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Intervention de général d'armée aérienne Jean-Paul Paloméros

Réunion du 13 octobre 2010 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général d'armée aérienne Jean-Paul Paloméros :

Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le président Guy Teissier, d'avoir organisé les récentes universités d'été de la défense, où j'ai été particulièrement heureux de vous accueillir au sein de l'armée de l'air.

Je puis témoigner que les personnels ont beaucoup apprécié vos marques d'intérêt. Il est très important pour eux de savoir que les élus sont à leurs côtés et les comprennent. C'est également le sens des stages d'immersion dont certains d'entre vous ont souhaité bénéficier.

Vous l'avez vu, la variété de nos missions et de nos engagements souligne la cohérence capacitaire et le niveau d'adaptation de l'armée de l'air pour l'ensemble des missions auxquelles elle est confrontée, que ce soit dans le ciel métropolitain, dans les DOM-COM, en Haïti, en Afghanistan ou encore en Afrique.

Ces missions, ces engagements, reposent d'abord sur des compétences, des expertises rares, de femmes et d'hommes dont plus d'un millier sont en alerte permanente en métropole, de jour ou de nuit, tous les jours de l'année. Plus de 3 500 personnels sont déployés à travers le monde, avec 80 avions et hélicoptères, dont 30 chasseurs.

Je vous remercie de l'honneur que vous leur avez fait et qu'ils méritent. Ils y ont été très sensibles.

L'an passé, à l'occasion de ma première audition devant cette commission, je vous avais présenté dans le détail nos différentes missions. Celles-ci n'ont pas changé et l'armée de l'air reste impliquée dans toutes les fonctions stratégiques définies dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Cette année, j'aimerais vous brosser un état synthétique de la réforme au sein de l'armée de l'air, sur le plan des effectifs, d'un point de vue quantitatif comme qualitatif, du soutien et de sa réforme, ainsi que du maintien en condition opérationnelle (MCO), avant d'aborder en contrepoint l'état de sa modernisation.

Depuis notre dernière rencontre, l'armée de l'air a poursuivi, sans faiblir, sur la voie d'une réforme difficile. Tout comme en 2009, du point de vue des effectifs, des soutiens communs et de la fermeture de nos bases aériennes, les objectifs qui nous avaient été assignés pour 2010 seront atteints.

Je débuterai avec les femmes et les hommes de l'armée de l'air qui constituent ma priorité. Ce sont eux qui vivent, animent, subissent parfois la réforme. Dans leur grande majorité, ils la comprennent mais en attendent des résultats concrets en matière de modernisation et d'amélioration de leur outil ainsi que de leurs conditions de travail.

En termes quantitatifs, la conjugaison des efforts de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et des choix du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a abouti pour la période de la loi de programmation militaire (LPM) à un objectif de réduction de 15 900 emplois pour l'armée de l'air, dont 75 % dans le domaine du soutien, tout en créant, par ailleurs, des postes extérieurs à l'armée de l'air, au sein de structures interarmées ou de l'OTAN. Nous y avons déjà inséré 150 officiers et sous-officiers et ils seront 44 de plus en 2011. En somme, nous conduisons une réforme lourde qui pèse sur nos effectifs, tout en répondant aux demandes légitimes qui nous sont adressées.

La réduction de 25 % en six ans du format de l'armée de l'air est un mouvement complexe, notamment pour la gestion des compétences. En 2009, 2 210 postes ont été supprimés, 2 235 l'auront été en 2010. Nous terminerons cette année avec une masse salariale à l'équilibre et conforme aux prévisions.

Le projet de loi de finances prévoit 2 139 réductions de postes, et le budget prévu sur le titre II semble cohérent avec la politique que nous souhaitons mener : un savant équilibre entre cette réduction rapide de nos effectifs, les mesures d'incitation et d'accompagnement à la reconversion, mais aussi et surtout un flux de recrutement qui reste nécessaire pour ne pas obérer l'avenir et que je situe aux alentours de 1 900 personnels.

Dans une logique de maintien des compétences, c'est ainsi près de 4 000 départs et quelque 5 000 mutations géographiques qu'il nous faut gérer annuellement.

L'effort consenti par l'armée de l'air est considérable. En termes comptables, le cumul des économies réalisées depuis deux ans et demi grâce à cette déflation est d'environ 210 millions d'euros. Les gains sont donc là. Mais, en contrepartie, les personnels attendent une amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

Je soulignais à l'instant que 75 % de nos réductions d'emploi portent sur le soutien. Elles s'articulent principalement autour de la fermeture de bases aériennes, mais aussi de la mutualisation interarmées ou de l'externalisation.

