Pour avoir travaillé pendant vingt ans, jour et nuit, en maternité, je ne regrette pas la fermeture des petites unités. Certes, l'accouchement est un acte naturel, mais combien perd-on de femmes dans les pays non équipés médicalement ? Que se passera-t-il dans une maison de naissance si une femme se met à saigner au moment de la délivrance et doit immédiatement être transfusée ? Qu'arrivera-t-il si un enfant ne crie pas ? Le geste qu'on fait pour l'intuber, en faisant passer dans la trachée un fil minuscule afin d'envoyer de l'oxygène, requiert une grande pratique. Actuellement, un accouchement sur cinq prévu en secteur 1 ou 2 est transféré en secteur 3, et les enfants nés hors maternité courent davantage de risques de séquelles cérébrales. Autant d'éléments qui expliquent la fermeture des petites maternités, que le corps médical a d'ailleurs approuvée, jugeant qu'elles offraient des conditions de sécurité insuffisantes.
Si l'on crée des maisons de naissance, celles-ci doivent être non près d'un hôpital ni sous convention avec lui, mais mitoyennes d'un hôpital. J'ajoute que la technique, qui apporte la sécurité, n'est pas nécessairement le contraire de l'humanité. Un sondage réalisé pour Enfant Magazine montre que la maternité de Lille, qui effectue 2 000 accouchements par an, a été plébiscitée par des jeunes mamans comme la plus humaine. Je suis donc favorable à la création de maisons de naissance à proximité des hôpitaux, ce qui reviendra à les agrandir pour offrir aux femmes des conditions d'accouchement plus douces.
Le 24/10/2010 à 03:51, Selina Kyle (Fondatrice du GRENN) a dit :
Madame Antier,
J'apprécie hautement votre souci pour la santé des nouveaux-nés... Tout comme les sages-femmes libérales qui accompagnent les futures mamans, tout comme ces femmes qui souhaitent accoucher en Maisons de Naissance. Encore plus, pour ce qui les concerne, du fait qu'il s'agit de LEUR bébé !
Oui, un bébé peut mourir en Maison de Naissance, faute de soins rapides et appropriés. C'est toujours possible, même quand tout se présente bien. Et cela aussi, les femmes qui réclament des Maisons de Naissance le savent bien. Elles savent aussi que des bébés décèdent en milieu hospitalier... Et que les statistiques émanant de pays frontaliers qui ont des MdN sont excellentes pour ce qui est de la santé des nouveaux-nés, ni pires, ni meilleures qu'à l'hôpital.
En Allemagne, il y a 130 Maisons de Naissance ! Des établissements situés hors structure hospitalière. Voici les dernières statistiques de ce pays, pour ce qui est des naissances hors milieu hospitalier http://portail.naissance.asso.fr/StatistiquesHorsHopitalAllemagne
Comment est-ce possible alors qu'il n'y a pas de réa pédiatrique à proximité immédiate ? Il y a plusieurs explications à cela... la plus importante étant probablement la présence continue d'une sage-femme expérimentée près de la femme qui accouche. Une sage-femme habituée à travailler ainsi et qui ne confie pas la surveillance de sa parturiente à un monitoring pendant qu'elle s'occupe d'autres patientes ou de paperasse administrative...
Ca tient aussi à l'excellente collaboration mise en place avec la maternité partenaire. Alors, plutôt que de nourrir des craintes vis à vis de structures qu'on ne connaît pas en France, on pourrait peut-être se rassurer en allant questionner les sages-femmes des Maisons de Naissance allemandes... ainsi que les pédiatres hospitaliers qui ont l'habitude de travailler avec elles...
Aussi bien les pédiatres que les obstétriciens Français sont aux prises avec un imaginaire angoissant à l'idée de voir des femmes mettre leur bébé au monde sans les filets de sécurité avec lesquels ils ont coutume de travailler en milieu hospitalier.
Les sages-femmes qui accompagnent des naissances à domicile, comme celles qui accompagnent des naissances en Maison de Naissance en Belgique, en Allemagne, en Autriche ou en Suisse, ont d'autres filets de sécurité... C'est l'expérience, la présence continue, l'observation et la bonne connaissance de la femme qui remplacent la technologie.
Il est établi (et on le retrouve dans les dernières recommandations du CNGOF concernant la surveillance du RCF, que l'écoute intermittente du coeur du bébé (pratiqué en aad ou en MdN) donne d'aussi bons résultats que le monitoring en continu, pour ce qui est des bébés. La seule différence consiste dans le nombres de césariennes majoré en cas de surveillance continue par monitoring...
Aujourd'hui, le suivi des grossesses en accompagnement global (une femme, une sage-femme, du début de la grossesse, en passant par l'accouchement et les suites de couches) permet d'anticiper la plupart des complications. D'autres seront prévenues grâce à la présence constante d'une sage-femme expérimentée, d'autres enfin, nécessiteront un transfert, plus ou moins urgent, vers une maternité partenaire, située pas trop loin.
