur rémunération revalorisée, jusqu'à 10 % pour les personnels en début de carrière. C'est un effort important dans le contexte budgétaire actuel.

M. Censi a également évoqué la méthode suivie. Avec le plus gros budget de l'État, avec un million de fonctionnaires, je pense que nous pouvons améliorer l'efficience du système. C'est pourquoi nous avons décidé de changer de méthode. Nous refusant à imposer d'en haut, du 110 rue de Grenelle, la répartition des économies et des non-renouvellements de postes par catégorie, par académie, par filière, etc., nous avons travaillé en étroite concertation avec nos académies, nos recteurs, nos inspecteurs d'académie, nos proviseurs, nos chefs d'établissement. Somme toute, nous ferons l'année prochaine ce que fait n'importe quelle organisation humaine, n'importe quelle entreprise, n'importe quelle administration : faire confiance à ses cadres intermédiaires pour examiner comment rendre le système plus efficace à moindre coût. Nous procéderons ainsi pour le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, qui se traduira par 16 000 suppressions de postes. Cette méthode nouvelle qui consiste à faire confiance aux acteurs locaux permettra, je pense, de maintenir l'offre éducative en améliorant l'efficacité de l'ensemble du système.

Pour ce qui est du temps scolaire, nous avons lancé un travail de longue haleine en instituant la conférence nationale sur les rythmes scolaires. J'ai la conviction que ce sujet est devenu une question majeure concernant bien entendu les élèves, leurs parents, leurs enseignants, mais aussi la société tout entière, puisque l'école rythme la vie de la société et influe sur son fonctionnement global. Aujourd'hui, par exemple, mardi 2 novembre, nous sommes en période de vacances scolaires et cela se voit dans le fonctionnement des services publics et privés, des entreprises, etc. Il était temps de consacrer une réflexion globale à ce sujet. C'est la mission de la conférence nationale. Elle organise des débats au niveau régional auxquels je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à participer dans vos académies. Nous avons également procédé à l'analyse des rythmes scolaires pratiqués dans d'autres pays. Le comité de pilotage, coprésidé par M. Christian Forestier et Mme Odile Quintin, me fera des propositions au printemps prochain sur des perspectives d'évolution et d'adaptation de nos rythmes scolaires. Aujourd'hui, nous avons parfois le sentiment de cumuler tous les handicaps : la France est le pays où il y a le plus grand nombre d'heures de cours concentrées sur le plus petit nombre de jours de classe. On devrait pouvoir trouver un meilleur équilibre.

À cet égard, je remercie la présidente Michèle Tabarot d'avoir créé, au sein de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, une mission d'information consacrée à ce sujet. Ses travaux viendront nourrir la réflexion de la conférence nationale.

Vous avez aussi posé, monsieur Censi, la question des langues régionales, en particulier – ce qui ne surprendra personne vous concernant – celle de l'occitan. Je voudrais d'abord vous rassurer. Dans l'académie de Toulouse, le nombre d'élèves bénéficiant d'un enseignement de l'occitan a augmenté, passant de 45 000 en 2009 à 50 000 en 2010, soit une hausse de l'ordre de 10 %. Dans votre département de l'Aveyron, c'est le cas de 6 400 élèves sur 22 500, soit 28 %. De plus, le niveau de recrutement au CAPES d'occitan a été maintenu à quatre postes par an au cours des dernières années, alors que nous avons réduit le nombre de postes ouverts aux concours dans les autres filières. Aujourd'hui, avec 214 titulaires et 6 contractuels dans ce corps, nous disposons du potentiel d'enseignement nécessaire pour répondre à la demande.

Quant à la perspective de la création d'une agrégation, elle me semble aujourd'hui hypothétique dans la mesure où 83 % des élèves qui suivent un enseignement d'occitan sont des collégiens. Or, vous le savez, la mission première des agrégés est d'enseigner dans les lycées et dans les classes post-baccalauréat. Je crois donc que nous allons tenir le cap et continuer de recruter des professeurs certifiés.

