Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 20 octobre 2010 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Bignon, président du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres :

Concernant l'extension des ports de plaisance, le Conservatoire du littoral ne dispose d'aucune compétence particulière : il ne s'intéresse qu'à des espaces naturels côtiers ou lacustres pour leur préservation, ce qui exclut l'édification d'infrastructures portuaires. La difficulté soulevée par Pierre Lang découle à mon sens de certaines dispositions de la loi littoral, qui empêchent l'extension des cales à sec dans les ports existants.

Catherine Quéré m'a interrogé sur les limites géographiques de la zone d'intervention du Conservatoire. En principe, celui-ci n'agit que sur terre, mais la loi de développement des territoires ruraux du 23 février 2005 a étendu cette compétence au domaine public maritime. Cela lui permet par exemple d'intervenir pour la sauvegarde des mangroves, où se rencontrent la terre et la mer, et qui sont essentielles pour la préservation des écosystème ultramarins. Cependant, si la zone visée est exclusivement maritime, elle relève de l'Agence des aires marines protégées (AAMP) que je préside également. Cet établissement public s'intéresse notamment aux récifs coralliens et il participe à l'Initiative française en la matière (IFRECOR). Je vous rappelle que la France dispose de 11 millions de km2 d'espaces maritimes, soit 10 % de l'ensemble des récifs coralliens dans le monde. Il nous revient donc une responsabilité particulière, car ces récifs constituent des écosystèmes extraordinairement productifs qui assurent la fourniture de quasiment toute la matière organique de base consommée ensuite par les poissons. Nous travaillons d'ailleurs, dans le Pacifique, à la création d'un Conservatoire du littoral et des aires marines protégées en Polynésie.

Pour répondre à la question de Fabienne Labrette-Ménager sur la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS), il s'agit d'un outil fiscal que les collectivités littorales utilisent notamment pour financer la gestion d'espaces acquis par le Conservatoire. Celui-ci est un bénéficiaire important de cette taxe sur le bâti qui présente l'avantage d'être une recette affectée.

Maxime Bono m'a interrogé sur la dépoldérisation et plus généralement sur les conséquences du réchauffement climatique sur le trait de côte. Les terrains acquis par le Conservatoire sont touchés, notamment en ce qui concerne la biodiversité propre à ces espaces, et nous sommes naturellement également attentifs aux parcelles contiguës. Pour cette raison, nous sommes susceptibles d'intervenir pour la construction de digues ou d'ouvrages de protection contre la montée des eaux. Nous restons vigilants et nous nous adaptons au cas par cas, sans dogmatisme, ainsi que je l'avais expliqué lorsque la mission d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia m'avait auditionné.

Jacques le Nay m'a demandé si le Conservatoire était associé à la rédaction des plans locaux d'urbanisme (PLU). Nous ne le sommes probablement pas suffisamment, mais c'est d'abord une question de moyens. Dans les communes littorales, les maires restent très sensibles à notre intervention car elle leur permet de répondre à la pression foncière. Le rôle de médiation des délégués du Conservatoire, lorsqu'ils réfléchissent avec ces élus locaux à leur urbanisme, qu'il s'agisse de PLU ou de schémas de cohérence territoriale (SCOT), me paraît irremplaçable, notamment dans la définition des zones de préemption. Leur expertise peut être sollicitée par un maire. Il leur revient également d'alerter les élus de zones dans lesquelles ils ont identifié des pressions répétées, qui peuvent leur avoir été signalées par les directions des territoires et de la mer (DDTM).

Catherine Quéré m'a interrogé sur notre politique en direction des jeunes agriculteurs. Nous favorisons naturellement leur installation sur les espaces à vocation agricole que nous détenons, en dialoguant avec les chambres d'agriculture qui ont reçu cette compétence nouvelle de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010. Nos conventions – car nous ne pouvons conclure de baux ruraux qui seraient incompatibles avec le régime juridique du domaine public maritime – offrent des garanties équivalentes à ceux-ci et elles sont naturellement renouvelables. Lorsqu'un agriculteur signataire d'une telle convention part à la retraite et qu'il souhaite transmettre son exploitation, le Conservatoire accepte d'en modifier le bénéficiaire sous réserve que toutes les clauses de la convention aient été respectées. J'en profite pour préciser que, comme nous avons rencontré les représentants de la FNSEA, nous sommes disposés à rencontrer les délégués d'autres syndicats agricoles.

