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Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 27 octobre 2010 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, Rapporteur spécial :

Les crédits de la mission Outre-mer représentent seulement 16 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur des collectivités ultramarines. Le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances recense en effet 27 missions qui concourront en 2011 au financement de la politique de l'État outre-mer.

La mission Outre-mer se caractérise également par l'importance des dépenses fiscales qui lui sont rattachées à titre principal. En 2011, elles s'élèveraient à plus de 3,2 milliards d'euros, soit 1,6 fois le montant des crédits budgétaires. Le projet de loi de finances tend d'ailleurs à apporter des modifications substantielles aux dépenses fiscales les plus emblématiques de la mission, rassemblées sous le terme générique de « défiscalisation ».

L'article 13 propose d'exclure la production d'énergie photovoltaïque des secteurs éligibles à la défiscalisation des investissements. Cette exclusion, qui s'inscrit dans un cadre plus général de rationalisation des avantages fiscaux attachés à ce type d'investissement, se justifie selon le Gouvernement par la surchauffe du secteur outre-mer.

C'est précisément pour lutter contre cette surchauffe que la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a prévu, à la demande du Gouvernement, un plafonnement spécifique à ces investissements. Or, ainsi que l'a montré le rapport d'application de la LODEOM, que j'ai eu le plaisir de vous présenter avec notre collègue Gaël Yanno, l'arrêté interministériel fixant les modalités du plafonnement n'a jamais été pris. Il est donc possible que le Gouvernement ait volontairement retardé la publication de l'arrêté, sachant que le dispositif de défiscalisation serait lui-même supprimé par la loi de finances pour 2011. Quoiqu'on en pense sur le fond, on conviendra qu'il n'est pas correct de procéder ainsi, d'une manière que l'on pourrait presque qualifier de dilatoire.

L'article 58 du PLF vise à soumettre un certain nombre de dépenses fiscales à un « coup de rabot ». Pour l'outre-mer, cela se traduirait par un abaissement de 50 à 45 % du taux de la réduction d'impôt sur le revenu ouverte au titre des investissements productifs réalisés outre-mer. La défiscalisation des investissements réalisés dans le secteur du logement social serait épargnée.

Je ne suis pas, par principe, favorable à la défiscalisation. Je le suis d'autant moins que, pour un coût identique, la subvention budgétaire permettrait d'apporter à l'outre-mer un soutien plus important. La commission des Finances, dans son rapport de 2008 sur les niches fiscales, a montré l'existence d'un phénomène d'« évaporation fiscale » inhérent à la défiscalisation. Aussi vous proposerai-je, en accord avec le Président et le Rapporteur général, un amendement demandant au Gouvernement de nous remettre un rapport étudiant la possibilité de substituer des crédits budgétaires aux dépenses fiscales rattachées à la mission Outre-mer.

Mais en l'absence d'une telle substitution, il ne faudrait pas que les économies fiscales souhaitées par le Gouvernement aboutissent à une réduction du soutien de l'État à l'outre-mer. Ce serait d'autant plus dommageable que la fragilité des collectivités ultramarines a été accrue par la crise sociale de l'hiver 2008-2009, mais également par la crise économique, dans laquelle l'outre-mer, comme à son habitude, est entré plus tard que la métropole, et dont il sortira plus tard également.

Dans ce projet de budget, les crédits de la mission Outre-mer sont de 2,16 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 1,98 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 0,6 % en AE et de 2,3 % en CP. Le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2011-2013 prévoit une nouvelle hausse des crédits en 2012 et 2013.

S'agissant du programme Emploi outre-mer, il faut tout d'abord remarquer que la dette de l'État à l'égard des organismes sociaux risque de se reconstituer partiellement. Je rappelle que les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient d'un régime spécifique d'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, exonérations compensées par l'État depuis la mission Outre-mer. L'insuffisance chronique de crédits de paiement a abouti à la constitution d'une dette, que la Cour des comptes chiffrait à 486 millions d'euros fin 2008. Les efforts importants réalisés en 2009 ont permis de ramener la dette à 76,7 millions d'euros début 2010. Compte tenu de ce stock et de l'écart entre la dotation et les besoins prévisionnels pour 2011, la dette atteindrait, selon mes calculs, 145,5 millions d'euros fin 2011. Le ministère de l'Outre-mer conteste ce chiffre ; nous aurons l'occasion d'en débattre en séance publique.

Il faut ensuite noter que, pour la troisième année consécutive, le PLF consacre une ligne budgétaire à l'aide au fret – 25 millions d'euros. Or cette aide, créée par la LODEOM pour abaisser le prix des intrants et des extrants, n'est toujours pas versée, faute de décret d'application.