Vous avez également relevé certaines inquiétudes face à la mastérisation du recrutement des professeurs et souhaité connaître un indicateur que nous suivons de près, le nombre de démissions après quelques semaines d'exercice en tant que professeur stagiaire. J'indique donc à votre Commission qu'au 15 octobre, soit un mois et demi après la rentrée scolaire, nous avons enregistré 80 démissions sur l'ensemble du territoire national. L'année dernière, à la date équivalente, ce chiffre s'élevait à une centaine. La tendance est donc inchangée. On ne peut imputer à la mastérisation un surplus de démissions.

Il est un autre indicateur du « moral des troupes » que nous suivons avec attention, celui des arrêts de maladie. Nous avons constaté au bout de deux mois, à la veille de la Toussaint, qu'ils n'étaient pas plus nombreux que l'année dernière. Là non plus, la mastérisation n'a pas eu d'effets particuliers.

S'agissant de l'enseignement technique agricole, je me félicite que nous ayons pu trouver un terrain d'entente avec le ministère de l'agriculture, qui restera bien dans la mission « Enseignement scolaire ». La coordination s'améliore tant au niveau local, entre les recteurs et les représentants du ministère de l'agriculture, qu'au niveau central, entre la direction générale de l'enseignement scolaire à l'éducation nationale et la direction générale de l'enseignement et de la recherche à l'agriculture.

Vous m'avez enfin interrogé, monsieur Censi, sur la mise enoeuvre de la loi qui porte votre nom, relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat. S'agissant de la représentation syndicale, la jurisprudence a clarifié les choses. Les enseignants, pour les questions relevant de leur vie dans l'établissement, ont des délégués syndicaux dont la rémunération incombe aux organismes de gestion. En revanche, les questions statutaires relèvent du ministère et donnent lieu à des attributions de décharges aux organisations syndicales, comme nous le pratiquons traditionnellement.

Je voudrais rassurer Mme Guégot quant au succès de la réforme des lycées professionnels lancée en 2009. Nous avons de bons indices de l'attractivité du nouveau baccalauréat professionnel en trois ans. Ainsi, même si ce n'est pas le plus parlant, les entrées en classe de troisième ont crû de plus de 2 % ; conformément aux anticipations, la proportion d'élèves de BEP demandant à poursuivre des études s'est considérablement accrue, passant de 50 % à 66 % ; mais surtout, le nombre d'inscrits en première professionnelle a augmenté de 40 % cette année. Nous sommes donc en passe d'atteindre l'objectif visé, qui était d'augmenter le nombre de bacheliers professionnels et de pousser le maximum de jeunes à aller au-delà du BEP et du CAP, jusqu'à ce bac « pro ».

Vous vous interrogez sur la globalisation des moyens, sur la foi d'échos un peu inquiétants parfois. Il s'agit là d'un élément essentiel de la réforme tant du lycée professionnel que du lycée général. J'ai l'intime conviction que nous devons faire confiance aux acteurs locaux – aux chefs d'établissement notamment – pour répartir les moyens. Je n'ai pas entendu comme vous, madame la rapporteure, parler de transferts de budgets des lycées professionnels vers les lycées d'enseignement général. C'est désormais au conseil pédagogique de chaque établissement de veiller à ce que la dotation globale soit convenablement répartie entre les filières et entre les spécialités. Il y va de la responsabilité du chef d'établissement et des professeurs qui en sont membres.

Faute de relations ou faute de connaître des entreprises susceptibles de les accueillir, les élèves ont souvent du mal à trouver des stages, d'autant qu'ils sont 700 000 à en chercher chaque année. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de mobiliser tous les services du ministère, en particulier l'ONISEP, pour apporter une réponse concrète et adaptée à tous les élèves, en particulier aux plus fragiles. L'ONISEP va diffuser une cartographie des emplois et des stages proposés par les entreprises en fonction des formations spécialisées dispensées à l'intérieur d'un bassin de vie. Ainsi, les élèves pourront choisir leur formation, donc leur stage et leur emploi, d'après la demande effective, et non à l'aveugle. Dans ce but, j'annoncerai dans quelques semaines la création d'une banque de stages à laquelle travaillent l'ONISEP, les recteurs, quelques grandes entreprises et les chambres consulaires.