M. Jean-Pierre Marcon, les sentiers du littoral ou sentiers douaniers constituent une très belle réalisation, mais le Conservatoire ne peut assurer leur continuité que lorsqu'il est propriétaire des terrains sur lesquels ils se situent. Lorsqu'il ne l'est pas, cette préservation dépend de l'efficacité des représentants de l'Etat, qu'il s'agisse du préfet ou du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Je constate cependant que les services de l'Etat ne disposent ni de l'expérience ni la stabilité des délégués du Conservatoire, dont la pratique de la concertation reste à mon sens inégalée grâce à leur connaissance du milieu.

S'agissant de la question de Bernard Lesterlin sur les cinquante pas géométriques outre-mer, nous avons transposé ce qui avait été fait pour le domaine public maritime, notamment avec les différentes agences sur place. Nous avons sur cette question quinze ans de retard : la délégation du Conservatoire pour l'outre-mer n'a vu le jour qu'en 1996 et les collectivités ultramarines avaient à l'origine un intérêt limité pour nos activités. Aujourd'hui, nous assistons a contrario à un véritable engouement : les conseils de rivage des Caraïbes et de l'Océan indien sont extraordinairement vivants et les élus se passionnent pour la protection des espaces naturels, dont ils ont bien perçu le caractère stratégique pour la préservation de la biodiversité.

Concernant le service civique, j'ai personnellement pris contact avec Martin Hirsch à la prise de ses fonctions de président de l'Agence du service civique. Le Conservatoire comme l'AAMP ont fait acte de candidature. Mais le fait que nous ne soyons pas gestionnaires obère nos possibilités de recrutement, l'essentiel des effectifs pouvant être accueilli au sein des collectivités territoriales, soit directement, soit via le corps des gardes du littoral.

A la question, posée par Didier Gonzales, de savoir si le Conservatoire peut intervenir sur des espaces naturels reconnus en zone urbaine, la réponse est négative. Le Conservatoire n'a ni les moyens ni la compétence pour ce faire. C'est un problème qui pourrait trouver sa solution dans la création d'une agence de la nature qui s'occuperait de ce qu'on pourrait appeler la « biodiversité ordinaire ».

Jean-Luc Pérat m'a interrogé sur les wateringues que la délégation du Conservatoire pour le Nord-Pas-de-Calais connaît en deux lieux : la moyenne vallée de la Somme et le parc de l'Audomarois. Sur le littoral, nous agissons, lorsque nous sommes propriétaires, en concertation avec le syndicat de gestion des eaux. Il faut avoir conscience que l'eau peut, en cas de tempête ou de montée brutale, couvrir une zone allant de Dunkerque à Saint-Omer : le réseau hydrographique est à la fois ancien et fragile, car il se trouve sous le niveau de la mer.

La préemption, pour répondre à François Grosdidier, est une question que nous traitons quotidiennement. Lorsque la vente d'un bien immobilier est envisagée dans une zone de préemption, le notaire doit notifier la déclaration d'intention d'aliéner au Conservatoire qui en assure le traitement. Si le Conservatoire décide d'acquérir la parcelle, et c'est une décision que nous prenons en concertation avec la commune, le département ou la SAFER, nous le faisons en mobilisant notre budget propre. Il nous arrive parfois, lorsque celui-ci se révèle insuffisant pour réaliser l'acquisition, de bénéficier du portage de la collectivité concernée que nous remboursons ensuite. Le Conservatoire collabore de façon extraordinairement partenariale avec l'ensemble des collectivités locales concernées par son action, car nous avons tous la certitude d'oeuvrer à la préservation d'un patrimoine partagé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion