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Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 30 juillet 2007 à 21h30
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui est porteur d'une exigence essentielle d'équilibre. Ses dispositions touchent en effet au respect des principes de notre constitution, des droits des voyageurs et des droits des salariés. Or il est évident que la posture consistant à privilégier l'un de ces trois points de vue – celui du droit, celui des voyageurs ou celui des salariés – conduit à la stricte immobilité, interdisant de trouver une solution à un problème réel rencontré par de nombreux Français : comment concilier la continuité des services de transports et la préservation du droit de grève ? Je tenterai d'apporter trois éléments de réflexion à notre débat.

Premièrement, personne ne conteste la nécessité de renforcer les programmes d'investissement, afin d'améliorer la fiabilité et le confort des installations et des matériels de transport. De la même manière, nul ne méconnaît la baisse notable du « taux de conflictualité » en raison des progrès du dialogue social entre les partenaires, ce dont chacun doit se féliciter. Il n'en reste pas moins que des milliers de personnes voient leur vie affreusement compliquée par les arrêts de travail tant nationaux que locaux.

Je crois par ailleurs utile de rappeler que la manière dont le taux de conflictualité est aujourd'hui déterminé ne permet pas de mesurer avec précision la réalité et l'impact de ces arrêts de travail dans les transports. En effet, ce taux est aujourd'hui calculé en rapportant le nombre de jours non travaillés à l'ensemble des effectifs d'une entreprise. Or l'organisation même de ces entreprises est telle que quelques personnes décidées à contrecarrer l'activité normale sont en mesure de procurer une gêne maximale à des milliers, voire à des dizaines de milliers d'usagers, sur la vie quotidienne desquels nous devons faire porter toute notre attention.

Le rapport du conseiller d'État Mendelkern souligne l'extrême difficulté qu'il y a à mesurer précisément cet impact. Comment quantifier le nombre d'heures perdues par les usagers dans le cadre de grèves, notamment par l'emprunt de trajets de substitution ? Que valent précisément les perturbations qui empêchent les candidats de se rendre à leurs examens, ce qui peut obliger l'éducation nationale à organiser d'autres épreuves ? Peut-on chiffrer précisément la gêne rencontrée par des parents contraints de prolonger le temps de garde de leurs enfants et le coût qui peut en résulter pour les collectivités locales ? Il est certainement compliqué d'avoir une approche précise et quantifiée de cette réalité mais apprécier l'ampleur des grèves sans les mesurer seulement au taux de conflictualité permettrait sans doute de mieux saisir la réalité des arrêts de travail dans les transports, c'est-à-dire leur impact sur les usagers et leurs familles. Il faut donc trouver le moyen de faire entrer la gêne des usagers et sa mesure dans les indicateurs servant de base aux discussions. Ce travail de recherche de l'efficacité réelle, qui constituerait un progrès indéniable en matière de services de transports, serait particulièrement utile au moment où nous cherchons à réformer les politiques publiques.

Deuxièmement, les plans de desserte prioritaire constituent une avancée réelle pour un plus grand respect des usagers. Préparés en concertation avec les salariés, les entreprises et les autorités organisatrices de transports, ils permettent de répondre à la double exigence évoquée par le rapport Mendelkern : favoriser la concertation interne et conduire par la loi les différents acteurs à répondre aux besoins essentiels des usagers tout en respectant scrupuleusement à la fois le droit de grève et la nécessité pratique d'informer les usagers. Le texte du Gouvernement, amendé par le Sénat, est conforme à ces exigences.

Lors de nos travaux en commission spéciale, un débat a surgi autour du délai fixé au 1er janvier 2008, jugé trop court par les uns, suffisant pour les autres. Après avoir entendu les différents partenaires, il me semble que trois situations se dessinent. Les grandes entreprises publiques ne paraissent pas gênées par ce délai : la SNCF et la RATP déclarent même être largement prêtes à se conformer au texte. Les grands opérateurs privés ont, pour leur part, une organisation qui leur permet de connaître avec précision les priorités de leur service. Quant aux petites entreprises, leurs représentants nous ont indiqué que la qualité du dialogue social au sein de leurs organisations permettrait sans doute de respecter le délai imparti. Rien ne s'oppose donc à ce que le délai du 1er janvier 2008 soit respecté, d'autant plus que le décret en Conseil d'État, applicable en l'absence de plan de desserte suffisant, conservera une portée inférieure à l'accord passé dans lesdites entreprises.

Enfin, le délai de quarante-huit heures que les salariés doivent respecter pour signaler, avant la grève, leur intention d'y participer, représente également un point essentiel du texte. Ce délai – je conclus, monsieur le président – n'est pas attentatoire au droit de grève, pour deux types de raisons. Les premières ont été largement exposées par le ministre, par le président de la commission spéciale et par le rapporteur, je n'y reviens pas. Quant aux secondes, elles tiennent à l'esprit même du projet qui vise à mettre au centre du dialogue social les clients des services de transport, qui doivent être informés, capables de s'organiser, et capables de continuer à vivre et à travailler aussi normalement que possible, quelles que soient les circonstances. Cette préoccupation constituera sans doute l'élément central de nos prochains débats. Cela justifie sans doute également le premier pas que réalise ce texte ; premier pas qui, monsieur le ministre, en appelle évidemment d'autres que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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