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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 26 octobre 2010 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

La question de l'autonomie, de la gestion de la masse salariale et des ressources humaines est cruciale. Avec une augmentation moyenne de 18 % entre 2007 et 2011, 280 millions dédiés au plan « carrière », un ensemble de moyens spécifiques accompagnant le passage à l'autonomie, des marges de manoeuvre accrues, une requalification de 900 emplois de catégorie C en catégorie A et un bonus de 10 % de l'enveloppe indemnitaire de chaque université devenue autonome permettant notamment de mettre en place une politique de primes, l'enseignement supérieur a bénéficié de moyens substantiels. Les universités autonomes se sont d'ailleurs entièrement saisies de ces derniers afin de mener des politiques de recrutement puisqu'elles se sont dotées de 5 % d'emplois supplémentaires, 1 000 postes vacants ayant été ainsi pourvus. Elles en ont également profité pour dynamiser leur politique d'emploi et de recherche en créant des postes ad hoc pour des « stars » – je pense au recrutement du Prix Nobel de physique George Smoot à Paris VII ou à celui de professeurs d'Harvard à Toulouse I. L'Université de Lorraine chère à votre coeur, monsieur le rapporteur spécial, projette d'ailleurs de recruter avec l'Université de Luxembourg un autre Prix Nobel. J'ajoute qu'un tel système favorise la mise en place de politiques de primes – tant sur un plan individuel que collectif – dont bénéficient également les personnels administratifs.

De surcroît, des actions incitatives ont également été menées – ainsi de la création d'un fonds pour l'innovation pédagogique doté de 200 000 euros à Aix-Marseille II.

Enfin, les universités ont mis en place des politiques sociales inédites et, à un niveau qui n'avait jamais été atteint, des formations innovantes.

Un premier bilan de la politique d'autonomie sera par ailleurs réalisé, s'agissant notamment des bénéfices que l'ensemble des personnels a pu retirer de cette dernière.

En ce qui concerne la dialectique budgétaire État-Université – si technique soit-elle quant à l'évolution du point de la fonction publique ou de celle des règles en matière de pension, par exemple –, je sais que les universités autonomes s'interrogent en particulier sur l'impact du vieillissement de leurs personnels quant à leur gestion et donc, sur l'évolution de leur GVT. À moyen terme, il est acquis que ce dernier décroîtra puisque les départs en retraite de la génération du baby-boom seront massifs – même s'ils ont été décalés par rapport à d'autres corporations puisque les professeurs partent à la retraite à l'âge de soixante-huit ans et que les maîtres de conférence qui ne disposeraient pas de l'ensemble de leurs trimestres de cotisation peuvent également différer leur départ.

Avant le processus d'autonomie, le GVT était globalisé au sein du budget de l'État et les universités ne se souciaient pas directement de son traitement. Aujourd'hui, son évolution peut être positive ou négative sur le budget de chacune d'entre elles puisqu'il leur revient de piloter la gestion de leur masse salariale et d'y intégrer ce dernier à l'instar de n'importe quel autre facteur d'évolution comme le ferait, par exemple, une collectivité territoriale ou un organisme de recherche. Quoi qu'il en soit, nous nous situons dans une phase d'apprentissage et nous donnerons aux universités qui rencontrent des difficultés les outils leur permettant de les surmonter. Il n'en reste pas moins que la couverture financière systématique du GVT par l'État est parfaitement contradictoire avec l'idée d'un budget global incluant par définition toutes les composantes de l'évolution d'une masse salariale.

Si deux universités – Paris VI et Corte – se sont prononcées très tôt en faveur de l'acquisition de la compétence patrimoniale, huit autres se sont manifestées depuis. Le transfert de gestion du patrimoine constitue en l'occurrence la deuxième étape de la mise enoeuvre de l'autonomie, laquelle est consubstantielle à l'exercice plein et entier de politiques scientifiques et pédagogiques autonomes. Cela étant, comme il est hors de question de confier la gestion d'un patrimoine immobilier à des universités qui ne disposeraient d'aucun projet pour celui-ci, nous avons souhaité qu'avant le transfert ces dernières puissent définir une politique et des schémas directeurs immobiliers afin de promouvoir une véritable vision stratégique à moyen terme, une comptabilité patrimoniale digne de ce nom et, enfin, les équipes professionnelles idoines. Paris VI par exemple, étant en charge de la gestion d'un patrimoine immobilier de 1 milliard d'euros et de 30 000 mètres carrés de droits à construire en face de Notre-Dame, il importe grandement de prendre la mesure des potentialités offertes.

J'ajoute que quantité de financements innovants permettent de dynamiser la gestion de ce patrimoine et que la définition d'une stratégie immobilière n'implique pas nécessairement la possession d'un patrimoine, comme j'ai pu le constater en visitant des universités étrangères. L'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, par exemple, dont le nouveau learning center a reçu le Prix Pritzker d'architecture, a ainsi réussi à faire financer ce centre uniquement par des partenaires privés en étant simplement locataire du terrain sur lequel il a été construit.

En 2011, 16 millions d'euros permettront aux universités qui le souhaitent de se doter d'une stratégie immobilière et de mobiliser les terrains disponibles. J'y insiste toutefois : il ne suffit pas de disposer d'un patrimoine immobilier pour que cela réussisse. Il faut de véritables compétences et un dynamisme que les universités se doivent d'acquérir.

