Le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui relève de la mission « Santé », a été profondément remanié par rapport à la loi de finances pour 2010 : l'ancien programme « Prévention et sécurité sanitaire » reçoit les crédits du programme « Offre de soins », qui disparaît.
Si mathématiquement les crédits sont en progression, à périmètre constant, ils régressent, s'établissant à 583 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Une telle diminution me paraît préoccupante, en particulier pour les agences sanitaires. Je constate par ailleurs que les crédits consacrés aux agences régionales de santé sont inscrits sur deux missions différentes, ce qui ne facilite pas leur lisibilité.
L'examen détaillé des crédits relevant avant tout de la compétence de la Commission des finances, j'ai choisi de me concentrer sur la création, le 1er juillet dernier, d'une nouvelle agence sanitaire, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, encore appelée Anses. Elle est issue de la fusion entre l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), et l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET).
Le point de départ de cette opération avait été l'habilitation donnée au Gouvernement par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. L'amendement du Gouvernement avait suscité la surprise et de légitimes interrogations, tant chez les parlementaires que chez les personnes concernées.
Aujourd'hui, la nouvelle agence est installée et un premier retour en arrière peut être effectué afin de rappeler les motivations du projet, les difficultés qu'il fallait surmonter, la méthode utilisée et ses résultats.
Même s'il m'a été affirmé que la fusion était essentiellement motivée par la volonté de rassembler l'ensemble des moyens d'expertise des risques auxquels les citoyens sont exposés, en mutualisant les moyens de l'agence chargée de la sécurité sanitaire dans le domaine de l'alimentation avec ceux de l'agence compétente pour les risques professionnels et liés à l'environnement, il reste que cette fusion est inscrite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et qu'une réduction des dépenses de personnel est d'ores et déjà programmée.
Tous nos interlocuteurs ont souligné qu'il n'y avait pas de duplication d'activités, même si les deux agences avaient des domaines d'intervention proches, qu'il s'agisse des risques chimiques – qui touchent à la fois les populations, les travailleurs et les écosystèmes – ou de la surveillance de la qualité de l'eau. Par ailleurs, les deux agences avaient des histoires et des personnalités différentes. Ainsi, l'AFSSA, première-née des agences sanitaires, disposait d'un budget cinq fois plus important que celui de l'AFSSET, et travaillait majoritairement avec ses laboratoires internes, tandis que cette dernière, au budget plus resserré, recourrait davantage à l'expertise externe et aux appels à projet. Elle maniait également des outils du champ d'analyse socio-économique.
La fusion des deux agences a aussi entraîné la multiplication des autorités de tutelle, désormais au nombre de cinq : les ministères de l'agriculture, de la santé, de l'environnement, du travail et de la consommation.
Différences de moyens, parfois de méthodes, cinq ministères de tutelle : de tels éléments étaient de nature à inquiéter à la fois les personnels des deux agences, les associations et les organisations professionnelles, notamment quant à la préservation des axes de travail « santé environnement » et « santé travail ». Il était donc indispensable de se concerter avec toutes les parties prenantes et d'écouter leurs attentes avant de soumettre un projet. C'est d'ailleurs la feuille de route qui a été donnée à M. Marc Mortureux, directeur de l'AFSSA et « préfigurateur » de la nouvelle agence.
Les personnes que j'ai auditionnées ont toutes salué la qualité des travaux préparatoires effectués par différents comités et groupes de travail à partir de l'automne 2009. Le projet d'ordonnance du Gouvernement leur a été soumis en novembre. Puis, après la parution de l'ordonnance en janvier 2010, le même travail a été renouvelé pour préparer le décret d'application, publié en juin. La nouvelle agence a été installée dans la foulée, organisée en trois pôles : l'expertise, les laboratoires et l'Agence nationale du médicament vétérinaire.
Les crédits budgétaires sont en augmentation par rapport aux moyens précédemment alloués à l'AFSSA et l'AFSSET, ce qui donne à l'Anses de bonnes bases pour le lancement de ses activités. En revanche, la question des personnels reste préoccupante alors que le sujet primordial du rapprochement des statuts des personnels n'est pas encore réglé et qu'une diminution de la masse salariale sur trois ans est annoncée.
Concernant son périmètre d'activité, la difficulté pour la nouvelle agence est de devoir rendre des comptes à cinq tutelles. Il m'a été assuré qu'elles travailleraient en bonne harmonie… L'avenir le dira. Plusieurs instances de rencontre sont d'ores et déjà établies, notamment pour élaborer de façon commune le programme de travail.
La question de l'indépendance des expertises, aspect crucial s'agissant d'une agence sanitaire, ne pourra être évaluée qu'après plusieurs mois de pratique. L'indépendance scientifique a reçu des gages, notamment grâce au mode de recrutement des comités d'experts spécialisés. De même, la création d'un comité de déontologie est de bon augure. Espérons que cette exigence sera confirmée par la suite.
La fusion des deux agences doit aussi être le moyen d'un partage des bonnes pratiques, pour faire en sorte que la nouvelle Anses soit davantage que l'addition des deux anciennes agences et soit source de progrès – je pense par exemple aux acquis de l'AFSSA en matière de traitement des situations d'urgence ou aux méthodes innovantes de l'AFSSET.
Pour conclure, je veux croire que la qualité des activités de la nouvelle agence confirmera l'intérêt de cette fusion très discutée. L'Anses va devoir rapidement faire ses preuves. Pour pouvoir mener sa mission à bien, il est essentiel qu'elle bénéficie de crédits budgétaires solides.
Les auditions m'ont par ailleurs conduite à poser la question du partage des tâches entre les différentes agences sanitaires, en particulier entre l'Anses et le Haut conseil de santé publique. En effet, la loi du 6 août 2004 relative à la politique de santé publique a donné notamment mission au Haut conseil de contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, mais aussi de fournir aux pouvoirs publics l'expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires, en liaison avec les agences. Il existe certes aujourd'hui une instance de dialogue, le Comité d'animation du système d'agences (CASA), mais il ne règle pas tout, notamment pour ce qui concerne le champ d'expertise de l'Anses.
De l'avis général, et pour donner davantage de cohérence à ses travaux comme aux recommandations qui en résultent, il conviendrait de recentrer clairement les activités du Haut conseil de santé publique autour de la définition d'objectifs en matière de santé. La future loi de santé publique pourra être l'occasion de préciser, voire de redéfinir clairement le rôle de chacun, de façon à ce que l'expression d'avis différents, voire contradictoires, ne vienne pas brouiller la parole publique.
Je souhaite enfin saluer le travail des équipes de l'Anses. Je comprends leurs interrogations quant à l'avenir proche, car les effets de la fusion ne sont pas neutres pour elles. Il conviendra de veiller à la bonne intégration de chacun, non seulement pour que personne ne se sente exclu, mais surtout parce que nous profiterons ainsi pleinement de la valeur ajoutée résultant de la mise en commun des expériences.