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Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du 27 octobre 2010 à 8h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur pour avis :

L'avis budgétaire que j'ai préparé est particulièrement conséquent, car il me semble que nous sommes cette année à une période charnière et qu'il nous faut disposer d'un état des lieux assez précis avant de prendre la moindre décision d'ampleur. Après une période exceptionnelle pour les équipements en 2009, on voit en effet apparaître des tensions. La trajectoire fixée par le Livre blanc est tenue en 2010 et reste globalement conforme en 2011 ; en revanche les difficultés seront fortes en 2012 et surtout en 2013. Nous pouvons encore faire l'économie de choix stratégiques en 2011 mais ce ne sera plus possible en 2012.

Comme l'année dernière, j'ai demandé au ministère de la défense de m'indiquer les suites réservées aux recommandations parlementaires, qu'il s'agisse de celles que j'avais formulées en 2009, ou de celles des différents rapports parlementaires liés aux équipements militaires ou à la dissuasion. Je crois profondément à cette démarche qui oblige le ministère à se positionner et à tenir compte de nos propositions en indiquant au besoin pourquoi il les écarte.

Une part importante du rapport est consacrée au contexte international de crise. De nombreuses ambassades étrangères ont été sollicitées et il apparaît que la défense française n'est pas la seule à devoir faire des efforts. Les récentes décisions britanniques montrent d'ailleurs que les choix sont parfois beaucoup plus drastiques que dans notre pays. La crise a également des effets majeurs sur les industries, notamment au travers des exportations. Dans un pareil environnement, nous devons faire attention aux possibles conséquences de réflexes nationalistes.

Sur le plan budgétaire, les crédits d'investissement de la mission baissent de 7 % tandis que les autorisations d'engagement augmentent d'un peu plus de 13 %. Le budget pour 2011 se caractérise, comme les années antérieures, par la place donnée aux recettes exceptionnelles. Il me semble que les perspectives sur ce dossier sont plutôt rassurantes : le ministère va réussir à céder les emprises et les fréquences. En revanche, je suis plus dubitatif sur le montant des ressources et sur le calendrier.

Nous devons prendre garde à la possible reproduction d'une bosse budgétaire. Le ministère n'est certes pas en accord avec mon analyse, mais j'ai le sentiment qu'on revient aux errements antérieurs. Même si les programmes d'armement ont une durée de vie longue, on constate un écart croissant entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement. Fin 2011, il restera à payer quelque 31 milliards d'euros engagés. Cette somme risque d'être de plus en plus lourde et obère les capacités futures d'évolution. Cela se traduit d'ailleurs par le décalage de programmes comme le MRTT, Scorpion ou la rénovation des Mirage 2000. Ces choix posent des questions en termes capacitaires et opérationnels. Nous avons des choix stratégiques à faire : lançons au plus vite le débat pour éviter de décider dans l'urgence et sous la contrainte.

Comme l'a indiqué le délégué général pour l'armement, nous devons aussi veiller à l'évolution des reports de charge car ils font peser un risque sur nos matériels. Fin 2010, ils devraient être d'un milliard d'euros ; ils pourraient atteindre 2,5 milliards à la fin de 2011. Avec un tel décalage nous risquons de voir la défense placée sous la tutelle du ministère du budget, alors même que le Livre blanc voulait normaliser les relations entre les deux ministères.

Nous devons donc engager la réflexion dès 2011 ; si nous attendons 2012, il sera trop tard pour réagir et nous serons limités dans nos décisions.

Concernant Chorus, je souscris totalement à la proposition de création d'une mission parlementaire sur ce dossier. Les difficultés de mise en oeuvre du progiciel vont conduire à une explosion des intérêts moratoires alors que nous avions réussi à les ramener à un niveau acceptable. Pour le programme 146, le délégué général pour l'armement estime qu'ils pourraient passer de 9 millions d'euros en 2009 à 30 millions d'euros en 2010 ; je crains hélas que cette dernière estimation ne soit trop basse. La situation doit être impérativement assainie avant la mi-2011 ; le ministère est certes optimiste en la matière mais j'ai le sentiment que le diagnostic n'est pas suffisamment précis et que tous les problèmes ne sont pas encore cernés.

J'aimerais enfin insister sur la dissuasion. En 2010, nous avons franchi un cap décisif avec l'admission au service actif du missile ASMP-A sous le Rafale, la validation du missile balistique M 51 et l'entrée en service du calculateur TERA dont les capacités dépassent l'imagination. Ces avancées sont des sauts technologiques remarquables dont nous devons nous féliciter, d'autant plus que ces programmes ont respecté les calendriers initiaux ! Il est regrettable que nous ne mettions pas plus en avant ces succès. Le secret a sans doute été une des conditions du développement de notre dissuasion ; nous pouvons lui donner désormais plus de publicité et ainsi montrer notre savoir-faire et nos capacités de recherche.

Au vu de ces éléments, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'équipement des forces et à la dissuasion.

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