Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Daniel Paul

Réunion du 26 octobre 2010 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour la recherche industrielle :

Compte tenu de son importance dans l'ensemble des crédits destinés à l'aide à l'innovation et à la recherche et développement, c'est au crédit d'impôt recherche que je consacrerai mon intervention. Le poids de ce dispositif dans les dépenses fiscales de l'État et les interrogations sur son efficacité ont suscité depuis quelques années, et spécialement depuis quelques mois, de nombreuses études et évaluations. Cela n'est sans doute pas étranger aux légères modifications envisagées dans le cadre de la discussion budgétaire actuelle.

Si cet effort place notre pays en tête pour l'aide publique à la R&D, la France, avec une dépense des entreprises égale à 1,3 % du PIB, est toujours loin de la moyenne des pays de l'OCDE – 1,5 % – et surtout du Japon, où le taux est de 2,7 %, de l'Allemagne, où il dépasse 1,8 %, et des États-Unis, où il atteint 2 %. L'objectif fixé en 2000 au sommet de Lisbonne était d'atteindre 3 % du PIB, et 2 % dans le secteur privé. C'est donc bien l'effort privé qui fait défaut, dans un secteur pourtant essentiel à l'avenir de notre pays.

En outre, depuis la réforme de 2008, l'aide n'est plus fonction de l'augmentation de l'effort de R&D, mais du volume des dépenses. Nul doute que ce changement a pesé dans l'explosion du nombre d'entreprises bénéficiant du CIR. Le nombre de groupes d'entreprises fiscalement intégrés a augmenté de 250 %, ce qui traduit, je le crains, des stratégies d'optimisation fiscale destinées à éviter le seuil de 5 % au-delà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses déclarées, moyennant la création de holdings qui sont des « coquilles vides ». Je partage cette analyse de la Mission d'évaluation et de contrôle.

On constate également une augmentation régulière du poids des dépenses de personnel, qui entrent en totalité dans l'assiette du calcul du CIR. Il s'ensuit une hausse importante des dépenses de fonctionnement, fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel quel que soit le secteur d'activité. Là encore, la MEC met en évidence que le secteur industriel est le perdant du dispositif car ses frais de fonctionnement sont supérieurs au forfait de 75 %. L'abaissement du taux de 75 à 50 % ne saurait résoudre le problème.

Le CIR serait-il un moyen de relocaliser la recherche dans notre pays ? Cet argument, très souvent mis en exergue, mérite un approfondissement. Une évaluation précise doit être menée.

De même, il serait bien difficile de prouver que le CIR est une arme anti-délocalisations, d'autant qu'aucune entreprise, bien entendu, ne soutiendra le contraire !

En matière d'emploi, il est nécessaire de faire le lien entre la recherche réalisée en France et la localisation dans notre pays des activités de production qui en sont les suites logiques.

L'aide publique doit également se traduire par un recrutement de doctorants et de chercheurs dans les entreprises. La rémunération d'un jeune chercheur, je le rappelle, est couverte à plus de 200 % par le CIR, et pourtant les effets de cette mesure généreuse restent à confirmer. Avec un taux de 4,5 chercheurs dans les entreprises pour 1 000 salariés, notre pays se situe au treizième rang de l'OCDE.

Il faut s'interroger sur le développement du recours à des cabinets spécialisés pour justifier le montant du CIR. Selon la MEC, la plupart de ces cabinets se font rémunérer au résultat. Il apparaîtrait même que 25 % des entreprises recourent à un cabinet en le rémunérant à hauteur de 20 % du CIR obtenu. La sous-utilisation du rescrit fait la fortune de ces cabinets. Est-il normal qu'une telle part de l'effort fourni – 4 % selon la MEC – soit ainsi distraite de ses objectifs ? Quelles mesures envisagez-vous à cet égard ?

Je rappelle enfin l'importance de la question des brevets, qui est au coeur de nombreuses opérations de liquidation d'entreprises après rachat. Comment protéger ces brevets ? Quelle politique européenne mettre enoeuvre à défaut de pouvoir développer une politique française spécifique en ce domaine ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne m'empêcherez pas de penser que, à une époque où l'objectif de rentabilité financière domine le fonctionnement des entreprises, le CIR puisse constituer un effet d'aubaine, une opportunité pour faire de la trésorerie, et même pour alléger l'effort privé de R&D.

Il ne s'agit pas de demander sa suppression, mais il ne s'agit pas non plus de laisser subsister les pratiques non conformes aux objectifs ou de se satisfaire de résultats mettant en évidence le retard persistant de notre pays sur ces objectifs comme sur ces besoins. Le dispositif doit faire l'objet d'une remise à plat.

En l'état actuel des choses, j'émets donc un avis défavorable à l'adoption de la partie du PLF pour 2011 consacrée à la recherche industrielle.

Je terminerai par quatre questions.

Le Gouvernement peut-il nous fournir un bilan chiffré des retours en France d'activités de recherche au cours des cinq dernières années et indiquer le nombre d'emplois qui y seraient liés ?

Peut-il nous fournir des chiffres précis concernant le nombre d'emplois de chercheurs que le CIR aurait permis de créer, en précisant leur nature – CDI, CDD, etc. ?

Quelle est l'évolution du nombre de brevets déposés en France au cours des cinq dernières années ? Quel est le lien entre cette évolution et l'effort public en faveur de la R&D ?

J'appellerai enfin à une réflexion sur les petites entreprises, filiales ou non de grands groupes, dont les savoir-faire et, en particulier, les brevets sont pillés lors de restructurations. Ne conviendrait-il pas de définir des mesures pour protéger ces brevets, comme on le fait dans d'autres pays ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion