Madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 est largement le reflet de l'échec des politiques successives menées par les gouvernements de droite depuis 2002.
En effet, en huit ans, le déficit du régime général s'est creusé de plus de 15 milliards d'euros alors qu'il était à l'équilibre lorsque vous êtes arrivés au pouvoir ! Rappelons qu'avant 2002, les comptes sociaux avaient connu plusieurs années de soldes positifs. Ce sont donc bien des gouvernements soutenus par l'actuelle majorité qui ont appauvri notre système de santé, financièrement et qualitativement.
Votre politique de maîtrise comptable atteint ses limites, au point que même le rapporteur de la commission des affaires sociales, Yves Bur, indique que « l'approche par la maîtrise des dépenses n'est plus à la hauteur des enjeux ». Je suis tout à fait d'accord avec cette formule.
Du coup, j'ai un désaccord de fond avec le ministre du budget lorsqu'il nous explique qu'il faut se limiter aux dépenses les plus utiles. Non, l'objet de notre système de protection sociale n'est pas, à nos yeux, de se limiter aux dépenses les plus utiles.
Votre gouvernement est, de fait, prisonnier d'un système qui est incapable de concevoir les maladies autrement que comme de nouvelles parts de marché. Si le nombre d'ALD ne fait qu'augmenter, ce n'est pas avec une politique comptable de réduction des prises en charge qu'on diminuera le nombre de patients atteints de ces maladies. La seule conséquence d'une telle politique sera de pratiquer une sélection par l'argent entre ceux qui ont les moyens de financer leur santé et les autres.
Or les pathologies les plus nombreuses et les plus coûteuses pour la branche maladie sont les cancers, les maladies cardio-vasculaires et le diabète. Elles sont principalement dues à des causes comportementales et environnementales. Tant que nous n'agirons pas en amont, par une véritable politique d'éducation et de prévention, par la diminution, voire la suppression, pour certains d'entre eux, de produits toxiques, notamment ceux utilisés dans l'agriculture intensive, comme les pesticides et herbicides – je pense par exemple au Roundup –, on pourra toujours continuer à se lamenter sur l'augmentation des dépenses liées à ces maladies.
Malheureusement, la précédente loi de santé publique est déjà assez éloignée, et nous n'avons toujours pas de date pour l'examen de la prochaine. Nous en sommes réduits à discuter de questions de comptabilité en l'absence de politique de santé globale.
Parallèlement, la réduction des risques toxiques et chimiques, déjà trop timorée dans le Grenelle de l'environnement, risque en fait de ne jamais être mise en oeuvre, étant donné l'action des lobbies.
De plus, votre loi sur les retraites vient de casser la médecine du travail, et vous avez refusé tous nos amendements tendant à une réelle prise en compte de la pénibilité. Cela ne va pas arranger les comptes de l'assurance maladie, qui risque de voir se dégrader la santé des salariés âgés. Cela aura pour conséquence l'explosion des arrêts maladie, et donc l'augmentation des versements d'indemnités journalières, poste de dépenses dont vous dénoncez par ailleurs la trop rapide augmentation !
Vos budgets sont marqués depuis 2002 par le transfert régulier de nouvelles charges vers les assurés sociaux : augmentation des forfaits, franchises médicales et déremboursement.
Cette année encore, vous persévérez. Nous aurons droit à une diminution de 35 % à 30 % du niveau de prise en charge des médicaments ; à l'augmentation de 91 à 120 euros du seuil de déclenchement de la participation forfaitaire de 18 euros pour les actes coûteux, en ville et à l'hôpital ; à la diminution des possibilités d'entrée dans le régime de l'affection de longue durée ; à la baisse de cinq points de la prise en charge des dispositifs médicaux.
Les conséquences de cette politique sont désastreuses pour les assurés. Beaucoup de personnes renoncent aux soins, et de plus en plus de Français n'ont pas de complémentaire santé. Si ceux qui sont dans ce cas représentent 8 % de la population totale, ce chiffre est une moyenne qui recouvre des différences : c'est ainsi que 20 % de la population du premier décile n'a pas les moyens de s'en payer une, tout comme 14 % dans le deuxième décile, et encore 11 % dans le troisième décile.
La situation dans les hôpitaux est absolument catastrophique. Il suffit de les fréquenter pour s'en rendre compte immédiatement. Votre obsession de la rentabilité, inscrite dans les objectifs de financement de l'hôpital public, étrangle littéralement les services qui sont tenus de réduire leur activité et qui se voient obligés, en raison de l'obsession du retour à l'équilibre, de supprimer des milliers de postes de personnels soignants. Plusieurs de mes collègues ont déjà décrit la situation, notamment dans les hôpitaux franciliens.
Ainsi, avec la T2A et la loi HPST, non seulement il est de plus en plus difficile d'obtenir un rendez-vous à l'hôpital, d'être maintenu en observation, mais les services, voire des hôpitaux entiers, sont fermés au profit du secteur privé. Tout cela génère des transports, des coûts supplémentaires et une qualité de suivi dégradée.
Dans ce contexte, les dépassements d'honoraires ont explosé, passant de 763 millions en 1990 à 1,6 milliard en 2005. Il s'agit d'une pratique particulièrement discriminante, vous le savez bien. Et pourtant, PLFSS après PLFSS, vous refusez d'agir.
L'objet de notre système de santé est bien d'offrir un accès aux soins les meilleurs possibles, pas de transférer ce qui est rentable aux assureurs. Votre politique est au service du secteur de l'assurance. Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous soyons totalement en désaccord avec le budget de la sécurité sociale qui nous est proposé. Mais j'y reviendrai, avec d'autres collègues du groupe GDR, tout au long du débat.