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Intervention de Marc Bernier

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Bernier, co-rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour l'enseignement scolaire :

Monsieur le ministre, vous avez indiqué à la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, le 5 octobre dernier, que vous aviez installé un groupe de travail sur les missions et les carrières des médecins scolaires. Nous vous suggérons que celui-ci se penche aussi sur la situation des personnels infirmiers et réponde à trois questions essentielles.

Premièrement, la médecine scolaire doit-elle être la médecine du travail de l'élève – c'est-à-dire celle qui repère les troubles susceptibles d'affecter le parcours scolaire – ou une médecine de santé publique, ou continuer à être les deux à la fois ? Les choix effectués ne seront pas sans incidences sur les relations entre les personnels médecins et infirmiers.

Deuxièmement, faut-il privilégier les actions systématiques, très chronophages, en particulier, les fameux bilans médicaux, au détriment des autres missions ? La question de l'abandon des trois nouvelles visites médicales obligatoires, celles de la neuvième, de la douzième et de la quinzième année de l'enfant, ajoutées par la loi de 2007 relative à la protection de l'enfance, devrait être posée, car leurs mérites n'apparaissent pas évidents à la direction générale de la santé. Nous pourrions même nous interroger sur l'obligation faite aux médecins de l'éducation nationale d'accorder les dérogations pour le travail sur une machine dangereuse en lycée professionnel.

Troisièmement, faut-il augmenter les moyens de la médecine scolaire ? Si les personnels de santé doivent à la fois participer à la lutte contre l'échec scolaire et être les acteurs des politiques de santé publique, une augmentation de leurs effectifs paraît inéluctable. Faut-il, comme on nous l'a proposé, prévoir la création d'un échelon intermédiaire d'auxiliaires contractuels placés entre les assistantes sociales et les infirmières, qui déchargeraient ces dernières de certaines tâches ?

Le groupe de travail pourrait en outre se pencher sur plusieurs de nos propositions.

Nous proposons par exemple de retenir le principe du dépistage ciblé, plus efficace que les actions systématiques. Les enseignants, les infirmiers et les psychologues scolaires devraient être mobilisés pour repérer les élèves en difficulté, après quoi un examen médical serait systématiquement proposé par le médecin de l'éducation nationale, couplé à la possibilité de prescrire des actes de prévention – orthophonie, vaccination, etc. Par ailleurs, ce ciblage pourrait concerner prioritairement les zones que l'on peut considérer comme déficitaires pour ce qui est de la couverture des besoins de santé – les quartiers défavorisés – et la tranche d'âge des 3-6 ans, qui constitue le moment clef pour détecter les « surdéterminants » qui affecteront le parcours scolaire et le bien-être des enfants.

Nous proposons également de donner plus de visibilité à la santé scolaire, notamment en mentionnant l'éducation à la santé dans les missions de l'école et en ajoutant dans les manuels scolaires une entrée « santé publique ». L'enseignement des sciences de la vie et de la terre – SVT –, support pédagogique de l'éducation à la santé, s'appuie sur des manuels qui restent muets sur les problématiques de santé publique, en particulier l'épidémiologie.

Autre proposition : la formation des enseignants et des personnels de direction à la santé scolaire. Une politique ambitieuse ne saurait se résumer à une présentation des méfaits du tabagisme en deux heures par une association intervenant dans l'établissement. Les enseignants devraient être impliqués dans les actions d'éducation à la santé qui relèvent déjà de leur compétence professionnelle. L'arrêté du 12 mai 2010 en fait d'ailleurs état.

Enfin, pour remédier au défaut d'attractivité de la médecine scolaire, nous formulons quelques propositions sur lesquelles nous souhaiterions connaître votre position.

Il faudrait par exemple faire intervenir les étudiants en médecine et les internes. Aujourd'hui, la médecine scolaire ne bénéficie d'aucune visibilité universitaire puisqu'elle n'est pas enseignée comme une spécialité. Des stages de découverte auprès des services de santé de l'éducation nationale pourraient être organisés pour les étudiants en médecine entre leur quatrième et leur cinquième année d'études, en amont de l'examen national classant.

L'outil que constitue le contrat d'engagement de service public devrait être utilisé pour couvrir les territoires déficitaires en médecins de l'éducation nationale. On rappellera que celui-ci a été créé par la loi dite « hôpital, patients, santé, territoires » du 21 juillet 2009 et permet à un étudiant en deuxième année de médecine de se voir attribuer une allocation de 1 200 euros par mois s'il s'engage à exercer pendant deux ans, à titre salarié ou libéral, dans une zone où l'offre médicale fait défaut.

D'autres conventions pourraient être conclues afin que les internes des centres hospitalo-universitaires puissent consacrer, s'ils le souhaitent, un jour ou deux demi-journées par semaine à la médecine scolaire.

Les interventions de ces différents acteurs pourraient être alors coordonnées au sein d' « équipes mobiles de santé scolaire ».

Le plus important reste de revaloriser le statut des personnels de santé de l'éducation nationale.

Pour les médecins, cette revalorisation pourrait s'appuyer sur une mesure d'équité : l'alignement progressif de leur grille salariale sur celle des médecins inspecteurs de santé publique, dont les missions de prévention sont proches. On marquerait ainsi une vraie reconnaissance de leur travail.

De même, la promotion des infirmiers à la catégorie A devrait être décidée rapidement, en prévoyant, le cas échéant, une certaine progressivité dans cette opération pour étaler son coût. Parallèlement, la progression de carrière de ces personnels pourrait être diversifiée pour valoriser, à l'image des infirmières hospitalières cadres de santé, ceux qui exercent certaines fonctions, comme, par exemple, celle de conseiller technique du recteur ou de l'inspecteur d'académie.

Nous avons encore d'autres propositions qui figureront dans notre rapport. Le travail que nous avons mené nous a passionnés et nous a permis de découvrir une situation que nous n'imaginions pas. Nous appelons donc l'attention sur la situation très préoccupante des infirmiers et médecins de l'éducation nationale, dont les métiers connaissent une véritable crise. Les attentes de ces personnels situés en première ligne, qui exercent leur métier avec passion, sont fortes et ne doivent pas être déçues.

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