La fermeture de huit bases aériennes majeures d'ici à 2012 constitue en effet une des composantes les plus emblématiques du plan de restructuration de l'armée de l'air. Elle est pour l'heure respectée : Toulouse en 2009, Colmar cette année avec un transfert réussi de structures au profit de l'armée de terre, Reims et Taverny l'an prochain, puis Metz, Nice, Brétigny et Cambrai en 2012. Il reste beaucoup à faire, et nous devons veiller à ce que personne ne reste au bord de la route.

Au-delà de la difficulté à rompre les liens économiques et historiques évidents qui unissaient ces emprises aux collectivités territoriales, les fermetures de sites sont des opérations délicates, techniquement, réglementairement et humainement. Il faut le reconnaître, avant de générer des économies, la mise en oeuvre de la réforme se caractérise d'abord par des surcoûts.

Ainsi, les dépenses supplémentaires occasionnées par la fermeture d'une base aérienne sont évaluées à trois millions d'euros ; liées au transfert d'unités pérennes vers d'autres sites, ou aux aides à la mobilité et à la reconversion. Le projet de loi finances pour 2011 devrait nous permettre de poursuivre cette politique.

Par ailleurs, les opérations d'infrastructure indispensables aux restructurations ainsi que les travaux liés à la modernisation des forces obèrent fortement les ressources globales disponibles, notamment celles consacrées au maintien en condition des infrastructures.

Si ces crédits sont transférés du budget opérationnel de programme (BOP) de l'armée de l'air vers le programme 212, leur compression n'en aura pas moins d'impact pour l'armée de l'air, notamment sur les conditions de vie et de travail du personnel.

À cet égard, je ne peux que souligner cette année encore le déficit de financement, préjudiciable à la maintenance des installations opérationnelles et de vie courante, telles que le chauffage ou l'étanchéité, qui accélère le sentiment de paupérisation des bases aériennes.

Alors que ces besoins annuels sont estimés à 175 millions d'euros, la ressource financière attendue sera de 141 millions d'euros en 2011 et 84 millions d'euros en 2012. Cette dégradation n'est pas conforme aux attendus de la réforme et contribue à fragiliser le moral du personnel.

Enfin, au titre des soutiens communs, les externalisations en cours de validation sur les bases aériennes de Saintes et de Grenoble serviront de modèle à l'élargissement de ces expérimentations aux domaines du gardiennage et de la fonction restauration-hôtellerie. À Creil, c'est un programme plus ambitieux d'externalisation multiservices qui est mené.

Les premières analyses des résultats nous montrent que nous devrons être vigilants, quant aux gains réels et à l'impact sur les capacités opérationnelles. Il faut étudier les premiers retours d'expérience sans parti pris et tenir un discours clair vis-à-vis des personnels sur leurs perspectives.

Les moyens alloués pour 2011 au titre des réductions opérées sur les fonctions support intègrent la première annuité de la programmation budgétaire triennale pour la période 2011-2013, ainsi qu'une pression accentuée sur le fonctionnement courant, conséquence directe de la mise en oeuvre de la nouvelle politique de soutien des bases de défense.

Cela se traduira concrètement, pour la fonction support en 2011, par une diminution supplémentaire de 2 %, se cumulant aux 18 % de réduction depuis 2007.

Bien qu'indirecte, car transférée vers le BOP soutien, cette contrainte fait naître des risques sur la préparation opérationnelle, les conditions de vie et, finalement, le moral des aviateurs. Nos marges de manoeuvre sont d'autant plus ténues que notre plan de restructuration n'a pas encore produit ses effets et que son financement nécessite des moyens financiers. Il s'agit bien d'un transfert de charges, effectué vers un commandement interarmées encore en devenir.

J'en arrive au maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos équipements, qui constitue une priorité au coeur de la transformation.

Une priorité, d'abord, pour assurer toutes les missions qui nous sont confiées, telles que la défense aérienne de notre territoire, la mise en oeuvre de la composante aéroportée de la dissuasion, permanentes toutes les deux depuis 1964, ou les opérations dans lesquelles notre pays est engagé.

Une priorité, ensuite, pour garantir la préparation opérationnelle des forces aériennes, afin de remplir ces missions, en pérennisant nos expertises et notre savoir-faire, pour viser la meilleure disponibilité possible.

