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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 26 octobre 2010 à 21h00
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

L'action extérieure de la France en 2011 sera, à n'en pas douter, marquée avant tout par la présidence française du G8 et du G20. Plus que jamais, les autorités de l'Etat auront besoin d'un outil diplomatique qui fonctionne, analyse, anticipe, propose et négocie, avant, pendant comme après les grandes rencontres internationales.

2011, ce sera également la poursuite des réformes engagées il y a trois ans pour moderniser le ministère et l'adapter à ses missions, le mettre en mesure de répondre aux attentes qui lui sont adressées. Ce sera la troisième année de la mise en oeuvre des mesures de la lere RGPP, et la mise en place effective des opérateurs dont vous avez accepté la création lors du vote de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat, en juillet dernier.

2011, ce sera enfin une année particulièrement difficile sur le plan budgétaire. Le budget de la mission Action extérieure de l'Etat ne peut s'analyser en dehors du contexte d'une baisse de l'ensemble des budgets de l'Etat.

Tout le monde est bien conscient ici, je n'en doute pas un seul instant, de l'impérieuse nécessité de redresser nos finances publiques. Il en va, dans l'immédiat, du respect par la France de ses engagements européens et de la stabilité financière de l'Europe, que l'on sait ne plus pouvoir tenir pour acquise depuis la crise grecque, et à plus long terme de la place de la France dans le monde.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est engagé à ramener le déficit budgétaire de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011 ; soit un effort sans précédent de redressement de nos finances publiques.

Dans un tel contexte et plus que jamais, l'élaboration du budget d'un ministère résulte de la confrontation difficile des contraintes budgétaires et de ses ambitions.

Nécessairement, tous les budgets, tous les ministères sont mis à contribution dans cet effort collectif.

De ce point de vue, le budget de l'Action extérieure de l'Etat se veut responsable, et naturellement conforme tant aux orientations gouvernementales qu'à l'impératif d'usage rigoureux de derniers publics.

C'est un budget responsable, d'abord, en ce qu'il respecte la totalité des décisions gouvernementales tendant à redresser nos finances publiques : diminution de 5 % de nos crédits de fonctionnement en 2011, effort qui sera poursuivi les années suivantes pour respecter l'objectif d'une baisse de 10 % en trois ans ; en 2011, cela représente 18 millions d'euros d'économies ; poursuite des efforts de réduction d'ETP, notamment par la rationalisation des fonctions de soutien en administration centrale, et la poursuite des ajustements dans notre réseau à l'étranger ; 160 ETP seront ainsi supprimés en 2011, soit 700 sur le triennum 2009-2011.

C'est un budget responsable ensuite, en ce sens que le ministère des affaires étrangères est pleinement investi dans un effort durable de maîtrise de nos contributions obligatoires aux organisations internationales et des dépenses liées aux opérations de maintien de la paix, qui pèsent lourd, vous le savez, dans le budget du ministère.

La France est membre de plus de 150 organisations internationales, et le ministère des affaires étrangères apporte des contributions à environ 70 d'entre elles. En 2010, ces contributions auront représenté 405 millions d'euros. Le dépassement de 13 millions d'euros de ces dépenses par rapport aux crédits inscrits au budget 2010 s'explique intégralement par la perte au change, ce qui témoigne de nos efforts de maîtrise de ces dépenses en volume. Nous maintiendrons à l'avenir cette vigilance.

Il en va de même pour les opérations de maintien de la paix, pour lesquelles la France est 5eme contributeur mondial, et qui auront représenté en 2010 417 millions d'euros, pour lesquelles là encore le ministère déploie tous les efforts possibles pour en limiter les coûts et en contrôler l'évolution.

Un budget responsable enfin, en ce qu'il respecte totalement l'impératif de sincérité budgétaire.

Le Parlement avait à plusieurs reprises, et à juste titre, relevé que la budgétisation des dépenses de contributions internationales et d'OMP était notoirement insuffisantes au regard des prévisions de dépenses. Un effort significatif a été accompli ces dernières années. Pour 2011, je vous confirme que les montants prévus, tant pour les contributions obligatoires que pour les OMP, correspondent bien aux dépenses telles que nous pouvons aujourd'hui les anticiper, compte tenu d'une prévision réaliste de taux de change.

Cette rigueur, cette contribution à l'effort de redressement de nos finances publiques, j'ai eu à coeur qu'elles ne nuisent pas aux grandes priorités de l'action extérieure de la France, aux principaux objectifs de l'action du ministère des affaires étrangères.

En 2011, nous poursuivrons en effet la nécessaire adaptation de notre outil diplomatique à ses missions et à nos priorités.