Là où les Maisons de Naissance existent, et depuis de nombreuses années, les bébés se portent bien. Leurs mères aussi. C'est peut-être sur elles qu'il convient aujourd'hui de porter un regard plus ouvert, plus empathique.
C'est juste intolérable que des femmes Françaises accouchent seules chez elles, faute de trouver une sage-femme pour les accompagner à domicile, alors que ce qu'elles réclament, c'est une assistance médicale à leurs côté, chez elles, là où elles se sentent le plus en sécurité, et ceci, tant que rien ne vient contrarier ce choix sur le plan médical.
C'est tout autant pathétique que des Françaises soient contraintes de traverser nos frontières pour accoucher en Maison de Naissance suisse, allemande ou belge... Ne sommes nous donc pas capables d'être aussi respectueux des souhaits des femmes que nos voisins ? Ou sont-ils fous à lier ?
Une maison de Naissance, ce n'est pas une petite maternité. Ce que les femmes qui les réclament veulent, ce n'est pas seulement de l'humanité ou la possibilité d'accoucher physiologiquement... L'environnement hospitalier leur est anxiogène... Elles ne souhaitent se rendre à l'hôpital qu'en cas de nécessité. Leur grande motivation, la qualité de la réflexion qu'elles ont menée pour arriver à ce choix contribuent très certainement à ce que les résultats soient satisfaisants en termes de mortalité et morbidité maternelle comme périnatale ! Nous sommes des êtres de chair et d'âme... Accoucher, ce n'est pas juste un phénomène mécanique, qui serait déconnecté de ce qui se passe dans le psychisme d'une femme... Les sages-femmes savent à quel point certaines angoisses maternelles peuvent ralentir ou compliquer un accouchement...
Alors, personne ne forcera une femme à accoucher en Maison de Naissance. Souhaitons que l'on cesse de vouloir forcer des femmes à accoucher à l'hôpital. Si on ne prend pas la mesure de ce qui se passe, elles accoucheront seules chez elles. Ce qui pour le coup s'avérera potentiellement dangereux pour elles et leur enfant !
Offrons aux femmes Françaises un vrai Choix, comportant une offre extra-hospitalière de qualité ! Sachons l'organiser avec intelligence pour que les transferts éventuels se passent dans les meilleurs conditions possibles ! Reconnaissons aux femmes le droit d'opter pour un parcours de soin... et d'en changer si à un moment donné, ça ne leur convient plus. Je pense ici aux futures mamans qui après un choix d'accouchement à domicile (ce serait identique avec une MdN) débarquent à la maternité pour une péridurale, et qui sont aujourd'hui trop souvent maltraitées verbalement, rabrouées comme si elles étaient des gamines !
Le droit de disposer de nos corps quand on accouche et de choisir le lieu où on se sent le mieux, le plus à l'aise, le plus en sécurité (notion qui comporte aussi une part de subjectivité) n'est pas incompatible avec la bonne santé de notre bébé. Je dirais même, bien au contraire ! Ce qui se joue, c'est aussi parfois la qualité de la mise en place du lien mère-enfant. Et ce n'est pas le lieu en lui-même qui joue. C'est la manière dont la femme vit son accouchement, période souvent longue et épuisante qui marque une transition entre l'état de femme enceinte et celui de mère d'un enfant qu'on tient dans ses bras... Il se joue des choses, durant ce temps là, dans le psychisme d'une femme... Pour l'une, l'idéal, ce sera un accouchement "standard" à l'hôpital, pour une autre, ce sera un accouchement en pôle physiologique, pour une autre encore, un accouchement en Maison de Naissance, pour une autre enfin, ce sera à la maison.
Et les femmes ne sont pas sottes, vous savez, Mme Antier. La majorité d'entre elles filent voir un obstétricien ou à la maternité avec empressement quand la vie de leur bébé est potentiellement menacée par une complication... C'est d'ailleurs à ça que s'engagent les sages-femmes accompagnant des naissances en MdN : transférer en cours de grossesse en cas de pépin... pour que la qualité des soins prodigués aux femmes et aux bébés soit toujours adaptée...
Que dire de plus, sinon que c'est épuisant d'avoir le sentiment de se battre contre des Moulins à Vents... J'ai collé l'étiquette "Groupe Radical des Excitées de la Naissance Naturelle" sur mon groupe de Déchaînées par sens de l'autodérision... En France, on ne peut pas parler d'accouchement hors structure hospitalière sans se voir affubler de l'étiquette "extrémiste de la naissance naturelle". J'ai simplement précédé mes détracteurs, leur enlevant ce plaisir... Mais je souhaiterais réellement que les choses évoluent, pour que TOUTES les femmes aient le choix ; un VRAI choix, composé d'offres diverses, adaptées à leurs attentes et à leurs besoin.
C'est POSSIBLE. Certains de nos voisins européens l'ont fait depuis longtemps. En France, nous restons frileux... Misant tout sur une sécurité qu'on ne veut conférée que par le milieu hospitalier. C'est une erreur, regrettable, car elle se joue sur le dos des femmes qui ne partagent pas ce point de vue et qu'on continue désespérément à traiter comme des petites filles capricieuses, irréfléchies et irresponsables...
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