Une priorité, enfin, pour assurer la bonne gestion de nos flottes tout au long de leur vie. Et ce n'est pas une tâche aisée à planifier. Nos avions ravitailleurs approchent ainsi la cinquantaine, nos Transall suivent de près ; quel âge auront nos Airbus A310 ou, demain, nos Rafale lorsque nous aurons à les remplacer ?

Les résultats ne sont pas tout à fait au rendez-vous : on ne peut pas se satisfaire d'un taux de disponibilité oscillant selon les flottes entre 50 et 60 %. Vous le savez, notre priorité aujourd'hui est de maintenir celle de nos Transall, C130 et avions ravitailleurs.

Le MCO est un combat de tous les instants. Cependant, malgré la contraction du format des flottes de l'armée de l'air liée aux fermetures d'escadrons (deux cette année, cinq depuis 2008) et l'optimisation des processus de contractualisation pluriannuelle, la disponibilité des aéronefs stagne autour de 60 %, et ne devrait pas s'améliorer significativement en 2011. Et, je le souligne, les résultats que nous obtenons le sont déjà au prix d'un investissement hors norme de nos personnels.

Nous avons déploré cette année pour l'aviation de chasse une conjoncture particulièrement défavorable, liée principalement à la mise au standard de notre flotte Rafale, ainsi qu'aux problèmes sérieux rencontrés sur les moteurs de nos Mirage 2000, en bonne voie de résolution aujourd'hui.

La situation est très contrastée en termes d'activité, mais particulièrement pénalisante pour les plus jeunes pilotes qui, du fait de leur faible qualification, ne peuvent pas prendre part aux opérations extérieures.

Pour nos équipages de transport, la situation nous a obligés à réduire les objectifs inscrits dans le projet annuel de performance de 400 à 270 heures annuelles. Nous espérons les revoir progressivement à la hausse, en nous appuyant sur l'arrivée des CASA, à compter de septembre prochain, et des A400M à partir de 2013.

Par ailleurs, pour enrayer ce phénomène, nous avons pris des mesures afin d'optimiser notre organisation. Depuis les années 2000, nous avons ainsi réorganisé nos structures de maintenance de manière approfondie. Le service industriel de l'aéronautique (SIAé) intègre dorénavant l'ensemble des composantes Air, Terre et Marine, tandis que la structure intégrée de maintenance des matériels aéronautique de défense (SIMMAD) a vu son rôle d'acteur central de la maintenance aéronautique renforcé.

Le recentrage en région Aquitaine de ce pôle en 2012 nous permettra de calquer le regroupement mené par nos partenaires des industries aéronautiques et spatiales de défense, au sein du groupe Bordeaux Aquitaine Aéronautique & Spatial.

Le rapprochement des acteurs militaires et civils, sous forme de plateaux techniques, a permis, quant à lui, des gains significatifs.

La direction de la SIMMAD, resserrée, trouvera naturellement sa place au sein du nouveau ministère à Balard, auprès des états-majors et de la DGA. Elle pourra inspirer une politique de soutien ambitieuse, notamment pour les nouveaux équipements.

J'ajouterai qu'au titre de la gestion et de la mise en place délicate du système CHORUS, la SIMMAD ainsi que l'armée de l'air dans son ensemble ont su rattraper leur retard, et termineront l'année dans de bonnes conditions, en ayant liquidé la quasi-totalité des crédits provisionnés. Ce résultat est le fruit des efforts consentis par notre personnel pendant l'été.

La bataille quotidienne du MCO requiert d'autant plus mon attention qu'elle est indissociable de notre modernisation, processus qui est assurément la concrétisation de la réforme. Pour conclure ce chapitre relatif au MCO sur une note positive, je tiens à souligner que nous commençons à toucher les dividendes de nos efforts, mais que nous sommes au milieu du gué : nous ne pouvons, nous ne devons pas relâcher nos efforts dans ce domaine crucial.

Je souhaiterais aborder maintenant quelques points qu'il me paraît nécessaire de mettre en valeur.

Tout d'abord, la modernisation qui suit une direction maîtresse : la polyvalence de nos équipements. Avec l'objectif d'optimiser les investissements, les compétences et de tirer en permanence le meilleur parti des avions.

La polyvalence est le deuxième axe qui doit conduire le mouvement de rationalisation de la flotte et nous permettre de répondre aux différents types de menaces.