La première d'entre elle est à mes yeux notre politique d'influence et notre action culturelle extérieure.

Vous savez l'attachement qui est le mien à la réforme de l'action culturelle extérieure. Vous avez voté, mesdames et messieurs, la loi relative à l'action extérieure de l'Etat, qui crée notamment l'Institut Français, qui remplacera CulturesFrance, en en reprenant le meilleur tout en élargissant son champ de compétences, qui embrassera l'ensemble du champ culturel.

Xavier Darcos a été chargé d'en assurer la présidence. Il prépare avec ses équipes et le ministère le lancement opérationnel de l'Institut pour le 1er janvier prochain.

Mais ce n'est un aboutissement que sur le plan institutionnel. Sur le fond, tant reste à faire : définir des stratégies, à la fois globales (quelle est l'ambition de l'action culturelle extérieure, en quoi peut-elle effectivement contribuer à notre politique d'influence ?) que sectorielles et géographiques ; rénover notre réseau culturel, en adapter la carte à nos objectifs en tenant compte dans chaque pays de la meilleure façon d'assurer la présence de la culture française ; renforcer les relations avec les Alliances françaises, complémentaires et indispensables, avec lesquelles des synergies doivent être recherchées dans la mesure où elles assurent mille points de présence française dans le monde; j'ai d'ailleurs signé le 1er octobre une nouvelle convention avec la Fondation nationale des Alliances françaises, notamment dans ce but ; améliorer la visibilité de notre réseau culturel, en fusionnant partout où c'est possible les SCAC et les instituts, et en donnant à tous les centres culturels et à toutes les alliances une signalétique commune, qui les rapproche également de l'Institut français, à Paris ; renforcer la professionnalisation des agents du réseau, grâce à un effort sans précédent de formation, actuellement en cours ; repenser notre politique de mécénat de levée de cofinancements, tant nous devons progresser en ce domaine.

Pour accompagner cette politique, cette réforme, il fallait des moyens. Vous le savez, j'avais obtenu du Premier ministre, pour 2009 et 2010, 20 millions d'euros par an de rallonge culturelle. Au moment où l'Institut français est mis en place, où le gros des aménagements du réseau culturel reste à accomplir, j'ai plaidé pour le maintien de cet effort. J'ai été entendu. En 5 ans, ce sont 100 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés à l'action culturelle. Ce ne sera jamais assez, mais dans le contexte actuel, c'est au moins la garantie de pouvoir donner à l'Institut français, qui sera doté de 37 millions d'euros en 2011, les moyens d'agir.

L'influence de la France à l'étranger, au-delà du réseau culturel, c'est aussi la formation des élites. Nous sommes en train de mettre en place l'établissement public Campus France, qui résultera de la fusion du Campus France ancien, d'Egide et, d'ici 2012, des activités internationales du CNOUSS.

Et puis il y a l'AEFE dont il faut se garder d'oublier la double mission, rappelée par le président de la République, de scolarisation des enfants de Français expatriés, d'une part, de scolarisation d'enfants étrangers, d'autre part. Ce faisant, l'AEFE est l'un de nos plus beaux vecteurs d'influence dans le monde, l'investissement le plus profitable sans doute pour l'avenir.

C'est la raison pour laquelle je me suis là aussi battu pour que les moyens de l'AEFE soient maintenus. La subvention à l'AEFE, versée sur le programme 185, a ainsi été maintenue à son niveau de 2010, soit 421 millions d'euros.

C'est la raison pour laquelle nous sommes également vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de la prise en charge des frais de scolarité pour les élèves français (PEC). Son coût augmente, et la dotation budgétaire correspondante, sur le programme 151 également. En 2011, ce sera 119 millions d'euros, soit 13 % de plus qu'en 2010. Grâce au maintien du moratoire, d'une part, et à des mesures conservatoires de maîtrise, d'autre part, cette dotation devrait suffire à couvrir les besoins pour l'année prochaine.

Au-delà, des décisions sont à prendre, comme m'y a invité le Premier ministre dans la lettre-plafond qu'il m'a adressée cet été. Nous attendons les propositions de Mmes Colot et Joissains et les orientations du président de la République pour ce faire.

Je reste par ailleurs plus que jamais attentif à la qualité du service rendu aux Français de l'étranger. Le métier consulaire est partie intégrante des métiers du Quai d'Orsay, et c'est une vraie vocation pour nombre de ses agents.

Or les charges qui pèsent sur la direction des Français à l'étranger s'accroissent constamment : augmentation du nombre de compatriotes expatriés, élection en 2012 pour la première fois depuis la réforme constitutionnelle de 11 députés, mise en place progressive de la biométrie, transfert au ministère des affaires étrangères des frais d'hospitalisation d'urgence de nos compatriotes à l'étranger.

