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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 2 novembre 2010 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Madame la présidente de la Commission, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre accueil.

« La culture, c'est l'art de transformer une journée de travail en une journée de vie ». Ainsi s'exprimait Jacques Duhamel, ministre des affaires culturelles de 1971 à 1973. Cette maxime me semble plus que jamais d'actualité à l'heure où la culture est accessible à travers les objets de notre quotidien – ordinateurs, téléphones cellulaires, tablettes –, à l'heure où par ailleurs le quotidien, la rue, influencent profondément les productions culturelles.

Chacun ici sait combien notre environnement budgétaire est particulièrement tendu, chacun mesure combien sont fortes les contraintes qui pèsent sur le budget de l'État. Néanmoins, je me suis engagé et battu pour maintenir notre ambition culturelle et pour préserver cet « État culturel » parfois décrié ici, souvent admiré en Europe et dans le monde.

C'est pourquoi je suis très heureux de pouvoir exposer devant vous les lignes principales du budget pour 2011. C'est un budget consolidé, c'est un budget préservé, c'est aussi un budget qui nous permet d'afficher notre ambition culturelle et de donner corps aux nouvelles priorités d'action de mon ministère. Les crédits de la mission « Culture » sont en effet en légère augmentation, de 1,1 %, s'établissant à 2,7 milliards d'euros – hors crédits de la réserve parlementaire et avant les transferts. C'est un budget conforté, cela mérite d'être souligné, si l'on songe par exemple à d'autres États membres de l'Union européenne qui ont choisi de tailler, parfois massivement, dans leur budget de la culture pour faire face à la crise de leurs finances publiques. Nous serons donc en mesure de poursuivre les grands chantiers engagés et de mettre en valeur des priorités nouvelles.

Ce budget entend poursuivre la politique de mise en valeur de tous les champs culturels.

Le programme « Patrimoines », tout d'abord, connaîtra une hausse de 1,6 %, pour s'établir à 868 millions d'euros. L'accent a été mis sur les crédits déconcentrés en région, parce qu'ils permettent de mettre en valeur les territoires et de créer des emplois.

Conformément à l'engagement du Président de la République, les monuments historiques bénéficieront l'année prochaine de moyens reconduits par rapport à 2010, avec un budget de 375 millions d'euros, si l'on compte les 10 millions issus de la taxe sur les jeux en ligne affectés au Centre des monuments nationaux (CMN). Entretenir aujourd'hui, c'est aussi investir pour avoir moins à restaurer demain.

Je tiens à souligner que, sur cette enveloppe reconduite, la part destinée aux régions est en augmentation de 3 %. Par ailleurs, l'effort réalisé en faveur des monuments historiques n'appartenant pas à l'État se poursuivra en 2011, pour atteindre 53 % des crédits dédiés aux monuments historiques. Ce sont les preuves d'un engagement fort et d'une ambition économique et touristique à l'attention des collectivités locales. Dans le même esprit, les crédits de l'archéologie, en forte hausse, vont permettre la mise en place de centres de conservations et d'études sur le territoire dans le cadre d'une politique durable de conservation.

Cet accent mis sur le développement des territoires, vous le retrouvez pour les musées, dont le budget augmente de 26 millions pour atteindre 372 millions d'euros. Le plan « Musées en région » proprement dit pourra s'appuyer en 2011 sur 25 millions d'euros, sur les 70 millions prévus jusqu'en 2013. Ce plan concerne des projets de rénovation, d'extension, voire de construction, de 79 établissements de nature très différente et répartis sur l'ensemble du territoire. Dans ce dispositif, l'État joue pleinement son rôle d'incitateur : il s'agit de créer un effet levier favorable au développement de l'attractivité de nos régions.

Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques (RGPP) nous a conduits à baisser de 5 % les subventions de fonctionnement des grands établissements publics. Cependant, la Réunion des musées nationaux (RMN), le Louvre, le Musée d'Orsay, le Centre Pompidou, le Musée du Quai Branly, le Centre des monuments nationaux et la Bibliothèque nationale de France (BnF) restent et doivent rester les acteurs majeurs de notre politique patrimoniale. Leurs ressources propres sont dynamiques, leur capacité d'investissement pluriannuel est maintenue, leur rayonnement international conforté.

Parmi les grands chantiers emblématiques que ce budget 2011 permet de porter, je citerai bien sûr le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille (MUCEM). 30 millions d'euros seront ainsi consacrés l'année prochaine à l'aménagement du site paysager du fort Saint-Jean et à la réalisation du projet architectural de Rudy Ricciotti. Nous sommes sur la bonne voie pour permettre au MUCEM d'ouvrir ses portes à l'horizon 2013, lorsque Marseille sera capitale européenne de la culture. À Paris, parallèlement, le programme de rénovation du Musée Picasso sera lancé en 2011. Ces deux projets immobiliers sont emblématiques de la politique de grands projets du ministère que je poursuis : ils apportent leur contribution à l'excellence architecturale de notre pays, ils sont une vitrine et un vecteur de rayonnement pour notre culture.