La création de passerelles est au coeur de la réforme des lycées pour permettre une orientation progressive et réversible des élèves, telle que nous l'avons voulue. Je note depuis la rentrée que des titulaires de CAP ont été admis en première « pro ». C'est la preuve que ces passerelles sont en place et que des élèves pourront construire leur parcours progressivement et pousser leur formation le plus loin possible de façon à trouver des débouchés.

Les travaux sur les contrats de plan régional de développement des formations professionnelles – les CPRDF – vont débuter et, d'ici au 30 juin, les préfets de région, les recteurs et les présidents de région auront élaboré ces plans destinés à adapter l'offre de formation aux besoins et aux spécificités des entreprises locales. J'ai également demandé aux recteurs de renforcer le dialogue en matière de gestion entre les académies et l'administration centrale et d'engager une démarche d'évaluation et de professionnalisation des acteurs, et à notre direction des études et de la prévision de s'impliquer davantage pour faire connaître les métiers « porteurs » par régions. Seront ainsi proposées aux jeunes des plates-formes d'information sur les métiers proches de chez eux, adaptés aux besoins des entreprises, et sur le niveau de qualification nécessaire.

Au fond, messieurs Gaudron et Bernier, le problème de la médecine scolaire est celui de la médecine générale : on peine à recruter médecins et autres personnels de santé dans les territoires en difficulté. Dans le budget pour 2011, nous avons prévu 1 320 postes équivalents temps plein de médecin de l'éducation nationale et 7 799 postes de personnel infirmier. Ces chiffres sont en augmentation puisque les crédits passent de 441 millions contre 434 millions l'année dernière, mais nous avons du mal à pourvoir ces emplois et, sur les 1 320 postes de médecins, 122 sont vacants.

Comment y remédier ? Vos propositions vont nous y aider. Par ailleurs, avec ma collègue Roselyne Bachelot, nous présenterons le 15 novembre prochain un plan « santé » comportant des mesures en vue de mieux respecter les obligations qui nous ont été fixées. Ainsi j'ai découvert en arrivant au ministère que les visites médicales prévues à six, neuf et douze ans n'étaient plus assurées en totalité. Nous nous sommes engagés à effectuer systématiquement la visite de six ans de manière à détecter les difficultés dès le plus jeune âge. Il faut savoir que, parfois, la médecine scolaire est la seule connue des familles. Les recteurs vont donc travailler en coopération très étroite avec les agences régionales de santé en vue de dresser un état des lieux précis. Comme vous l'avez souligné, monsieur Bernier, la situation varie beaucoup selon les régions. Nous devrons donc adapter notre offre de soins en fonction des territoires. Nous demanderons un inventaire dynamique des ressources de proximité. Par exemple, un centre hospitalier universitaire pourra procurer un renfort utile à la médecine scolaire et nous tiendrons compte de la densité médicale, et des difficultés qu'il y a à recruter localement des généralistes ou des praticiens hospitaliers. Opter pour des dépistages ciblés aurait le mérite de responsabiliser l'ensemble de la communauté éducative. Je crois également à la mobilisation des autres acteurs de l'éducation nationale : les enseignants, les personnels de vie scolaire qui sont d'excellents observateurs des élèves parce qu'ils les voient tous les jours. Il faut donc coordonner les efforts.

Vous avez évoqué l'hypothèse de faire appel à de jeunes internes en médecine. Ils agissent déjà en acteurs responsables dans les services d'urgence et ils pourraient aussi apporter leur concours dans les écoles puisque nous avons du mal à recruter des médecins et des personnels infirmiers. C'est une suggestion intéressante que nous allons creuser. Ils pourraient également, sous la surveillance d'un médecin bien entendu, accomplir certaines formalités, et notamment prendre en charge les examens « chronophages » que vous avez mentionnés.

Le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé travaillent donc ensemble à améliorer la médecine scolaire et, je le redis, nous présenterons des mesures dans ce sens dans quinze jours.

Quant aux carrières des personnels médicaux, la réflexion menée au sein du groupe de travail constitué sous l'égide de la direction générale des ressources humaines progresse sur le statut et sur la rémunération. Des négociations sont en cours et j'ai bon espoir que le plan que nous présenterons avec Roselyne Bachelot comportera des avancées dans ces domaines.

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