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Intervention de François Pérol

Réunion du 15 septembre 2010 à 18h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

François Pérol, président de la Fédération bancaire française :

S'il faut limiter la taille des établissements, cela ne doit être que dans l'objectif de maintenir la concurrence sur les marchés. De ce point de vue, c'est une décision parfaitement légitime. Pour le reste, la taille n'est pas en tant que telle un indicateur de la qualité de la gestion, de la supervision, de la régulation d'un établissement. Sur le marché français, par exemple, aucun des grands établissements qui seraient qualifiés de systémiques si l'on parvenait à s'entendre sur une définition finale n'a fait faillite ni n'a mis l'économie française en danger. En Irlande, en revanche, des établissements de moindre taille ont mis en danger l'ensemble de l'économie du pays. Quant aux États-Unis, si certains très grands établissements bancaires ont montré des défaillances fondamentales, de nombreuses faillites ont aussi été le fait de petits établissements. La taille n'est donc aucunement un critère de prévention du risque et il ne servirait à rien de la limiter a priori plutôt que de s'intéresser à la qualité professionnelle des établissements.

La titrisation peut jouer un rôle utile dans le financement de l'économie si elle est correctement appréhendée. Dans le cas américain, il y avait un très grand nombre d'intermédiaires entre la prise de risque initiale et la vente finale aux investisseurs, ce qui a conduit à une déconnexion totale entre l'appréciation du risque et le portage final. Ce sont ces véhicules de titrisation, qui comportaient un grand nombre d'instruments de crédit dont le risque avait été mal apprécié et qui étaient souvent proposés par des établissements non bancaires – les plus nombreux dans la distribution des subprimes – qui ont conduit aux difficultés que nous avons connues. Sur les marchés européens, où les crédits immobiliers sont attribués selon une analyse « toute bête » de la capacité de remboursement de l'emprunteur, les véhicules de titrisation sont parfaitement sécurisés. Nous les avons peu développés, parce que nous préférons conserver ces crédits dans nos bilans, mais ils peuvent être utiles au fonctionnement de l'économie. Si les normes de Bâle sont appliquées de façon stricte, ce qui devrait être le cas, elles conduiront les établissements à diminuer la taille de leur bilan et à développer la titrisation. Il faudra donc absolument veiller, sur ce marché, à ce que la prise de risque ne soit pas complètement déconnectée du portage final. Dans ce but, nous défendons l'idée d'un label européen pour les véhicules de titrisation.

Pour ce qui est des tests de résistance, nous sommes heureux que les vingt-sept régulateurs européens se soient livrés ensemble à l'exercice, et publient l'intégralité de ses résultats. Il ne me semble désormais pas possible de ne pas reconduire ce genre d'opération. Ces tests ont été critiqués, notamment par le Wall Street Journal, en des termes assez peu amicaux d'ailleurs. Mais l'objet des tests tels qu'ils ont été conçus par les régulateurs était d'apprécier l'impact d'une crise de la dette souveraine sur le niveau de solvabilité des banques, et la méthode qu'ils ont définie nous semble parfaitement adaptée à cet objectif. Ils ont eu l'occasion de préciser publiquement le pourquoi et le comment de l'opération.

Enfin, le mécanisme de la vente à découvert à nu peut présenter un intérêt dans certains cas particuliers. Lorsque vous vous portez candidat à une adjudication de titres d'État, par exemple, vous devez vous couvrir pour ne pas exposer votre bilan à une position directionnelle. Par définition, vous n'avez pas encore les titres mais vous les vendez à découvert à nu parce que vous êtes quasiment certain de les obtenir. Le délai entre l'adjudication et le dénouement de l'opération n'est que de quelques jours. Le risque final est pris par les investisseurs, qui, eux, prennent des positions directionnelles sur les marchés, mais généralement pas par les banques adjudicatrices.

Dans d'autres cas, les ventes à découvert à nu sont beaucoup plus contestables : elles peuvent créer des distorsions importantes et présenter un risque considérable pour l'acteur, qui n'est pas assuré de trouver sur le marché les titres qui lui sont nécessaires.

Mais si certaines de ces ventes sont nuisibles au bon fonctionnement du marché, il ne faut pas oublier celles qui sont utiles. C'est pourquoi il me semble bien préférable de les réglementer, comme c'est en cours en Europe, plutôt que de les interdire absolument. D'autant que, dans ce dernier cas, les États, qui procèdent en ce moment à des émissions importantes, trouveraient des marchés moins liquides et que les banques spécialistes de la dette auraient plus de mal à remplir leur mission.

En 2008, les régulateurs ont interdit, aux États-Unis puis ailleurs, les ventes à découvert à nu sur certains titres. C'était nécessaire sur le moment, mais il faut garder à l'esprit que de telles mesures ne peuvent être efficaces que si elles sont internationales – tout comme la réglementation d'ailleurs.

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