À Paris également, la Maison de l'histoire de France figure parmi les grands projets culturels qui vont bénéficier de crédits mis à disposition par ce budget, notamment pour l'ouverture des jardins du quadrilatère de Rohan-Soubise au public et l'exposition de préfiguration à la fin de 2011. C'est un grand projet voulu par le Président de la République. Il permet d'apporter un nouveau souffle à neuf musées nationaux dont les collections sont exceptionnelles. Plus qu'un musée, il s'agira d'une Maison, c'est-à-dire d'un réseau ouvert à la communauté des chercheurs, à la communauté des historiens, ouvert aux nombreux musées d'histoire présents en régions, mais aussi aux musées européens, à ceux de Berlin, de Londres ou de Turin, par exemple. Cette Maison de l'histoire de France sera aussi un lieu de diffusion des recherches et du savoir, en d'autres termes un pont entre l'histoire et le grand public.

Parallèlement, le budget des archives, de 66 millions d'euros, nous permettra de respecter le calendrier de construction du Centre des archives de Pierrefitte : la livraison du bâtiment de Massimiliano Fuksas est prévue pour la fin de l'année, avec une ouverture au public en 2012. Ce sera le centre d'archives le plus vaste et le plus moderne d'Europe. Je tiens à souligner qu'un effort particulier a également été fait en faveur des centres d'archives en régions, qui bénéficient d'une enveloppe de 7,5 millions d'euros.

Ce budget traduit donc une grande ambition pour nos archives, ces lieux qui sont la mémoire de la nation, ces lieux qui sont aussi la traduction d'une continuité de l'État et du droit, ces lieux enfin qui sont au coeur du lien subtil entre le passé et le présent dans notre pacte républicain.

Le budget consacré au patrimoine linguistique est, pour sa part, plus que préservé, puisqu'il connaît une augmentation de 2 %, à hauteur de 2,5 millions d'euros, afin de donner à l'action de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France la visibilité et la continuité dont elle a besoin. La notion de « patrimoines » – au pluriel – est à cet égard significative : le patrimoine n'est pas figé, il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et se construit dans le présent. Du patrimoine rural – fontaines, halles, lavoirs – au patrimoine immobilier en passant par les grands sites industriels, mais aussi la langue française et les langues de France, les patrimoines sont une richesse vivante.

Le programme « Création » entend préserver la diversité et la qualité du spectacle vivant. Le budget consacré à la création est en hausse de 13 millions, pour s'élever désormais à 736 millions d'euros, soit une augmentation de 1,8 %. Sur cette enveloppe, le spectacle vivant, qui compte pour 90 % de ce montant global, voit ses crédits pratiquement stabilisés. L'effort important sur le budget des arts plastiques vise, quant à lui, à mettre en oeuvre les travaux de rénovation du Palais de Tokyo.

En ce qui concerne le spectacle vivant, la reconduction des crédits de fonctionnement à hauteur de 276 millions d'euros représente, je tiens à le rappeler, un succès – si l'on veut bien se rappeler qu'il y a quelques mois encore il était question de diminuer ces crédits d'intervention de 10 %. C'est la marque d'un engagement maintenu de l'État en faveur de la création et de l'émergence de jeunes créateurs. Les dotations destinées aux grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion de la danse, de la musique, du théâtre, des arts de la rue et du cirque sont, dans l'ensemble, reconduites, car les structures financières de ces établissements restent souvent fragiles.

L'année 2011 sera par ailleurs essentielle pour la réforme du secteur du spectacle vivant. Les conclusions des « Entretiens de Valois » ont été tirées, et mon ministère va procéder à la redéfinition du périmètre et des modalités d'intervention de l'État. Qu'il s'agisse des labels ou du fonctionnement des comités d'experts, accompagner la transformation est une nécessité à la fois pour l'État, pour les opérateurs et pour les établissements, dans le cadre d'un dialogue véritablement responsable. Dans un paysage européen en pleine évolution, ne pas transformer le panorama de la création aujourd'hui mettrait en péril les formes d'expression dont nous aurons besoin demain.

L'enveloppe consacrée aux arts plastiques connaît une forte hausse pour 2011, passant de 57 à 74 millions d'euros. Cette hausse est essentiellement liée au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo, qui seront totalement consacrés à l'art contemporain et ouvriront au public au printemps 2012. La création artistique bénéficiera ainsi d'un outil de niveau international qui lui permettra de couvrir l'ensemble de son spectre, des talents émergents aux artistes confirmés, en particulier ceux issus de la scène française. Ce sera un élément important au service de l'attractivité de Paris dans un marché de l'art de plus en plus globalisé.

