Il est paradoxal que Mme la ministre se targue chaque année d'une augmentation importante des crédits de son ministère alors que notre pays s'éloigne des 3 % du PIB consacrés à la recherche qu'il s'était pourtant engagé, lors du Conseil européen de Lisbonne, à atteindre en 2010 ? Nous sommes cette année entre 2,1 et 2,2 % du PIB et la recherche privée est toujours insuffisante. Si nous perdons du terrain, ce n'est pas à cause de notre recherche publique, dont la qualité est reconnue internationalement – contrairement à certaines déclarations, aux effets dévastateurs, de janvier 2009 –, mais en partie à cause du déficit de la recherche privée, que l'augmentation de l'assiette du crédit d'impôt recherche n'a pas réussi à stimuler de façon significative.
La France occupe désormais le quatorzième rang mondial en matière de recherche et le dix-huitième en matière d'innovation. Si votre budget augmente autant que vous l'annoncez depuis trois ans, comment expliquez-vous ce recul constant par rapport aux autres pays ?
De multiples appels d'offre ont été lancés dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur. Une forte impulsion pouvait en être espérée. Pourtant, les chercheurs nous disent qu'ils doivent consacrer beaucoup de temps à des procédures administratives dont les règles changent sans cesse et dont les effets sont peu visibles dans leurs laboratoires. Ne serait-il pas temps de simplifier les divers financements et de choisir un cadre plus stable ?
Les sommes importantes engagées sur le pôle de Saclay justifient-elles l'appauvrissement des centres de compétences et des universités de Paris, de Cachan et d'autres sites franciliens ou régionaux concernés par le transfert vers ce pôle ? Vous est-il possible de distinguer, dans les projets financés, ce qui relève du coût du transfert et ce qui relève de projets réellement nouveaux, et de nous en donner communication ?
Peut-on connaître les sommes dédiées à la maintenance, à l'entretien, à la remise aux normes des équipements et infrastructures de recherche existants ? Alors que l'on constate une dégradation du cadre de travail des salariés de la recherche, l'orientation des crédits se fait majoritairement sur des projets n'intégrant pas ces investissements pourtant indispensables pour maintenir l'attractivité de notre recherche ?
Enfin, si les investissements publics déployés pour la recherche n'arrivent pas à enrayer notre décrochage par rapport aux pays développés et émergents, n'est-ce pas en partie dû à la faiblesse accrue de notre industrie, que la crise a contribué à fragiliser et dont l'organisation en filières tarde à venir ? Les pays qui résistent le mieux à la crise, comme l'Allemagne, sont ceux qui ont su garder une industrie forte et bien irriguée par la recherche et l'innovation.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, où en sont les regroupements des pôles de compétitivité en réseaux thématiques avec des chefs de file identifiés, comme l'avait préconisé le rapport d'évaluation des pôles demandé par votre gouvernement ?
Comment expliquer que les centaines de millions injectés dans la filière photovoltaïque en recherche amont et, pour ce qui est de l'aval, en incitations fiscales et en tarifs de rachat aient in fine provoqué une spéculation financière et encouragé l'installation à plus de 90 % de panneaux chinois ? Comment réussir la deuxième étape technologique du photovoltaïque après avoir raté la première, en confortant cette filière d'avenir au lieu de la déstabiliser par une série de décisions erratiques ? ADEME, FSI, MEEDM, DGCIS, Bercy, Commissariat général aux investissements d'avenir, EDF, EDF-EN, CEA, Total, Areva, CRE, SER, autant d'avis divergents sur la stratégie à tenir que d'acteurs nationaux entendus en audition ! Quelle est votre stratégie pour 2011 ?
Par ailleurs, les aides à l'innovation d'Oséo, très appréciées des PMI-PME innovantes, baissent de 10 millions d'euros dans le projet de budget pour 2011. Rétablir ces crédits serait une mesure efficace pour les faire évoluer ces entreprises en ETI (entreprises de taille intermédiaire), mieux armées pour exporter et créer ainsi des emplois. Allez-vous procéder à ce rétablissement ?
Toujours en matière de soutien aux ETI innovantes – les « gazelles » –, on constate que moins de 10 % des investissements engagés en direct par le Fonds stratégique industriel au 31 juillet 2010 concernent les PME, pour 135 millions d'euros. Or le Fonds avait été doté de 1 milliard d'euros pour le programme FSI-PME. Qu'en est-il ? Il est consternant de voir le nombre d'ETI stagner dans notre pays – seulement 400 hors secteur agro-alimentaire et transports – alors que l'on sait que ce sont les plus créatrices d'emplois. Je regrette de ne pas voir cette priorité émerger dans votre budget après tant de cadeaux sans contrepartie faits aux grands groupes.
Ne pourrait-on pas inciter les grands groupes que l'on aide par le crédit d'impôt recherche à investir dans l'achat de « pépites technologiques » ? Celles-ci sont nombreuses, après avoir bénéficié de fonds publics nationaux pour leur création et leur développement, à être rachetées par des fonds ou entreprises américains ou asiatiques, faute de repreneurs nationaux ou européens. Votre budget comporte-t-il des mesures spécifiques à cet égard ?
Enfin, ne craignez-vous pas un désengagement des collectivités locales vis-à-vis des industries à risques ou à investissements importants, comme la micro-électronique – dont dépend 12 % de notre dynamisme économique – ou la chimie – dont la mutation vers la « chimie verte » est nécessaire – à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, phénomène qui serait encore accentué par la « mise au pot national » de la péréquation de cette taxe ? Comment allez-vous compenser le manque à gagner des collectivités et encourager leur engagement déjà fort dans les pôles de compétitivité et les grands projets structurants, alors que le modèle économique se trouve brutalement bouleversé au bénéfice de l'État ?