Sinon, vous ne changerez rien. Je crois bien connaître le monde économique, madame la ministre, car j'en viens. Lorsque, dans le sud de l'Aquitaine, une entreprise comme Turbomeca, que vous connaissez bien, recrute 100 personnes par an, il faut aller puiser la main-d'oeuvre dans le nord de la région. À côté des dispositifs existants, il en faut donc favoriser la mobilité. Tant que l'on n'aura pas pris en compte la mobilité dans le traitement du chômage, on ne réglera rien.
Il faut aussi envisager les problèmes du logement et, à différents niveaux, les problèmes d'accompagnement par la formation. Or quelle est, aujourd'hui, la collectivité qui exerce de plus en plus sa compétence en matière de développement économique, avec des difficultés, certes, parce qu'on la jalouse et parce que, peut-être, cette compétence n'est pas partout à son maximum ? C'est la région. Quelle est la collectivité qui, avec les partenaires sociaux, d'une part, et un CES, d'autre part, assume la compétence de formation professionnelle ? C'est la région. Qui finance les missions locales ? Qui finance l'insertion ? Qui gère, avec l'État, le FSE ? C'est la région.
Je ne souhaite pas mettre en place une tutelle des régions sur les départements ou sur les communes. Je propose que, dans cette expérimentation, on crée un schéma régional de l'emploi, pour que l'on puisse savoir qui fait quoi. Ne serait-ce pas le plus grand progrès qu'un gouvernement pourrait faire accomplir au pays, que de dire qui fait quoi et qui est responsable de quoi ? Et il ne faudrait pas désigner seulement des hauts fonctionnaires de l'État : ils ne sont pas élus, ils ne sont pas responsables, ils ne vont pas au contact, ils ne sont pas plus compétents que les élus. La plupart d'entre nous ont fait des études, bon sang de bois ! (Sourires.)
Considérons l'expérience que la région Rhône-Alpes a mise en place : on note un déficit en matière d'orientation. Or, avec la connaissance des secteurs en tension, l'orientation est peut-être l'un des éléments essentiels du placement des chômeurs. Elle est, en tout cas, un service de l'AFPA qui n'a pas été décentralisé aux régions. Permettez-moi d'improviser trente secondes sur ce sujet. L'AFPA a été décentralisée aux régions. Vous savez, madame, que nous n'avons pas encore réglé un petit problème, celui des appels d'offres et de la concurrence. Aujourd'hui, l'AFPA a ceci d'exceptionnel qu'elle place la quasi-totalité des demandeurs d'emploi ou des stagiaires qui sont dans son dispositif, parce qu'elle les accompagne et met à leur disposition un service d'orientation. Ne banalisez surtout pas ce service d'orientation, ne gâchez pas cette compétence. Dans le cadre de cette expérimentation, faisons-en profiter tous les dispositifs.
Encore une fois, faites en sorte qu'il y ait un patron, un pilote, dans cette expérimentation, car, pour l'instant, vous n'en avez pas prévu. Or, aujourd'hui, les régions sont au coeur de tout. On conventionnera avec les maisons pour l'emploi, on conventionnera sur l'insertion avec les départements, on conventionnera avec les mairies. Je ne veux pas de tutelle. Je ne veux pas reproduire le système de l'État. Mais, de grâce, faites en sorte que le coût et les délais de la décision publique diminuent : ce doit être un élément essentiel de la révision générale des politiques publiques. Pour s'administrer, la France dépense trois fois plus d'argent que les autres pays d'Europe, parce que bien que l'État ait transféré des compétences aux collectivités locales, il maintient toutes ses directions extérieures : les DRASS, les DDASS, les DDTE. À quoi tout cela sert-il, aujourd'hui ? Cela ne sert plus à rien. Cela déresponsabilise les élus et la démocratie locale, alors que, dans tous les pays d'Europe, aujourd'hui, c'est cette responsabilité qui favorise la créativité.
Il faut également pouvoir raccourcir les délais, parce que, comme le disait tout à l'heure un de mes collègues, dans votre dispositif, il faudra toujours mettre quinze personnes autour d'une table pour décider de la mission locale ou du système d'insertion des chômeurs les plus en difficulté. On ne peut pas continuer comme ça. La France dépense trop d'argent pour son gouvernement et pas assez pour ses actions. Il ne s'agit pas de diminuer l'action publique, mais de la rendre beaucoup plus rationnelle.
En vous proposant cela, je ne mets pas en cause la fusion des organismes, mais je tâche d'aller plus loin encore. Prenons des collectivités volontaires, par exemple deux régions de droite et deux régions de gauche, et tentons l'expérience. (Rires et exclamations sur tous les bancs.)