Si l'on peut afficher une progression des crédits de la mission « Medias, livre et industries culturelles », notamment grâce à des transferts de dotations vers votre ministère, il en va différemment des crédits que vous nous présentez aujourd'hui. L'ensemble de la mission « Culture » passe, en autorisations d'engagement, de 2,090 milliards en 2010 à 2,071 milliards pour 2011, soit une baisse d'environ 6 %, et, en crédits de paiement, de 2,092 milliards à 2,067 milliards, soit une diminution de près de 9 %. À cette chute, s'ajoute la prévision d'inflation d'environ 1,5 % pour 2011.
Le programme 175, « Patrimoines », accuse une réduction de 30 %, avec une redéfinition de son périmètre comportant des transferts de personnels au programme 224, rendant malaisée la comparaison d'une année à l'autre. Pouvez-vous préciser quelle est la diminution réelle du programme 175 ?
Ce sont 375 millions qui sont alloués aux monuments historiques, dont 10 millions d'euros sont censés provenir du produit de la taxe sur les jeux en ligne. Or celui-ci demeure inconnu à ce jour. Les 10 millions d'euros ne sont donc pas garantis mais néanmoins plafonnés en application de la loi du 12 mai 2010. Au 4 octobre dernier, l'évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances estimait le produit de la taxe à 26 millions en 2010 et à 62 millions en 2011. Le Gouvernement dispose-t-il de prévisions actualisées ? En effet, il ne serait pas admissible que la taxe supportée par les petits parieurs ne serve pas intégralement l'intérêt général. Si besoin était, nous proposerions de déplafonner le versement.
La Commission de la culture du Sénat a adopté à l'unanimité un rapport préconisant la création d'une nouvelle commission du patrimoine monumental, chargée « de rendre impossible le dépeçage du patrimoine ». Qu'allez-vous faire de cette proposition ?
Le budget d'acquisitions au profit des collections nationales accuse un repli de 12 %. Les grands opérateurs, tels que le Louvre, Orsay, Versailles, verront leurs crédits diminuer de 5 % dès 2012. Ils restent la cible de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Comment la réduction drastique des crédits de l'État sera-t-elle compensée ? Des intellectuels, comme Stéphane Hessel, se sont inquiétés, en lançant un appel, de « la menace d'une défaite devant l'invasion délétère de l'esprit marchand ».
Je voudrais aussi connaître votre analyse de la stagnation, autour de 36 millions d'entrées annuelles, de la fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales, et particulièrement de la baisse, selon nous révélatrice, entre 2008 et 2009, de celle des moins de dix-huit ans.
Les grands projets dont les chantiers sont déjà engagés ou en voie d'achèvement bénéficieront seuls d'enveloppes de financement. Si le MUCEM de Marseille reçoit 27 millions d'euros, la Philharmonie de Paris, soutenue par le Président de la République lors de ses voeux au monde culturel en janvier dernier, semble oubliée. Peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point ?
Considérez-vous que les informations sur les personnes, conservées par les services d'archives, aient vocation à être privatisées en vue d'une réutilisation à des fins commerciales ? Sinon, nous proposerez-vous bientôt de légiférer afin d'imposer un cadre plus strict dans ce domaine ?
J'en viens aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Dans le premier, les arts plastiques semblent être préservés, en raison notamment de la confirmation du projet du palais de Tokyo, qui bénéficie de 13 millions d'euros. Vous signalez, dans le document budgétaire, que le programme soulève un enjeu démocratique « car la richesse et la diversité de la création et la capacité de chacun à y accéder constituent une des clés de la cohésion sociale et de l'épanouissement individuel. » Pensez-vous que la nouvelle structure répondra à cet objectif et, dans l'affirmative, de quelle manière ?
Qu'en est-il de la mise en place d'un véritable statut et de la reconnaissance des artistes plasticiens ?
Le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant se révèle stable.
Le texte portant réforme des collectivités territoriales est encore en discussion au Parlement, la commission mixte paritaire devant se réunir demain. Grâce à de nombreuses mobilisations, le texte préserve pour l'instant certaines possibilités de cofinancement en matière culturelle. Mais, en application de son article 35 ter, rétabli par l'Assemblée nationale après sa suppression par le Sénat, toute commune maîtresse d'ouvrage d'un projet culturel devra financer au moins 30 % de l'investissement correspondant : une façon draconienne, selon nous, de limiter les projets. Aussi bien le gel des dotations aux collectivités territoriales aura-t-il un impact particulièrement lourd en matière culturelle et patrimoniale, plus spécialement dans les communes ne disposant que de faibles ressources. L'Association des maires Ville et banlieue de France s'en est d'ailleurs émue.
Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », bien que regroupant désormais l'ensemble des dépenses de personnel du ministère intervenant en ce domaine, enregistre une perte de 30 millions d'euros de ses crédits de paiement, soit de 3 %, après avoir déjà subi une compression de 12 millions d'euros en 2010. Comment, dans ces conditions, prétendre que la transmission des savoirs demeure une priorité ?
L'éducation artistique et culturelle devrait bénéficier de 31 millions d'euros de crédits de paiement, contre 34 en 2010, soit une baisse de 10 %. Avez-vous répondu à la demande des professionnels et des usagers concernés que soient organisées des assises nationales des enseignements artistiques ?
Les actions en faveur de l'accès à la culture bénéficient de 49 millions en 2010, mais seulement de 45 millions d'euros pour 2011.
Pouvez-vous nous faire part de vos intentions concernant les territoires prioritaires, alors que le plan Espoir banlieues ne répond qu'insuffisamment aux besoins de lutte contre la fracture sociale et culturelle ?
Le rabotage des niches fiscales a épargné le secteur culturel. La niche « Malraux », permettant de défiscaliser les travaux effectués sur les immeubles situés dans des centres anciens et sur des objets mobiliers classés, sera toutefois amputée de 10 %, dégageant une économie de seulement 1 million d'euros. Les réductions d'impôt sur les sociétés au titre du mécénat sont maintenues, mais leur impact sur les finances publiques ne semble pas avoir été mesuré.
Je rappelle enfin qu'une étude de votre ministère avait relevé, en 2009, qu'un quart des Français ne fréquentait jamais un équipement culturel, ce qui signifie ne jamais aller ni au cinéma ni dans une médiathèque, n'assister à aucun spectacle vivant, ne visiter aucun lieu d'exposition ou de patrimoine.
Les députés du groupe GDR considèrent donc que ce projet de budget manque d'ambitions et qu'il ne répond pas à l'idée que nous nous faisons d'une culture vivante et accessible à tous. Ils ne le voteront donc pas.