Mais sans aucun engagement de les réduire, d'où le mouvement de panique. L'Allemagne laissant s'installer le doute – elle n'est pas intervenue comme l'a fait Abu Dhabi vis-à-vis de Dubaï –, les taux d'intérêt ont flambé.
De la même manière, le spread de l'Italie et de l'Espagne par rapport à l'Allemagne, par exemple, est-il encore très important. Ce sont là autant de situations génératrices de spéculation que nous avons laissé s'installer alors que les pouvoirs publics ont les moyens d'orienter et d'encadrer ces mouvements.
De plus, la spéculation ne concerne pas les seuls marchés financiers. Le secteur de l'immobilier, en France, constitue également une « bulle » spéculative illustrant cet écart cumulatif auto-entretenu entre la valeur financière d'un actif et sa valeur réelle. En 1991, l'écart entre le prix des logements anciens et le PIB en valeur était de 1 à 3,5 ; en 2007, la « bulle » s'est reconstituée, puis les prix ont baissé, mais, depuis un an, ils augmentent à nouveau régulièrement. De surcroît, l'écart entre le prix des logements et le revenu des ménages se creuse considérablement depuis les années 2000, ce qui ne manque pas de susciter de graves inquiétudes – notamment en cas d'augmentation des taux d'intérêt.
Par ailleurs, si la France ne paie que 2,5 % d'intérêt sur une dette publique qui s'élève à 83 % du PIB, c'est en raison de sa note AAA, laquelle relève presque du miracle. Que nous venions à rétrograder et le danger sera extrême ! En effet, si 26 % seulement de nos 20 % de dette publique, dans les années quatre-vingt, étaient détenus par des non-résidents, ces derniers détiennent aujourd'hui plus de 70 % de nos 83 % ! En cas de dégradation de la note, les phénomènes spéculatifs risqueront donc de s'exercer contre nous ; une fois de plus, ils ne tomberont pas du ciel mais seront les conséquences financières de nos manquements économiques.
La spéculation fait partie de la vie des marchés, mais il est possible de la limiter. Ainsi, deux grands changements ont été apportés, non pas depuis l'affaire Kerviel – il est excessif de penser qu'un seul trader puisse tromper durant deux ans tout un système de contrôle –, mais depuis la faillite de Lehman brothers, et ce afin de réduire l'exposition aux risques. L'origine de cette crise s'explique par la tentative de suppression de l'une des règles de base de l'économie et de la finance : la proportionnalité du rendement et du risque. Tout d'abord, depuis une dizaine d'années, l'illusoire modélisation mathématique de la finance a induit une déconnexion croissante d'avec les réalités économiques – les traders n'ont d'ailleurs pas pris le pouvoir mais il leur a été donné par les banques – alors que l'économie et la finance sont des sciences humaines, lesquelles supposent erreurs et failles. Fort heureusement, après ce véritable abus de confiance, les banques ont accru le contrôle des risques afin de les limiter et, surtout, de réduire l'emprise excessive de ces pseudo-modèles. Ensuite, elles ont réduit au maximum le prop-trading, lequel consistait à spéculer avec leurs fonds propres. Ces deux évolutions dureront-elles ? Pas forcément. La spéculation n'a pas disparu ; elle s'est déplacée sur le marché de l'or, sur celui des changes…
Au final, le meilleur rempart contre la spéculation consiste, me semble-t-il, à accroître la transparence bancaire et à promouvoir un meilleur contrôle des risques.