Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, chers collègues, enfin un opérateur unique pour l'emploi ! Depuis vingt ans, de nombreuses mesures de rapprochement de l'assurance chômage et de l'agence nationale pour l'emploi ont été mises en oeuvre. La fusion, suite logique de ce processus, était donc attendue et souhaitée.
Après une première lecture au Sénat, l'Assemblée nationale est donc aujourd'hui saisie du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. Je commencerai mon propos en saluant le remarquable travail réalisé au Sénat, qui a permis une amélioration du texte grâce à l'implication de la rapporteure de sa commission des affaires sociales, Mme Catherine Procaccia. Je salue également le travail d'Yves Albarello et de la commission des affaires économiques de l'Assemblée.
Le projet de loi vise à constituer une nouvelle institution nationale qui reprendra les missions et les moyens, d'une part, de l'ANPE, d'autre part, du réseau opérationnel de l'assurance chômage, à savoir principalement les ASSEDIC, tout en respectant l'autonomie des partenaires sociaux dans la définition des paramètres de l'indemnisation du chômage et sa gestion financière, et en préservant la gestion par l'UNEDIC du régime d'assurance chômage.
La présente réforme s'inscrit dans un processus respectueux des intérêts et des sensibilités de toutes les parties. Elle a fait l'objet en amont de nombreuses consultations et a été présentée dès le 2 octobre dernier à l'Assemblée nationale, plus précisément à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, par Mme Christine Lagarde. Le présent projet de loi a été vivement débattu en novembre dernier devant le comité supérieur de l'emploi, conduisant le Gouvernement à modifier son texte sur plusieurs points importants.
La réforme, pourquoi ? L'objectif final, c'est le plein-emploi. De ce point de vue, des résultats sont déjà là puisque le nombre de demandeurs d'emploi a diminué en un an de plus de 200 000 – soit presque 10 % de baisse – et est désormais inférieur à 2 millions.
Mais, comme l'a indiqué Mme la ministre, le mouvement doit être amplifié, en particulier au regard des 300 000 à 500 000 offres d'emploi toujours non pourvues aujourd'hui. Parce que les intermédiaires de placement sur le marché du travail jouent un rôle encore insuffisant, il est essentiel de procéder aujourd'hui à cette réforme institutionnelle.
L'objectif poursuivi par cette réforme, c'est aussi, bien sûr, la qualité du service rendu aux usagers. On l'a dit et répété, la vie du demandeur d'emploi s'apparente bien souvent à un parcours du combattant. C'est vrai, l'Agence nationale pour l'emploi et l'UNEDIC ont entrepris depuis plusieurs années de réels efforts de modernisation et de coopération. Cela étant, le guichet unique doit devenir une réalité et le demandeur d'emploi être vraiment placé au coeur du système.
Un regard sur les expériences étrangères confirme l'importance de l'enjeu institutionnel par-delà une réelle diversité des solutions retenues, pays par pays.
En France, depuis les années 1990 et plus encore 2000, le développement des politiques dites « actives » de l'emploi par l'UNEDIC, tels l'établissement de l'allocation de remplacement pour l'emploi ou le rapprochement des services de l'ANPE et de l'UNEDIC, par la création d'une gestion informatisée commune, ou la mise en oeuvre du PARE-PAP constituent autant de premiers pas en direction d'une réforme.
C'est plus vrai encore si l'on considère les avancées très récentes de la loi de programmation pour la cohésion sociale, promulguée il y a presque trois ans : cette loi a acté la fin du monopole du placement, consacré la notion de « service public de l'emploi » et formalisé les modalités de coordination entre acteurs, que ce soit par la convention tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC ou par la création des maisons de l'emploi – chères à Jean-Paul Anciaux – dont on sait l'action déterminante sur le terrain. La commission a tenu à inscrire l'action des maisons de l'emploi au sein de la nouvelle organisation du service public de l'emploi.
La réforme, comment ? Je voudrais d'abord insister sur deux points de méthode qui me paraissent essentiels : d'une part, le projet de loi qui nous est soumis a fait l'objet d'un processus de concertation avec les partenaires sociaux, conformément à la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. Le fait est assez nouveau pour être souligné. Le temps a été donné pour la préparation de ce texte important et si, naturellement, certains points de divergence subsistent, de très nombreux autres ont pu évoluer. D'autre part, ce projet de loi comporte des garanties et des mesures transitoires : une instance provisoire sera créée dans un premier temps. Le transfert aux URSSAF de la mission de recouvrement, prévu par le projet de loi, sera étalé sur une certaine période. D'ailleurs, un groupe de travail présidé par un membre de l'Inspection générale des affaires sociales doit identifier, d'ici à la fin du mois, les principales questions en termes organisationnels qui pourront se poser.
J'en viens maintenant aux grands axes de la nouvelle organisation : je les rappellerai brièvement, en insistant sur les principaux apports résultant de la discussion en commission – dont je tiens à dire qu'elle a été riche, constructive et a vu l'adoption de plusieurs amendements de l'opposition.
À l'article 1er, le projet de loi crée un Conseil national de l'emploi, présidé par le ministre en charge de l'emploi et chargé de veiller à la cohérence d'ensemble des politiques de l'emploi. Le Sénat a en outre consacré l'existence de conseils régionaux de l'emploi qui, dans le projet initial du Gouvernement, ne devaient être institués que par voie réglementaire et qui sont désormais inscrits dans la loi.
La commission a adopté plusieurs amendements, dont l'un, à l'article 1er, vise à reconnaître et à garantir le rôle des maisons de l'emploi dans la nouvelle architecture institutionnelle, en assurant notamment leur représentation au Conseil national de l'emploi. Il me semble que c'est là un élément essentiel ; il avait d'ailleurs été évoqué lors de la table ronde que la commission des affaires sociales avait consacrée à ces questions en décembre, en présence de Mme Annie Thomas, présidente de l'UNEDIC, et de M. Christian Charpy, directeur général de l'ANPE.
L'article 2 du projet de loi crée un opérateur unique pour l'accueil, le placement, le service des prestations d'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. La nouvelle institution, issue de la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi et des réseaux opérationnels de l'UNEDIC, sera dirigée par un conseil d'administration dans lequel seront présents les partenaires sociaux majoritaires, des représentants de l'État et des personnalités qualifiées. Un directeur général sera nommé par le Gouvernement après avis du conseil d'administration. Au niveau territorial, la nouvelle institution sera organisée en directions régionales.
Le Sénat a explicitement précisé le caractère public de l'institution. Il en a modifié la gouvernance en introduisant dans son conseil d'administration un représentant des collectivités territoriales et en habilitant ce conseil à adopter à la majorité des deux tiers une délibération demandant la révocation du directeur général.
Le Sénat a aussi scindé en deux la section du budget qui était consacrée à la fois au fonctionnement et aux interventions de la nouvelle institution.
Il a enfin précisé que la convention collective qui régira les agents de la nouvelle institution, doit être une convention collective de branche. Cependant, les agents issus de l'ANPE pourront conserver leur statut de droit public.
À l'initiative du groupe socialiste, la commission a inséré dans les missions de la nouvelle institution la promotion professionnelle des usagers. Il nous est apparu utile que les missions du service public soient définies dans des termes larges et positifs.
J'ai proposé pour ma part à la commission un amendement qu'elle a adopté, précisant les modes de conciliation entre la conservation du statut des ex-agents de l'ANPE et la nouvelle règle relative à la représentation collective. Il s'agit d'apporter à ces agents toutes les garanties possibles.
Le financement de la nouvelle institution est assuré à la fois par l'État et par le régime d'assurance chômage. En revanche, il est important de rappeler que le régime d'assurance chômage, géré par l'UNEDIC, reste sous la responsabilité des partenaires sociaux : c'est ce que prévoit l'article 3. Ceux-ci continuent de fixer, dans le cadre de la convention d'assurance chômage, les paramètres d'indemnisation et de financement du régime d'assurance chômage.
Toujours à l'initiative du groupe socialiste, la commission a consacré la dénomination d' « organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage ». Cette clarification est importante et évitera toute ambiguïté terminologique avec la nouvelle institution créée par l'article 2.
Aux termes de l'article 4, le recouvrement des contributions d'assurance chômage sera transféré au plus tard le 1er janvier 2012 aux URSSAF. Le Sénat a veillé à ce que soient pris en compte les régimes dérogatoires existants, notamment dans le monde agricole et pour les intermittents du spectacle.
Pour ma part, afin de donner toutes garanties aux gestionnaires de l'UNEDIC, j'ai proposé d'inscrire dans la loi que la neutralité de la trésorerie de l'assurance chômage est assurée grâce à une remontée quotidienne des fonds recouvrés par les URSSAF ; la commission a adopté un amendement dans ce sens.
L'article 5 organise la transition en prévoyant qu'une institution provisoire préfigurera le nouvel opérateur. Le Sénat a confié à cette instance la tâche de donner un nom à la nouvelle institution.
Aux termes de l'article 6, les personnels actuels de l'ANPE et des ASSEDIC seront transférés à la nouvelle institution avec des garanties statutaires. Ceux de l'ANPE auront le choix entre la conservation de leur statut de droit public et l'adhésion à la future convention collective de l'institution. La commission a adopté un amendement que nous lui avons proposé, visant à prendre explicitement en compte les personnels de l'ANPE sous statut précaire, avec des contrats à durée déterminée.
Pour les personnels des ASSEDIC, une garantie de continuité est apportée par le fait que la convention collective actuelle restera applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective. Cependant, le Sénat a jugé nécessaire de fixer une date butoir pour cette convention en vigueur : le 1er septembre 2010.
On peut comprendre cette démarche, qui a simplement pour objet d'accélérer la négociation de la convention collective en l'encadrant dans le temps et dont le but n'est en aucun cas de réduire les acquis des personnels actuels des ASSEDIC. Chacun sait que la fusion aura un coût élevé en termes d'alignement des statuts vers le haut ; Mme Lagarde a indiqué que 300 millions d'euros sont provisionnés à cet effet.
Toutefois, il est nécessaire de rassurer ces personnels sur la continuité de leurs statuts et notamment la conservation de leurs avantages acquis. C'est pourquoi j'ai proposé à la commission – comme l'a fait de son côté Yves Albarello pour la commission des affaires économiques – un amendement accordant aux personnels en provenance des ASSEDIC le bénéfice de garanties fortes : il s'agit de prévoir l'inscription d'un principe de garantie des avantages acquis, notamment en matière salariale, dans la future convention collective de la nouvelle institution. La commission a adopté cet amendement, très important pour l'équilibre de l'ensemble du dispositif.
On se doit de le répéter : le but n'est pas d'imposer brutalement une fusion, mais de la réaliser, dans le respect de tous les salariés, au bénéfice des usagers du service public de l'emploi, entreprises et demandeurs d'emploi.
L'article 7 organise le transfert des biens à la nouvelle institution. Dans le respect des partenaires sociaux et du statut associatif des ASSEDIC, leurs biens doivent faire l'objet d'une mise à disposition organisée par une convention. Afin d'accélérer la mise en place de la nouvelle institution, la commission a adopté un amendement visant à ce que la négociation de cette convention puisse être engagée par l'instance provisoire de préfiguration.
L'article 8 fixe la date de la création de la nouvelle institution.
L'article 8 bis, introduit par le Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur le transfert éventuel des psychologues de l'AFPA à la nouvelle institution – ce qui n'était pas prévu dans le texte initial.
L'article 8 ter, également introduit par le Sénat, a pour objet d'éviter – ce qui n'était pas non plus prévu par le texte initial du Gouvernement – certains abus en matière d'indemnisation du chômage, en écartant de l'assurance chômage les salariés ayant quitté leur emploi sans motif légitime.
Les derniers articles du projet de loi comportent des mesures de coordination, insérées notamment dans le nouveau code du travail. Il me semble important de préciser que la gestion assurée aujourd'hui par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés restera de la compétence de l'UNEDIC et ne reviendra pas, comme le propose le projet de loi, à la nouvelle institution : j'ai proposé un amendement dans ce sens à la commission, qui l'a adopté, tout en préservant la compétence des URSSAF s'agissant du recouvrement des contributions dans le cadre de ce régime.
Enfin, dans un souci de continuité, la commission a également souhaité que l'expérimentation du contrat de transition professionnelle puisse être prolongée jusqu'à la fin de l'année 2008, afin que son échéance coïncide avec celle de l'actuelle convention d'assurance chômage. Elle a aussi réparé un oubli en prévoyant pour les organisateurs de fraudes à l'assurance chômage les mêmes amendes que pour les bénéficiaires de ces fraudes, ce qui est une mesure de justice élémentaire.
Il est donc clair que l'objectif n'est pas d'imposer une fusion brutale, mais d'engager une réforme profonde de nos politiques de l'emploi – dont le présent projet de loi n'est que la première pierre – en ménageant des transitions et des adaptations progressives.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté le présent projet de loi. J'invite bien sûr notre assemblée, au terme de la discussion sur les articles et les amendements, à l'adopter également. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)