Il en va ainsi du Rafale, dans son standard F3, qui participe aujourd'hui à la permanence de notre dissuasion nucléaire à partir de Saint-Dizier, grâce au missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), Rafale que nous déployons en ce moment aux Émirats arabes unis, et qui devrait être envoyé pour la seconde fois en opération, sur le théâtre afghan, dans les mois qui viennent.

L'A400M, les futurs ravitailleurs ou encore les drones illustrent également tout l'intérêt des systèmes d'armes polyvalents. Cette qualité leur confère à la fois une souplesse qui garantit de pouvoir répondre à un scénario d'engagement pour lequel ils n'avaient pas été conçus initialement, ainsi qu'une longévité accrue.

Le troisième point concerne la rénovation Mirage 2000D, dont le seul but est d'optimiser notre flotte. Ainsi, aux côtés des Rafale Air et Marine, le Livre blanc prévoit la rénovation de nos Mirage 2000D, afin de permettre aux flottes d'avion de combat françaises de respecter, à l'horizon 2020, un format cohérent avec nos objectifs stratégiques.

Le contribuable a déjà consenti l'essentiel de l'effort pour cette flotte. Pour un coût unitaire modeste, de l'ordre de 10 millions d'euros par appareil, et alors que nous avons débuté le retrait de nos Mirage FI et 2000C, cette remise à niveau permettra au Mirage 2000D d'assurer aussi bien les missions de police du ciel, de guerre électronique, de frappes à longue distance que d'appui feu au profit des troupes au sol jusqu'en 2025.

Ainsi rénové, cet appareil aurait des performances en accord avec ses quinze années de potentiel, et serait le complément indispensable de notre aviation de combat, dont la montée en puissance doit s'étaler jusqu'en 2019.

Je voudrais enfin dire quelques mots sur l'A400M et les drones.

Des crises comme celle pour laquelle nous sommes intervenus à Haïti, et aujourd'hui au Sahel, si elles montrent tout l'intérêt du prépositionnement de nos forces, soulignent aussi ce que nous savions déjà : l'extrême fragilité de notre composante de transport tactique.

La capacité de l'armée de l'air à projeter hommes et équipements dans des délais brefs à très longue distance ou au coeur même des opérations, où nos troupes sont engagées, souffre de faiblesses qu'accentue le retard du programme A400M, pour lequel je renouvelle la confiance que j'avais exprimée devant vous il y a un an. Il s'agit cependant de ne plus perdre de temps.

La seule mesure palliative concrète est l'acquisition de huit CN 235. Elle permettra de limiter le suremploi, coûteux techniquement et humainement, de nos flottes actuelles que nos techniciens portent à bout de bras, sans parvenir malheureusement à répondre complètement à la demande.

Des mesures supplémentaires seraient indispensables pour répondre aux besoins de nos armées, en attendant cet avion prometteur et sans concurrent, qui sera demain l'outil de choix sur lequel s'appuiera le commandement européen de transport militaire, créé le 1erseptembre dernier à Eindhoven, et sur lequel nous fondons beaucoup d'espoirs. La volonté opérationnelle existe et je ne doute pas que la volonté politique soit également au rendez-vous.

J'achèverai ce chapitre par un sujet qui me tient à coeur, celui des aéronefs pilotés à distance, les drones. Depuis un peu plus de 18 mois, nos trois appareils moyenne altitude longue endurance (MALE) ont effectué près de 3 000 heures de vol, au profit des troupes au sol, françaises et alliées.

Avec ces avions pilotés à distance, nos équipages sont désormais capables de veiller pendant 24 heures d'affilée au-dessus du théâtre. Cette durée symbolique montre, s'il en était besoin, combien ces appareils sont parfaitement adaptés à des missions de surveillance de vastes étendues, sur les théâtres d'opérations mais aussi, au niveau interministériel, de recherche de personnes disparues, de protection de l'environnement, de prévention, pour peu que nous en possédions suffisamment.

Malgré l'arrivée d'un quatrième appareil à Cognac, il faut être conscient des limites du système intérimaire, dont les obsolescences, d'ores et déjà visibles, doivent nous conduire à prendre des décisions cette année, si nous voulons pérenniser cette capacité précieuse, incontournable aujourd'hui en termes de renseignement et d'anticipation. De mon point de vue, il serait coupable de ne pas disposer de cette capacité à l'avenir.

Au terme de cette intervention, je souhaite rappeler que l'armée de l'air est totalement investie dans la réforme. Les personnels y croient, convaincus qu'ils disposeront demain d'un outil plus adapté. Mon objectif majeur est d'entretenir cette motivation qui n'a pas de prix.

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