L'importance de cette mission et l'alourdissement de la charge de travail des postes consulaires ont conduit le ministère à défendre avec acharnement la préservation des postes équivalents temps plein (ETP) du réseau consulaire, notamment dans le cadre des réflexions sur la 2eme vague de mesures RGPP. De fait, en 2012 et 2013, les suppressions d'ETP dans les consulats seront très limitées.

Dès 2011, nous faisons un effort sensible sur les crédits du programme 151 : hors rémunérations et hors dépenses de PEC et de bourse, ils progresseront de 6,6 %. Si l'on inclut les dépenses de PEC et de bourses, la hausse est de 11,4 %.

Au sein de cette enveloppe, nous préservons les crédits d'action sociale, à 16 millions d'euros environ.

En 2011, j'ai souhaité enfin qu'un effort tout particulier soit consenti sur la sécurité. Sécurité de nos implantations à l'étranger, en premier lieu. Nous mettons en oeuvre, depuis trois ans, un vaste programme de renforcement de la sécurité active et passive de nos emprises. C'est une priorité absolue, une responsabilité première. J'ai demandé au Premier ministre, qui a naturellement reconnu le caractère prioritaire de cette demande, une enveloppe de crédits de 10 millions d'euros, dont 2 millions d'euros sont inscrits au PLF 2011. Nous maintiendrons nos efforts en la matière tant que ce sera nécessaire.

Sécurité de nos ressortissants à l'étranger, ensuite. Le Centre de crises, opérationnel depuis l'été 2008, est l'une de mes grandes fiertés. 24h sur 24, il veille sur nos ressortissants, organise secours et rapatriements, répond à la détresse et à l'urgence. J'ai demandé que ses moyens d'intervention soient préservés. Son budget augmentera en 2011 de 1,5 %.

Sécurité plus largement, enfin. Les événements dramatiques du Sahel n'ont fait que nous rappeler, s'il en était besoin, que la menace guette, partout et tout le temps. Tous les moyens doivent être mobilisés pour la contrer. L'un de ceux-ci, et notamment dans cette région du monde qui nous est si proche, c'est la coopération militaire, de défense et de sécurité. Les crédits d'intervention de la direction de coopération de sécurité et de défense seront là aussi stabilisés en 2011, à 25 millions d'euros.

Je conclurai par là où j'ai commencé, par l'échéance majeure de l'année qui vient. La présidence du G8 et du G20, ce seront des échéances majeures pour la gouvernance mondiale, avec notamment un sommet des chefs d'Etat en format G8 en juin 2011, en format G20 en novembre, un sommet G8 Affaires étrangères en mars prochain. Ce seront des thèmes fondamentaux, que le Président de la République a déclinés lors de la Conférence des ambassadeurs fin août et précisé samedi, au Sommet de la Francophonie à Montreux : réforme du système monétaire et de la gouvernance mondiale ; lutte contre la volatilité excessive des prix des matières premières ; développement des aides au développement des pays pauvres, notamment par des financements innovants. Ce sera un test essentiel de notre capacité à les faire avancer, conformément aux nécessités du temps.

La crédibilité de la France est engagée, non seulement sur le fond, mais aussi sur notre capacité à organiser ces divers événements.

La décision a été prise de créer un programme spécifique, le 332, doté en 2011 de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 50 millions d'euros de crédits de paiement. Au total, le coût de la présidence sera de 80 millions d'euros répartis sur 2010, 2011 et 2012.

La création de ce programme spécifique répond aux recommandations de la Cour des comptes et à un impératif de visibilité, de transparence et de rigueur.

En s'en voyant confier la responsabilité, le ministère des affaires étrangères et européennes voit confortée sa vocation de pilotage de l'action extérieure de l'Etat, fonction dont l'importance est manifeste au moment où la France s'apprête à assumer une si lourde responsabilité.

Mesdames et messieurs les députés, dans le contexte difficile que je rappelais tout à l'heure, la mission Action extérieure de l'Etat voit ses crédits pour 2011, à 2,9 milliards d'euros progresser de 6 %. Si l'on exclut les dépenses de rémunérations, ils progressent de 7,6 %.

Dans cette enveloppe, le ministère respecte ses obligations en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement, finance les obligations internationales de la France, assume l'organisation de la présidence française du G8 et du G20, poursuit la réforme de l'action culturelle extérieure, se donne les moyens de maintenir aux Français de l'étranger un service public de qualité, modernise son réseau à l'étranger et en renforce la sécurité.

L'essentiel, donc, est préservé.

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