Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 21 octobre 2008 à 21h45
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

J'en viens à la programmation pluriannuelle des finances publiques. C'est un objectif très ambitieux en temps normal, un exercice extrêmement périlleux dans le contexte international actuel, et même d'une grande témérité au regard de l'objectif constitutionnel de l'équilibre des comptes des administrations. M. Woerth a beaucoup d'humour lorsqu'il parle même de « vision » pluriannuelle. La seule vision qu'on peut avoir, c'est en se retournant, car, à moins que vous n'ayez une boule de cristal extrêmement fiable, je ne sais pas ce que vous pouvez voir avec certitude pour les trois années à venir.

Selon l'exposé des motifs de votre projet, cette programmation est à la fois « prudente » et « ambitieuse, car elle prévoit de ramener le besoin de financement des comptes publics en 2012 à une situation proche de l'équilibre – soit un niveau qui n'a pas été atteint depuis 1980 – en associant tous les acteurs de la dépense publique au redressement des comptes. » Vous vous fixez donc comme objectif de réaliser ce qui ne l'a jamais été depuis vingt-huit ans, et cela dans les pires conditions économiques et financières que nous ayons connues depuis quatre-vingts ans ! Quant à la mention doucereuse de l'association de « tous les acteurs de la dépense publique », cela veut dire que les finances des collectivités territoriales et des organismes de protection sociale vont passer à l'essoreuse selon des modalités qui sont d'ailleurs précisées dans le rapport joint au projet par le Gouvernement.

Ni la loi de programmation ni ce rapport ne font mention de la crise financière et économique actuelle, ce qui est logique puisque, d'après une dépêche AFP du 15 octobre, M. Fillon a expliqué : « Au sens le plus profond pour moi, il ne s'agit pas d'une récession .» Proposez donc cette citation comme sujet au bac, on verra ce que les lycéens trouveront à dire sur ce sujet !

Le rapport joint par le Gouvernement au projet décrit ainsi la situation dans le chapitre Les hypothèses macro-économiques retenues, la situation et les perspectives à court terme (2008-2009) : « Depuis un an, l'environnement international est effectivement moins porteur » – c'est une litote – « pour la France et ses partenaires européens. » Disons-le clairement : il a été moins porteur pour la France surtout. Pourquoi cette différence, alors que, de 1997 à 2002, le contexte porteur pour tous était plus porteur pour la France ? C'est que les politiques nationale jouent bien leur rôle. Et on ne peut nier que la crise internationale a une dimension nationale spécifique, laquelle résulte directement, madame Lagarde, de la politique que vous menez avec acharnement et conviction. Je respecte toujours la conviction, mais cet acharnement confine à une sorte de sadisme envers nos compatriotes qui n'est pas de très bon aloi.

Toujours dans ce rapport, dans le paragraphe intitulé : Les perspectives à moyen terme (2010-2012), on lit : « Le scénario économique retenu [...] retient une hypothèse de croissance de 2,5 % par an à partir de 2010. Le rebond de croissance dès 2010 repose sur l'hypothèse conventionnelle d'un retour de l'environnement international sur un sentier de croissance moyen, » – mieux vaut parler de sentier que d'autoroute, en effet – « et un rattrapage partiel des retards de croissance accumulés en 2008 et 2009. [..] Dans ce scénario, les réformes structurelles sur le marché du travail contribueraient à ramener l'économie vers le plein emploi à cet horizon ».

On croit rêver ! Quelle considération portez-vous donc au Parlement pour nous servir de pareilles calembredaines ? Votre gouvernement persiste dans le déni de la gravité de la crise, déni qui confine à l'inconscience, et cela malgré les exhortations du Président de la République à Toulon le 25 septembre : « On ne rétablira pas la confiance en mentant, on rétablira la confiance en disant la vérité. La vérité, les Français la veulent, et je suis persuadé qu'ils sont prêts à l'entendre. » Vous qui le citez sans cesse, pourquoi ne déférez-vous pas aux réquisitions du Président de la République ? Cette vérité nous la voulons, nous voulons que l'on en débatte sérieusement…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion