Je souhaite revenir, bien que vous ayez partiellement répondu sur le sujet, madame la ministre, sur la question de l'équilibre entre bilatéralisme et multilatéralisme. Les crédits de l'APD se montent à quelque neuf milliards d'euros, bientôt dix, avez-vous dit, mais une fois retranchés de ce montant quantité d'artifices, ne restent que 4 à 4,5 milliards pour l'aide directe et une fois retranchés encore les prêts de l'AFD et ce qui relève de l'aide multilatérale, la part réelle de l'aide bilatérale ne dépasse pas 200 à 300 millions d'euros. C'est un montant très modeste, d'autant qu'il se répartit entre plusieurs pays, même si un effort de recentrage a été fait. La France n'a pas encore de vision géopolitique de son aide publique au développement, contrairement à d'autres pays, comme la Grande-Bretagne qui alloue plus d'un milliard là où nous nous contentons de ces 200 à 300 millions. Il est illusoire de penser qu'un siège au conseil d'administration d'une institution multilatérale nous permettra de peser davantage. L'aide bilatérale, au contraire, joue un rôle de levier : il n'est pas rare qu'une aide de quelques dizaines de millions d'euros génère des investissements beaucoup plus importants d'autres bailleurs, notamment de la Banque mondiale. Notre pays, qui a perdu tout contrôle sur les milliards d'euros qu'il verse aux institutions multilatérales, doit se ressaisir. Il serait bon qu'il parvienne à consacrer rapidement à l'aide bilatérale 600 à 700 millions d'euros puis un milliard à moyen terme. On ne peut bien sûr y parvenir que par des redéploiements. Il n'y a pas si longtemps, la France contribuait à plus de 60 fonds des Nations-Unies. On peut certainement encore tailler dans certains de ces fonds !
J'ai été frappé que des personnalités comme Hubert Védrine et Alain Juppé, auditionnées par la mission d'information présidée par notre collègue Jean-Paul Bacquet, reconnaissent tous deux que le déséquilibre est vraiment trop grand entre aide bilatérale et aide multilatérale. Un effort a certes été fait par rapport à l'an passé, mais c'est moins évident si on se réfère aux années antérieures. Le projet de budget n'amorce, hélas, aucun rééquilibrage sérieux, et il reste à s'attaquer sérieusement au problème. Je voterai ces crédits par esprit de discipline, pour ne pas dire par réflexe de Pavlov, mais je ne n'en suis pas satisfait.