Le budget consacré aux arts plastiques a été conçu pour veiller également au développement de notre réseau d'institutions en région. À Marseille, à Besançon, à Bordeaux, à Rennes ou encore à Orléans, plusieurs fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) vont en effet s'installer dans de nouveaux locaux, ce qui nécessite un effort particulier en investissements. Or j'ai la conviction qu'il n'y a pas d'artistes forts sans un monde de l'art fort. On ne pourra pas encourager la promotion de nos artistes, notamment à l'étranger – dimension essentielle dans un monde ouvert et connecté par de multiples réseaux – si l'on ne promeut pas, dans le même temps, le travail de tous les acteurs qui contribuent à leur vitalité en France.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont au coeur de mes priorités : c'est l'ambition que je porte de la « culture pour chacun ».

Développer l'accès à la culture pour les publics qui en sont éloignés, redynamiser le lien social en développant les pratiques culturelles qui favorisent la mixité, former les futurs créateurs et les futurs artistes, c'est à mon sens conforter le rôle de l'éducation dans toutes ses dimensions ; c'est aussi participer à la refondation du « pacte républicain » ; c'est, enfin, redonner un sens à notre projet « vivre ensemble ». C'est toute l'ambition du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont les crédits pour 2011 s'élèveront à 433 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 635 millions d'euros pour les crédits de personnels. Cette enveloppe nous permettra de préserver nos dispositifs en faveur des publics les plus éloignés de l'offre culturelle : les quartiers, les personnes handicapées, ou encore les territoires ruraux qui, pour leur part, feront l'objet d'un plan « Culture en milieu rural ».

La légère baisse de 2 %, hors réserve parlementaire, que connaît le programme est pour l'essentiel due au fait qu'une partie de l'action internationale et de l'éducation culturelle et artistique jusque-là prise en charge par le programme lui-même le sera désormais directement par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Par ailleurs, des économies de fonctionnement du ministère seront réalisées à hauteur de 5 millions d'euros en misant sur la rationalisation des politiques d'achat, du parc de véhicules, des frais de missions. Face à ces efforts nécessaires, les crédits d'action culturelle, eux, sont stabilisés ou en hausse.

J'en veux pour preuve le budget de l'action « Enseignement supérieur », qui sera très largement préservé. Qu'il s'agisse des écoles d'architecture, des écoles des beaux-arts ou encore de la FEMIS, les dotations de fonctionnement pourront être actualisées et les crédits d'investissements seront revus à la hausse. Les travaux de rénovation pourront par ailleurs être poursuivis – je pense notamment aux écoles d'architecture de Strasbourg et de Clermont ou encore à l'École nationale supérieure des beaux-arts. Je tiens également à rappeler que les emplois d'enseignants sont, pour leur part, sanctuarisés, puisque la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ne s'appliquera pas dans ce secteur.

Pour finir, je voudrais évoquer plus particulièrement avec vous l'éducation culturelle et artistique et l'action en faveur de l'accès à la culture. Je suis en effet convaincu de leur importance dans la formation de la sensibilité de l'individu, mais aussi dans la construction du citoyen. Car il ne saurait y avoir d'accès à la culture sans une appropriation des oeuvres par le public : il faut sans cesse le former et susciter sa curiosité, son désir. C'est un travail de Sisyphe, mais c'est un travail indispensable et qui pourra être couronné de succès.

J'ai voulu, comme vous le savez, donner une nouvelle dynamique à la démocratisation de la culture, en lançant notamment une consultation au niveau régional et national sur la « culture pour chacun ». Sur les 77 millions d'euros qui sont consacrés à cette dernière, des redéploiements internes vont nous permettre en 2011 de dégager 3 millions d'euros supplémentaires pour les régions, disponibles pour de nouveaux appels à projet.

Ce budget pour 2011 nous permettra donc de préserver pleinement l'ambition de la politique culturelle de l'État, avec un effort particulier en ce qui concerne son action territoriale, ce qui représente un signal important à l'attention des collectivités locales. Il nous donnera également les moyens de poursuivre les chantiers d'envergure auxquels je suis attaché, et d'ouvrir de nouvelles priorités, notamment dans le domaine de l'accès à la culture. Toute mon ambition consiste à préserver le périmètre d'action du ministère de la culture, mais aussi à tenir compte des profondes évolutions dans l'accès aux oeuvres et à la création – l'individualisation, la numérisation – et à favoriser l'ouverture de nouveaux « territoires » pour nos artistes et nos créateurs.

En d'autres termes, je souhaite gérer au mieux le legs transmis par les ministres de la culture qui se sont succédé rue de Valois, mais aussi anticiper ce que seront notre patrimoine et notre création à l'horizon de vingt ou trente ans. En effet, le bon gouvernement, c'est être gestionnaire, mais c'est aussi se projeter dans l'avenir.

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