Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Régis Juanico et l'ensemble du groupe socialiste pose des principes simples visant à améliorer la transparence des financements de la vie politique.
L'actualité politique de l'été dernier, alimentée par le scandale de l'évasion fiscale organisée par l'entourage d'une des plus grandes fortunes de France, a mis en lumière un véritable contournement de la réglementation en matière de financement de la vie politique.
Plusieurs textes avaient contribué à améliorer les conditions de financement de la vie politique, notamment les lois adoptées à l'initiative de notre collègue Michel Sapin, qui mettaient fin au financement des formations politiques par les personnes morales, en particulier par les entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, il apparaît clairement que le dispositif en vigueur doit être complété. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a souligné à plusieurs reprises ce détournement de l'esprit de la loi qui plafonne à 7 500 euros par an et par parti le don des particuliers, sans limiter le plafond global de don de chaque contribuable.
Ainsi, la faculté pour une même personne de donner plus de 7 500 euros par an en finançant différents partis politiques a des effets pervers. Elle contribue notamment à favoriser la création de micropartis. Le nombre de formations politiques enregistrées à la commission de contrôle est d'ailleurs passé en vingt ans de 28 à 296 ; depuis 2009, ce ne sont pas moins de quarante micropartis qui ont été créés.
Ces micropartis, ou partis de circonstance, peuvent être d'au moins deux types : d'abord, les micropartis « satellites », qui reversent les sommes recueillies au parti central et permettent ainsi à un même parti de percevoir indirectement de la même personne un montant supérieur à celui du plafond autorisé ; ensuite, les micropartis « prétextes », ou partis de poche, qui ont simplement pour vocation de recueillir des fonds pour financer une campagne ou l'activité politique d'un élu.
Face à ce détournement de l'esprit de la loi, nous avons le devoir de réagir, car l'image de la politique est déjà largement dégradée et souffre du lien trop souvent fait entre politique et argent, et plus particulièrement des rapports qu'entretient aujourd'hui une partie de la classe politique avec les grandes fortunes de notre pays. Trop souvent domine le sentiment qu'il suffit de payer pour avoir, de soutenir pour être servi et de financer pour pouvoir être entendu du pouvoir.
Face à cela, nous avons déposé cette proposition de loi, discutée le 14 octobre dernier lors d'une séance dite « d'initiative parlementaire », au cours de laquelle, comme à l'accoutumée, le Gouvernement a fait jouer le règlement de notre assemblée pour nous empêcher de débattre pleinement, préférant renvoyer le vote à aujourd'hui afin de garantir sa majorité, méthode qui illustre bien le grand écart entre les discours sur les droits du Parlement et la réalité, faite de mépris envers notre Assemblée.
Au cours de la séance du 14 octobre, nous avons fait trois propositions. La première vise à plafonner à 7 500 euros par an les dons d'un même contribuable, tout en le laissant libre de donner à autant de partis qu'il le souhaite dans cette limite ; la deuxième consiste à clarifier le statut et la nature des dons et des cotisations ; la troisième, modifiée après les auditions par un amendement du rapporteur, rend obligatoire la transmission des noms des plus gros donateurs à la commission de contrôle.
Par ailleurs, nous avons fait un certain nombre de propositions techniques améliorant des textes existants, sur les questions de rattachement des parlementaires, sur les dates et les modalités de dépôt des comptes de campagne.
Au cours des auditions que nous avons menées, tous les trésoriers des partis politiques représentés dans notre hémicycle nous ont dit être plutôt favorables à nos propositions. Seule voix discordante, une déclaration à la presse du trésorier de l'UMP, le 6 octobre dernier, qui se prononçait pour un déplafonnement total des dons autorisés.
Nous avons par ailleurs connaissance des travaux menés par le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, et notre collègue Étienne Blanc. Nous savons, et c'est par là que je veux conclure, que certaines des propositions que nous défendons sont identiques à celles qu'ils ont préconisées dans leur rapport. Cependant, le projet de loi inspiré de ces travaux nous semble oublié, sinon enterré. Et rien n'est inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.
C'est pour cette raison notamment que nous avons déposé et défendu devant vous cette proposition de loi. Nous vous proposons de faire un pas de plus, de franchir une étape pour améliorer la situation en attendant ce projet si souvent évoqué par le ministre pour ne pas donner suite à nos demandes.
Ce vote est un vote important, car il témoignera aussi, aux yeux de nos concitoyens, de notre volonté de clarifier les règles de financement de la vie politique, d'y introduire de l'éthique et de remédier à ce détournement du système en vigueur.
Cette nouvelle étape ne nous exonère pas de continuer le travail sur l'ensemble des propositions et des sujets évoqués au cours du débat. Bien au contraire, elle doit être vue comme un nouvel élan vers un système de financement plus conforme aux attentes de nos concitoyens.
C'est pour cela, comme l'a fait à plusieurs reprises le rapporteur Régis Juanico, que j'appelle l'ensemble de nos collègues à dépasser les clivages partisans et les consignes de vote qui conduiraient à un statu quo insupportable, pour voter l'adoption de notre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)