Mes arguments rejoignent ceux de Jacqueline Fraysse.
L'article 40 instaure un OVNI juridique quelque peu surprenant : en effet, alors que nous avons fermé de nombreuses maternités – nous assumons ce choix –, il nous propose la création d'ersatz de structures destinées à pratiquer des accouchements considérés comme normaux avant même qu'ils aient eu lieu, ce qu'il est difficile de valider.
Depuis des années nous travaillons sur la sécurité de la mère et de l'enfant : alors que nous avons instauré des normes très précises en la matière, le texte nous propose de revenir en arrière. Je ne suis pas certain que les résultats de la France en termes de morbidité et de mortalité maternelles et foetales nous autorisent à prendre des risques supplémentaires.
De plus, l'article 40 déroge à la loi dite « HPST » sur le rôle des directeurs d'agences régionales de santé ainsi qu'aux règles financières.
Ces maisons de naissance, qui ne seront pas des établissements de santé, auront toutefois droit aux missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation. Par ailleurs, elles devront travailler seules tout en étant adossées à un établissement de santé : j'ai, je vous l'avoue, d'autant plus de mal à suivre le dispositif que le gain financier s'élèvera au maximum à 350 000 euros par an, chiffre que le premier accident maternel fera exploser.
Ces « maternités bobo » nous paraissent un OVNI juridique et une aberration médicale. Elles sont d'une grande inutilité financière. Sur le plan scientifique, le rapport bénéfices-risques nous semble particulièrement défavorable.
Le 24/10/2010 à 21:21, pluchette a dit :
merci Sélina de si bien écrire ce que beaucoup pensent...
pour ma part, je ne jouerai plus ma santé et celle de mes enfants à la loterie de la prise en charge médico-légale...
Le 28/10/2010 à 10:08, Sylvie Sergent (Educatrice spécialisée) a dit :
Merci Sélina d'avoir pris le temps de répondre avec les arguments que tant de femmes aimeraient faire entendre!
Mr Lefranc, une "bobo" qui gagne 1600€ par mois vous salue bien!
Le 24/10/2010 à 02:25, Selina Kyle (Fondatrice du GRENN) a dit :
Monsieur Lefrand,
Vous parlez de retour en arrière, en évoquant la fermeture des petites maternités (vous auriez aussi pu évoquer les anciennes cliniques de sages-femmes, fermées en 1972).
Les Maisons de Naissance ne sont pas de petites maternités. Une particularité fondamentale réside dans le suivi en accompagnement global (une femme, une sage-femme, du début de la grossesse, en passant par l'accouchement, et pour les suites de couches). Les compétences des sages-femmes leur permettent de réévaluer chaque mois l'Etat de santé de la femme et de son bébé pour s'assurer que ce choix est toujours opportun. En outre, il concerne des femmes volontaires, pour lesquelles l'accouchement en structure hospitalière est anxiogène. Cela ne signifie pas qu'elles rejettent l'intervention de la médecine (sinon, elles ne feraient pas appel aux professionnelles de santé que sont les sages-femmes...). Simplement qu'elles veulent mettre leur enfant au monde là où elles se sentent le plus en sécurité ! Et cela, dans la mesure où rien ne vient s'y opposer sur le plan médical. Les Maisons de Naissance s'apparentent davantage à l'accouchement à domicile (avec proximité d'une maternité partenaire). Partout où elles existent, elles font partie de l'offre de soins extra-hospitaliers et y ont fait leurs preuves (moins de complications - même hémorragiques ! même infectieuses ! et haut degré de satisfaction des femmes). Voici une étude récente établissant que l'accouchement à domicile est aussi sûr à la maison qu'à l'hôpital, pour des femmes volontaires et en bonne santé. En outre, vous y constaterez que les complications sont plus importantes à l'hôpital (avec les mêmes sages-femmes qui ont accompagné les aad, et encore plus quand l'accouchement est supervisé par un médecin !. http://www.cmaj.ca/cgi/content/full/181/6-7/377)
Ca pose toute la question de l'adaptation des interventions médicales à l'état de santé d'une femme et de son bébé... En outre, le fait que les parturientes soient déterminées, hautement désireuses de mettre leur bébé au monde de cette manière, influe certainement beaucoup sur les résultats... Un accouchement, ce n'est pas juste une question de mécanique. En Allemagne, il en existe 130 (!)Voyez donc les résultats http://portail.naissance.asso.fr/StatistiquesHorsHopitalAllemagne
Ce n'est pas tant une question de sécurité que d'approche idéologique... On peut se battre longtemps à coups d'études montrant tantôt un risque légèrement plus élevé, tantôt identique, tantôt légèrement minoré, chacun arguant que l'étude avancée par le voisin est biaisée... A quoi bon ? Je conseillerais aux députés de tenir compte d'un élément qui me paraît primordial : on a des femmes, en France, qui souhaitent accoucher hors structure hospitalière (en maisons de naissance ou à domicile). Si on ne répond pas à leur demande d'accompagnement médical dans ce cadre, elles accoucheront seules (certaines le font déjà !). Est-ce préférable ? C'est ce que nous avons mis en valeur dans notre Manifeste en faveur du droit à l'accouchement à domicile accompagne par une sage-femme. Plus de 3000 signatures et 640 soutiens... http://dechainees.cluster1.easy-hebergement.net/index.php?page=q0f
Est-il sage de faire l'autruche en ignorant cette réalité ? Est-il respectueux de ne pas entendre la supplique des femmes qui réclament les Maisons de Naissance haut et fort depuis presque 30 ans ? N'est-ce pas gênant de les voir accoucher en Belgique ou en Allemagne dans ces mêmes structures et de les obliger à batailler sec avec la sécurité sociale pour le remboursement, alors que ce dernier est 3 à 4 fois moins cher qu'en maternité ? Pourtant ces femmes ont cotisé à l'assurance maternité, comme les autres citoyennes...