En 1992, M. Jack Lang avait promis la mise en place d'un processus de contractualisation avec l'enseignement supérieur privé, lequel n'a été effectif qu'en 2010. Nous avons donc réalisé un grand pas en avant, à la satisfaction des établissements associatifs. La démarche est en l'occurrence gagnant-gagnant, et pour l'État qui a étendu à ces établissements des procédures d'évaluation en vigueur à l'université afin de mesurer, notamment la qualité des formations, les résultats de la recherche, la réalité des partenariats avec les universités, la définition d'objectifs à atteindre, et pour les établissements qui se repositionnent au coeur du système d'enseignement supérieur aux côtés et en partenariat avec les universités – l'Institut Catholique de Lille sera ainsi partie prenante, par exemple, dans le projet d'investissement d'avenir que les établissements lillois déposeront.

La contractualisation, par ailleurs, s'est accompagnée de moyens inédits à hauteur de 25 % l'année dernière et de 36 % entre 2007 et 2011. En 2011, précisément, l'État sera à nouveau au rendez-vous avec le déblocage de 3 millions supplémentaires alors qu'aucun nouvel établissement ne sera contractualisé. Au total, depuis 2007, les augmentations auront été de 41 %.

Je n'ignore pas que certains, monsieur le président Censi, envisagent de défendre un amendement abondant de 10 millions supplémentaires les moyens dont disposent ces établissements à partir de ceux dont bénéficient les organismes de recherche. Or, outre que le budget de ces derniers est tendu, ils devront réaliser des économies de fonctionnement afin notamment de parvenir à valoriser les carrières des enseignants-chercheurs. Dans ces conditions, il sera difficile de les mettre encore à contribution alors que les moyens des établissements associatifs, je le répète, ont augmenté depuis quatre ans. Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.

Parce que la jeunesse constitue une priorité pour le Gouvernement, le Président de la République a pris deux décisions importantes à l'occasion de cette rentrée : sanctuariser la politique d'aide aux étudiants et à leurs familles s'agissant du logement et de la fiscalité ainsi que donner un dixième mois de bourse aux étudiants boursiers afin d'accompagner l'allongement de l'année universitaire à dix mois de scolarité. Cela correspond à une augmentation des bourses de 6 % cette année et, pour les étudiants les plus défavorisés, de 20 % en quatre ans. Le deuxième demi-mois sera quant à lui versé au cours de l'année universitaire 2011-2012 si les engagements d'allongement de l'année universitaire pris par les universités sont tenus. De ce point de vue, les déclarations de certains responsables étudiants selon lesquelles la rentrée aurait été cette année le 1er octobre m'ont paru préoccupantes : les étudiants sont rentrés à la mi-septembre et il est impératif que cette année soit complète afin qu'accompagnement pédagogique et social se complètent harmonieusement.

Monsieur Jardé, vous avez raison : il faudrait que les professeurs qui font des heures supplémentaires dans un autre établissement que le leur bénéficient eux aussi des mesures de défiscalisation. Nous étudierons la question, mais, en raison du contexte budgétaire extrêmement tendu, ce n'est pas prévu pour 2011.

Je souhaite que les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) développent une action commune en matière de diplômation et de formation par la recherche. Cinq d'entre eux ont d'ores et déjà prévu de délivrer un diplôme de doctorat : le PRES ParisTech, le PRES de Grenoble, le PRES de l'Université de Lorraine, le PRES Paris Cité et le PRES Université Paris-Est. Il convient d'encourager ce mouvement. La proposition de loi des sénateurs Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont répond à cette préoccupation.

S'agissant de la distinction entre membres fondateurs et membres associés, je reconnais qu'elle ne facilite pas l'intégration des grandes écoles dans les PRES. Je souhaite favoriser le rapprochement entre les universités et les grandes écoles ainsi que la création de classes préparatoires mixtes et de classes préparatoires dans les universités, mais je refuse de casser ce qui marche. Il faut néanmoins inciter les classes préparatoires à conclure des partenariats structurels avec les universités. C'est pourquoi, à la rentrée de septembre, j'ai pris l'engagement qu'il n'y aurait plus d'ouverture de nouvelles classes préparatoires sans un partenariat avec l'université, de manière à favoriser l'acquisition de la double culture par les étudiants.

Peut-on concevoir un nouveau modèle d'établissement, géré selon un mode fédéral, dans lequel chaque composante disposerait d'une personnalité morale et d'une certaine autonomie ? C'est déjà possible, soit par l'intermédiaire des PRES, avec une gouvernance restructurée, soit en adoptant le statut de grand établissement, comme l'envisage l'Université de Lorraine, soit en créant au sein des universités des écoles clairement identifiées.

Permettez-moi de remarquer qu'il est paradoxal de demander à l'État d'être le grand ordonnateur de PRES qui ont vocation à être autonome ! Les universités peuvent parfaitement faire évoluer leur organisation en interne, soit en augmentant le nombre des personnalités qualifiées, soit en créant des sénats académiques afin que les différentes composantes soient mieux représentées. Elles bénéficient aujourd'hui d'une réelle autonomie, qui s'exprimera, je l'espère, dans les investissements d'avenir.

Quant aux classements internationaux, nous travaillons d'arrache-pied à améliorer la position de la France. Toutefois, il ne suffit pas d'améliorer le fonctionnement de notre université, encore faut-il le faire savoir ! Telle est la raison de ma récente visite à l'Université Jiao Tong de Shangai.

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