Ce qui est choquant, dans ce schéma, c'est que le demandeur d'emploi, à qui l'on promet un service amélioré, n'est même pas pris en compte ! Le point d'aboutissement de ce système très complexe est une direction technocratique – et non politique – de la nouvelle institution.
Nulle place non plus, dans ce dispositif, pour les acteurs de terrain de l'insertion, du développement économique, de la formation professionnelle : les régions, à qui l'on ne propose qu'un vague strapontin au Conseil national de cette institution sans nom, mais aussi les départements, les intercommunalités, les communes, les missions locales ou les maisons de l'emploi – dont vous avez d'ailleurs brutalement suspendu le développement après l'avoir préconisé, ce qui a suscité une protestation assez vive des élus locaux de tous les groupes. Tous les acteurs de la décentralisation, politiques et professionnels, sont tenus à l'écart, alors qu'ils sont confrontés quotidiennement aux ravages du chômage, en particulier chez les jeunes – la France étant, je le rappelle, avant-dernière en Europe dans ce domaine –, mais aussi chez les seniors et les femmes chefs de famille.
Deuxième point de désaccord : cette réforme est non seulement complexe, mais c'est surtout une boîte vide. L'assurance chômage fera l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux dans les prochains mois ; la formation professionnelle, d'un projet de loi ultérieur, sans qu'aucune évaluation n'ait été demandée par l'État aux régions, dont c'est pourtant la compétence pleine et entière et qui ont mené des politiques courageuses et inventives malgré le désengagement financier de l'État et un pilotage très complexe. Tout cela n'est pas sérieux et témoigne de votre précipitation et d'un manque de concertation. Un sondage récent – un de ces sondages qui guident si souvent votre action, madame la ministre, ainsi que celle du Président de la République – montre d'ailleurs que 31 % des Français seulement croient à l'efficacité de cette réforme, tandis que 66 % redoutent en revanche une augmentation de la précarité au travail.
Pourquoi alors cette réforme, qui ne traite pas des problèmes de fond, laisse de côté les acteurs de terrain, ne simplifie pas les dispositifs de recherche d'emploi et n'améliore nullement les services d'accompagnement individualisé ? C'est qu'elle a un autre objectif, non formulé, et que nous ne pouvons partager : la baisse artificielle du chômage grâce à une radiation plus facile des demandeurs d'emploi.
Ce que cache votre boîte vide, c'est en effet la culpabilisation du demandeur d'emploi, présenté comme quelqu'un qui refuserait les propositions d'embauche – ce que l'on n'observe pas sur le terrain –, ainsi que le traitement statistique du chômage par la réorientation des personnes qui sont le plus dans la précarité vers le revenu de solidarité active, afin de les faire sortir des chiffres du chômage. Or l'emploi est la première des solidarités et des dignités, et nous ne pouvons accepter que ce droit fondamental ne soit pas mieux traité par votre gouvernement. Car la réalité, c'est que la croissance n'est pas au rendez-vous, que le renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment des PMI-PME et des TPE, par l'innovation et la recherche n'a fait l'objet d'aucune mesure, et que vous ne faites rien non plus pour améliorer la formation initiale et continue, et éviter que 180 000 jeunes sortent chaque année sans qualification du système scolaire. C'est un véritable gâchis !
Votre projet de loi révèle bien d'autres insuffisances. Je n'en citerai que deux, car nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements que notre groupe a proposés.