S'agissant enfin du service militaire adapté, programme d'insertion des jeunes en difficulté, le Président de la République a annoncé le doublement en trois ans du nombre de volontaires. Les objectifs ont été révisés à la baisse puisque c'est seulement en 2014, et non plus en 2012, que le cap de 6 000 volontaires devrait être franchi.

J'en viens au programme Conditions de vie outre-mer, qui regroupe de nombreux dispositifs.

L'action Logement finance notamment, au moyen de la ligne budgétaire unique (LBU), la construction de logements sociaux. Par rapport à 2010, le niveau des autorisations d'engagement est stable, mais celui des crédits de paiement recule de plus de 30 %. Je suis en attente, à ce sujet, d'un complément d'information des services du ministère.

Comme je viens de l'indiquer, le logement social est également financé, depuis la LODEOM, par un nouveau dispositif de défiscalisation. Je profite de cette réunion pour remercier de son apport à notre réflexion l'Union sociale pour l'habitat, auditionnée dans le cadre du rapport d'application de la LODEOM ; en raison d'une regrettable erreur informatique, la mention de cette audition a disparu de la version papier de notre rapport.

Cette dépense fiscale est le type même de celles qui pourraient être utilement transformées en subvention budgétaire. C'est d'ailleurs ainsi que le logement social était financé jusqu'à l'entrée en vigueur de la LODEOM – qui a introduit une complexité supplémentaire pour les bailleurs sociaux.

Par ailleurs, Gaël Yanno et moi avons montré que l'application de la loi sur ce point précis n'est pas totalement conforme à l'intention du législateur. Une circulaire du ministère chargé de l'outre-mer pourrait en effet conduire à préférer, pour un dossier donné, la défiscalisation à la ligne budgétaire unique. Or la défiscalisation a vocation à compléter la LBU, non à s'y substituer. Je sais que le Gouvernement ne partage pas notre analyse ; j'imagine que nous en débattrons en séance publique.

L'action Aménagement du territoire finance pour 90 % les dispositifs contractuels entre l'État et les collectivités ultramarines. En 2011, elle financera également le fort accroissement des crédits du fonds mahorais de développement, destiné à préparer la départementalisation, ainsi que les travaux des trois commissaires au développement endogène, postes nouvellement créés. Je suis un peu sceptique sur le rôle de ces commissaires, sachant que la LODEOM avait précisément pour objet de renforcer le développement endogène de l'outre-mer…

L'action Continuité territoriale doit financer le nouveau fonds de continuité territoriale mis en place par la LODEOM. Les textes d'application, qui se font attendre depuis dix-huit mois, devraient être enfin publiés.

Le fonds exceptionnel d'investissement, après avoir été massivement abondé en 2009 dans le cadre du plan de relance de l'économie, devrait en 2011 faire les frais de l'objectif de réduction des crédits d'intervention du budget de l'État.

Quelques mots enfin sur la réforme de la dotation globale de développement économique (DGDE) de la Polynésie française, qui concentre l'essentiel des crédits de l'action Collectivités territoriales.

L'article 77 du projet de loi de finances, rattaché à la mission Outre-mer prévoit de substituer trois nouvelles dotations à la DGDE : une dotation globale d'autonomie pour la Polynésie française, représentant 60 % du montant de l'actuelle DGDE ; une dotation territoriale pour l'investissement des communes de la Polynésie française, représentant 6 % ; un concours de l'État aux investissements prioritaires de la Polynésie française, représentant 34 %, qui serait versé sur la base d'une convention.

Je rappelle que la DGDE a remplacé en 2003 le fonds pour la reconversion de l'économie de la Polynésie française, lui-même mis en place en 1996 afin de compenser l'arrêt des essais nucléaires. D'un montant annuel de 150 millions d'euros, elle devait financer, pour 80 % de ce montant, des dépenses d'investissement ; en fait, elle a financé des dépenses de fonctionnement jusqu'à 50 %. En outre, le contrôle de l'État sur l'emploi des fonds s'est révélé défaillant, notamment du fait que la DGDE a longtemps été versée en une seule fois, sans exigence préalable ni contrôle a posteriori. La Cour des comptes et le Parlement ont sévèrement critiqué les modalités de versement de la dotation, sans remettre en cause son principe.

L'intention du Gouvernement est louable, mais j'observe que l'article 77 ne prévoit pas davantage d'encadrement, s'agissant de la partie contractualisée, que la convention ayant institué la DGDE.

Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai dans le vote sur les crédits de la mission Outre-mer et sur l'article 77, m'en remettant à la sagesse de la Commission.

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