Exactement : elle variera en fonction du lien qui peut être établi entre les deux. Le problème, c'est que, si l'on ne veut pas être exposé à un risque trop important, il faut être certain qu'il existe un lien stable, ce qui n'est pas nécessairement le cas !
On s'est demandé si des positions prises sur le marché des CDS avaient été utilisées pour influer sur le prix des titres grecs. Pour l'heure, il est impossible d'établir avec certitude que le marché a été manipulé en défaveur de la Grèce – je crois d'ailleurs que cela vous a été confirmé par le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF). En revanche, les deux marchés sont liés, d'autant plus que le marché de la dette grecque est peu liquide : les investisseurs qui détiennent de la dette grecque échangent relativement peu de titres, et le niveau des prix peut être influencé par un mouvement relativement faible. L'en-cours notionnel brut des CDS sur l'État grec est actuellement d'environ 79 milliards de dollars et l'en-cours négociable de la dette grecque de quelque 276 milliards de dollars : le rapport entre les deux montants est tel qu'un mouvement sur le marché des CDS – plus facile à déclencher qu'un mouvement sur le marché des taux lorsque des montants importants sont en jeu – influence directement le marché de la dette concernée.
Le phénomène se renforce si le marché de la dette n'est pas liquide : certains investisseurs devenant attentistes, les volumes échangés sur le marché se réduisent et l'on peut modifier encore plus rapidement les prix et les taux. Il est avéré que le marché des CDS peut alors dominer celui des titres. Dans le cas grec, même s'il n'y a pas de « smoking gun », c'est-à-dire de preuve tangible, on ne peut exclure que certains investisseurs aient tenté d'en tirer avantage, en vendant à découvert des titres d'État et en achetant massivement des CDS, de manière à rendre le marché favorable aux positions courtes, mais défavorable à l'émetteur.
Pour les pays dont la dette est très liquide, comme la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis, la situation est différente. L'en-cours notionnel brut de CDS sur l'émetteur France est de 67 milliards de dollars, pour un en-cours total de titres négociables de près de 1 600 milliards de dollars. Dans ce cas, le marché des CDS suit celui de la dette, bien plus profond et massif.
Tous ces éléments me conduisent à répéter que ces marchés doivent être encadrés et surveillés de près. En particulier, les liens entre le marché de la dette et ceux des instruments dérivés doivent faire l'objet d'une attention soutenue. Il faut veiller à ce que les régulateurs disposent de moyens suffisants pour lutter contre d'éventuelles manipulations du marché de la dette, que ce soit par des ventes à découvert de titres d'État dans un marché peu liquide ou par la manipulation de celui-ci via le marché des CDS.