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Intervention de Jean Launay

Réunion du 21 octobre 2008 à 21h45
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Il a appauvri notre pays pour enrichir quelques-uns de vos amis. Il a porté le « travailler plus » à travers les heures supplémentaires, mais en même temps, il a structurellement relancé le chômage durable.

Mes chers collègues, après le texte Grenelle I, et dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, je voudrais développer la thèse qui étaie la nécessité de mettre en place une vraie fiscalité environnementale.

Le passage au nouveau siècle et au nouveau millénaire marque une double crise.

La première est la crise énergétique, qui témoigne d'un excès structurel de la demande d'énergie sur l'offre d'énergie. La montée du prix du baril de pétrole passant, en peu d'années, d'environ 30 dollars à plus de 100 dollars – même s'il est un peu redescendu aujourd'hui –, en est la traduction la plus marquante, quelles que soient les variations dues aux comportements spéculatifs. Nous avons atteint – ou nous allons atteindre rapidement – un pic de production, au-delà duquel nos économies ne pourront plus fonctionner, comme elles le font depuis plus d'un siècle, sur la base de ressources énergétiques d'origine fossile, abondantes et bon marché.

La seconde est la crise climatique. Elle témoigne d'un excès de consommation des énergies d'origine fossile –pétrole, charbon, gaz – au regard de la capacité de la haute atmosphère à digérer cet excès de carbone qui lui est transmis. La concentration de CO2 dans l'atmosphère s'accroît et l'évolution de sa concentration est de plus en plus rapide ; la température s'est élevée de 0,3° C par décennie au cours du XXe siècle.

Préparer l'après-pétrole, lutter contre le changement climatique, voilà bien un enjeu structurel majeur pour notre XXIe siècle. Il s'agit donc de modifier en profondeur notre mode de développement et, avec lui, nos modes de production et de consommation.

Cette double crise nous pousse à trouver remède : nous devons apprendre à vivre, à produire, à consommer en étant plus sobre dans l'usage des énergies d'origine fossile. Cette sobriété permettra de mieux maîtriser l'excès de la demande sur l'offre ; elle permettra de respecter l'objectif international d'éviter que la température moyenne sur la Terre ne s'élève de plus de 2° C d'ici à 2050.

Pour atteindre cet objectif, il faut diviser par 2 la consommation mondiale d'énergie d'origine fossile ; pour les pays développés, principaux consommateurs historiques et principaux consommateurs par habitant, cette réduction doit être de 4. C'est ce que l'on appelle le facteur 4.

Il faut toujours rappeler que cette double crise touche d'abord, dans les pays en développement comme dans les pays développés, les couches les plus pauvres et les plus défavorisées de la population. Ce sont eux qui sont, dans leur pouvoir d'achat, les premiers touchés par cette hausse des prix de l'énergie ; ce sont eux qui sont, dans leur capacité à survivre, les premiers touchés par la crise climatique – réfugiés climatiques en raison de la montée des eaux, réduction des terres arables disponibles, raréfaction de la ressource en eau.

C'est pour cela que le traitement de l'urgence climatique et celui de l'urgence sociale vont de pair. Si rien n'est fait, c'est un risque de 5 à 10 % de perte moyenne du PIB mondial qui est probable au cours du siècle prochain, selon le rapport Stern. En sens inverse, le coût de stabilisation de la concentration du CO2dans l'atmosphère est sans doute de l'ordre de 1 % du PIB mondial ; et il s'agit là, en réalité, d'un coût de redéploiement d'une partie de notre richesse, en faveur de technologies plus propres, souvent fortement créatrices d'emplois et particulièrement favorables au développement de la recherche et de la connaissance.

Les pistes pour stabiliser la concentration du CO2dans l'atmosphère et pour réduire notre dépendance au carbone sont bien connues. Leur mise en oeuvre ne dépend que de décisions politiques. Le budget fait partie de ces décisions politiques.

Plus précisément, leur mise en oeuvre dépend de quatre décisions politiques.

Premièrement, il faut réduire la demande en biens et services qui rejettent beaucoup d'émissions. L'énergie qui pollue le moins, c'est celle que l'on ne consomme pas : des investissements massifs dans le secteur de l'habitat et dans celui des transports, une meilleure conception de nos politiques d'urbanisme et d'aménagement du territoire, une autre politique agricole conduiraient à des économies massives de consommation de produits carbonés.

Deuxième décision politique : accroître l'efficacité énergétique. Le XXe siècle a été celui du gaspillage. Le XXIe siècle devra être celui de l'efficacité. Le rendement global du système énergétique français, c'est-à-dire le rapport entre l'énergie disponible pour le consommateur final et l'énergie primaire produite, est de 35 % : les deux-tiers de l'énergie produite sont ainsi gaspillés et perdus, le plus souvent en chaleur.

Troisième décision politique : favoriser le développement des énergies renouvelables. Il s'agit, dès 2020, de produire au moins 20 % de notre énergie à partir de sources renouvelables. C'est un engagement « contraignant » qui a été pris en mars 2007 par le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement.

Quatrième décision politique : donner aux agents économiques, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages, les signaux adéquats, pour qu'ils modifient, dans la durée et en profondeur, leurs comportements économiques.

Une des difficultés de la lutte contre les pollutions d'origine humaine ou contre les émissions de gaz à effet de serre est que, dans la plupart des cas, le pollueur ou le gros émetteur de gaz à effet de serre ne paie ni le coût de la prévention ni celui de la réparation de la pollution ou du réchauffement qu'il provoque.

Il laisse cette charge à la société, pour laquelle le coût est d'ailleurs le plus souvent masqué etou différé. C'est particulièrement le cas en matière d'émission de gaz à effet de serre : les effets sur le changement climatique sont à la fois lointains dans le temps et diffus dans leurs conséquences. On ne peut, a posteriori, sanctionner l'origine de l'émission. Par ailleurs, le coût collectif de la réparation est, dans bien des cas, plus élevé que la charge initiale, si celle-ci avait été supportée directement par l'émetteur : les dégâts du changement climatique sont incommensurablement plus élevés que le coût de l'évitement des émissions de gaz à effet de serre.

J'évoque à nouveau le rapport Stern, du nom de cet économiste britannique, qui avait été l'auteur, en 2006, d'un rapport non contesté sur le coût du changement climatique. Il évalue à 5 à 10 % du PIB mondial l'impact négatif d'un réchauffement moyen de l'ordre de 2 °C, et estime que le coût de la prévention serait limité à 1 % du PIB annuel. Et encore, le coût de cette prévention favoriserait à la fois la création de centaines de milliers d'emplois nouveaux – dans l'isolation thermique des bâtiments, par exemple – et le développement marqué de l'effort de recherche vers une meilleure efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables.

Plus précoce sera notre action dans ce domaine, moins douloureuse elle sera ; plus tardive sera notre action, plus brutale en sera la conséquence pour tous.

Faisons ensemble de la préparation de l'après-pétrole et de la lutte contre le changement climatique une chance pour un nouveau mode de développement, et non un drame qu'il faudrait subir.

Faisons ensemble de la fiscalité écologique un instrument puissant et utile, manions-la de façon appropriée. C'est le signe qu'avec quelques collègues du groupe, nous vous invitons à donner dans le projet de loi de finances pour 2009. Après l'article 9, nous proposerons un amendement instituant la taxe carbone.

Car la fiscalité écologique a pour objectif « d'internaliser » les coûts environnementaux d'un produit ou d'un service, c'est-à-dire d'établir un prix pour ledit produit ou service, qui intègre la charge, présente ou différée, de la pollution ou de l'émission nocive, jusque-là, supportée par la collectivité. La fiscalité écologique conduit ainsi à faire supporter à l'émetteur à la fois le coût de la prévention et celui de la réparation. La fiscalité écologique est l'expression du principe pollueur-payeur. Elle a une double vertu : en augmentant le prix de la pollution, elle décourage l'émetteur de poursuivre ses activités polluantes ; par ailleurs, elle encourage la mise en oeuvre de techniques ou de procédés alternatifs et moins polluants, en en réduisant le prix relatif.

C'est ainsi que la taxe carbone, en fixant une tendance lourde au prix des produits carbonés, favorise la recherche pour améliorer notre efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. La taxe carbone serait un puissant signal adressé à tous.

Cette double vertu de la fiscalité écologique et de la taxe carbone en particulier fonctionne dans les deux sens. Elle peut pénaliser les usages néfastes à l'environnement ; mais elle peut aussi, par des baisses appropriées, favoriser l'usage de produits plus vertueux – baisse de la TVA sur le recyclage des déchets, sur les produits propres, sur les énergies renouvelables, sur les travaux d'isolation thermique.

Ainsi, la fiscalité écologique, c'est non pas plus d'impôt, mais un impôt perçu différemment. Je regrette que, cet après-midi, lors de la réunion de la commission des finances, M. le rapporteur général ait balayé cet amendement avec le faible argument d'une charge nouvelle pour les entreprises. Si cet impôt était perçu différemment, les pollutions et la consommation de ressources non renouvelables seraient taxées alors que la consommation de produits propres serait favorisée.

Enfin, parce que le renchérissement du prix du pétrole ne pèse pas sur tous de la même façon – riches ou modestes, ruraux ou urbains disposant de transports collectifs –, la fiscalité écologique doit être progressive et accompagnée de mesures ciblées au plan social.

C'est pourquoi, pour répondre à cette double crise – crise énergétique, crise climatique – et pour traiter cette double urgence – urgence sociale et urgence climatique –, il convient désormais de passer à l'acte.

Mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le ministre, parler d'écologie, de l'état de notre environnement n'est pas réservé aux riches. Mon plaidoyer pour la mise en oeuvre d'une fiscalité environnementale forte et volontariste repose sur la conviction, de plus en plus partagée, j'en suis convaincu, du lien fort entre l'urgence sociale et l'urgence écologique.

Parce que le renchérissement du prix du pétrole et son cortège de conséquences financières ne pèsent pas sur tous de la même façon, la fiscalité environnementale doit être progressive et accompagnée de mesures ciblées au plan social.

La taxe carbone, que nous vous proposons de mettre en application dès ce projet de loi de finances pour 2009, sera progressive ; outre qu'elle abondera à hauteur de un milliard d'euros un budget général difficile, nous proposons aussi que 50 % du produit de cette taxe soit affecté à un fonds d'accompagnement à la mutation énergétique, tourné à la fois vers le logement social et le développement des transports collectifs.

Voilà un sujet de fond, un sujet d'aujourd'hui, et non pas de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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