Ce n'est pas l'hôpital pour toutes qui a permis d'améliorer les résultats en termes de mortalité et morbidité maternelle et périnatale, c'est avant tout un meilleur suivi de grossesse, une meilleure santé, de meilleures conditions de vie. Et il ne s'agit pas d'envoyer toutes les femmes accoucher en Maisons de Naissance, mais de répondre à la requête d'une minorité (grandissante) de femmes en parfaite santé !
Et quoi qu'il en soit, je suggère qu'on envisage ces femmes, désireuses d'accoucher en Maisons de Naissance, comme des adultes responsables de leurs choix, tout aussi soucieuses que le corps médical et les personnalités politiques, sinon plus, de leur été de santé et de celui de leur enfant...
Il ne s'agit pas de faire des économies, mais bien de répondre aux souhaits des citoyennes ! Nos voisins européens ne sont pas fous, pas plus que nos sages-femmes ne sont des sorcières qui rappliquent auprès de leurs patientes avec des amulettes, en usant d'incantations à Mère Nature si ça tourne au vinaigre...
Quand à la qualification de maternité "bobo", elles est une insulte aux femmes des classes populaires qui souhaitent accoucher en Maison de Naissance. Eudes Geisler, actuellement en procès avec la CPAM de Metz pour le remboursement de deux accouchements en Maison de Naissance allemande, ne travaille pas et son mari est ouvrier !
C'est par ailleurs une insulte aux femmes dites "bobos" qui sont stigmatisées, présentées comme des gamines capricieuses et irréfléchies...
Toutes les femmes qui font le choix de l'aad en France, le font de manière profondément réfléchie. Elles sont accompagnées par des sages-femmes hautement qualifiées (à qui il est impossible d'être assurées, quelle honte que personne ne s'en soucie chez les politiciens !). Celles qui optent pour la Maison de Naissance à l'étranger sont dans la même démarche. Et aujourd'hui, dans les deux cas, quand elles parviennent à concrétiser leur projet, elles le paient très cher ! Non pas de leur santé ni de celle de leur bébé, non, de leur portefeuille, Monsieur le Député ! Ce sont des sous-citoyennes pour la classe politique, "bobo" ou pas ! La couverture maternité de rembourse pas leurs soins comme ceux des autres femmes, même s'ils sont largement moins coûteux pour la collectivité...
Il s'agirait, avec les Maisons de Naissance, d'assouplir le système, d'élargir l'offre de soins, tout en veillant à une bonne collaboration avec les équipes hospitalières, dans le respect des compétences et des choix de chacun.
Ne me dites pas que la France est incapable de faire aussi bien que ses voisins européens, pour ce qui est de la réponse aux attentes des citoyennes concernant la qualité de leur suivi de grossesse et de leur accouchement (Allemagne, Autriche, Belgique, Suisse...). Les femmes ne sont pas des utérus sur pattes... Elles ont une histoire, une culture, une vision de l'existence, des désirs et une sensibilité qui leur son propres. C'est tout ça qu'il faut pouvoir considérer, plutôt que des histoires de statistiques ou d'économies de bouts de chandelle... Nous avons des sages-femmes libérales ultra compétentes désireuses de les accompagner sur cette voie de l'expérimentation des Maisons de Naissance. Qu'attendons nous pour leur en donner l'opportunité ?
Il faut OSER, Monsieur le Député, OSER renverser les préjugés, OSER mettre ses convictions personnelles au placard pour satisfaire les attentes légitimes des femmes qui ne pensent pas comme vous ! Car la liberté, pour les femmes, c'est d'avoir le Choix ! Vous n'accoucherez jamais et personne ne forcera jamais une femme à mettre son enfant au monde dans une Maison de Naissance. Alors qu'on cesse de vouloir contraindre les femmes qui ne le souhaitent pas à aller donner naissance à l'hôpital...
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui