Éric Woerth, Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même venons de présenter, en Conseil des ministres, le cadrage général du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Celui-ci s'inscrit dans le cadre global et intangible de réduction des déficits publics, qu'il nous faut ramener à 6 % du PIB l'an prochain. Pour que les efforts demandés soient efficaces et justes, nous considérons que les différents acteurs de la dépense – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – doivent y contribuer équitablement. J'irai à l'essentiel, et laisserai le soin à Roselyne Bachelot-Narquin et Éric Woerth d'entrer dans le détail des différentes mesures.
À l'heure actuelle, le déficit du régime général est estimé à 23,1 milliards d'euros, ce qui représente une amélioration encourageante, puisque la commission des comptes de juin dernier annonçait près de 27 milliards. À l'origine de cette amélioration, on trouve une évolution plus rapide que prévue de la masse salariale, évolution liée au redressement de l'économie. En juin dernier, nous prévoyions en effet une augmentation de 0,3 % de la masse salariale en 2010, alors que le projet de loi de financement voté l'an dernier tablait sur une diminution de 0,4 %. Nous retiendrons finalement une évolution de 2 % pour cette année, au regard des chiffres du deuxième trimestre transmis début septembre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Plusieurs éléments confirment l'évolution positive de la situation de l'emploi : le taux de chômage, en baisse au deuxième trimestre, s'établit à 9,3 % de la population active en France métropolitaine ; 60 000 emplois ont été créés au premier semestre ; enfin, le salaire moyen par tête a augmenté de 1,2 % au deuxième trimestre, après une évolution de 0,8 % au premier trimestre. Nous nous félicitons naturellement de ces chiffres, car ils viennent conforter la stratégie du Gouvernement face à la crise : dès le début de celle-ci, la France a réagi de façon adéquate. Nous avons accepté des baisses de recettes fiscales sans précédent, en laissant jouer les stabilisateurs automatiques, et nous avons soutenu l'activité économique via notre plan de relance, dont nous retirons les principales mesures, mais progressivement afin de ne pas casser la reprise de la croissance. Nous avons cherché à soutenir cette croissance par des réformes structurelles, des mesures en faveur de l'emploi et la mise en oeuvre d'investissements d'avenir à travers le grand emprunt. Grâce à cette politique économique et à la maîtrise de la dépense, le rétablissement de l'équilibre du régime général est donc engagé, même si les avancées seront progressives en raison des effets de la crise.
Comme je l'ai indiqué lors de la commission des comptes le 28 septembre dernier, nous envisageons de mobiliser tout ou partie de l'excédent du panier de recettes fiscales venant compenser les allégements généraux de cotisations patronales. Les soldes du régime général, à ce stade, intègrent cet excédent – 1,6 milliard d'euros en 2010 –, lequel tient à ce que le montant des allégements de cotisations sociales est inférieur au rendement des taxes et des impôts qui composent le panier de recettes affectées au régime général. Le Gouvernement envisage de mobiliser cette marge de manoeuvre, totalement ou partiellement, pour financer la dynamique plus forte que prévue de certains dispositifs en 2010, notamment dans le domaine de la politique de l'emploi. La logique est simple : d'une part, l'impact de la crise sur le marché de l'emploi a conduit à réévaluer à la baisse le coût des allégements de charges sociales ; de l'autre, pour lutter contre la crise, l'État a dépensé davantage pour soutenir l'emploi, par le biais de mesures exceptionnelles. Il est donc normal, en fin d'année 2010, de rétablir l'équilibre financier entre ces deux volets de la politique de l'emploi financés par l'État. Cette opération, qui, pour s'appuyer sur les estimations financières les plus précises, apparaîtra dans le projet de loi de finances rectificative à la fin de 2010, n'a donc pas été prise en compte dans le présent texte.
Tout en assurant le financement de la sécurité sociale pour 2011, nous anticipons son avenir et réglons les dettes du passé : c'est le deuxième pilier du projet de loi de financement. Notre stratégie se veut consciente et lucide, en un mot responsable.
Ce projet de loi est une pièce maîtresse de notre stratégie quant aux finances publiques, stratégie dont je rappelle brièvement les axes : maîtrise des dépenses de l'État dans le respect de la norme « zéro en valeur », service de la dette et pensions exclus ; stabilisation des dotations aux collectivités locales ; réduction des niches fiscales et sociales à hauteur de 10 milliards d'euros ; réforme des retraites ; enfin, strict respect d'un ONDAM à 2,9 % en 2011 et à 2,8 % les années suivantes. Soit dit en passant, c'est la première fois, depuis 1997, que l'ONDAM est respecté, ce qui nous donne du crédit quant au niveau annoncé pour les prochaines années. J'ajoute que le taux de 3 % équivaut à une progression deux fois supérieure à celle du niveau de la vie et de la richesse nationale : nul ne peut prétendre, en dépit de nos efforts pour maîtriser la dépense, que nous ne préservons pas l'État-providence et la solidarité.
L'effort du Gouvernement en faveur de notre modèle social est donc incontestable, et ce choix politique doit en être souligné. Plus de 70 % des gains liés à la réduction des niches fiscales et sociales, soit 7 milliards d'euros, seront alloués au financement de la sécurité sociale : 3,5 milliards d'euros de recettes provenant de niches dont bénéficient les sociétés d'assurance seront consacrés au financement de la dette sociale, et 3,5 milliards d'euros, dont 3 milliards de recettes provenant de niches fiscales et sociales, permettront de financer la réforme des retraites. Ces 3,5 milliards seront même portés à 3,8 milliards lorsque nous aurons amendé le projet de loi de finances afin d'introduire les recettes destinées à financer les mesures de maintien de l'âge du taux plein à soixante-cinq ans pour les parents de trois enfants des générations de 1951 à 1955. C'est, là encore, par souci d'équité que le Gouvernement a tenu à introduire cette exception au sein de la réforme des retraites.
Enfin, 450 millions d'euros de recettes provenant de l'augmentation du taux du forfait social – pour 350 millions d'euros –, de la taxation de la rémunération sur les tiers – pour 70 millions – et du plafonnement de la déduction de CSG – pour 25 millions – viendront, pour une très large part, abonder la branche maladie.
Aux 7 milliards obtenus grâce à la réduction des niches, il convient d'ajouter l'augmentation des cotisations patronales – 0,1 % –, pour un rendement de plus de 450 millions d'euros, lequel permettra le retour à l'équilibre de la branche accident du travail et maladies professionnelles. Au total, je tiens à le souligner, l'effort représente plus de 8 milliards d'euros en faveur de notre système de protection sociale.
Pour maîtriser les dépenses sociales, nous avons choisi d'agir structurellement en réformant notre système de retraite, tout en traitant la dette sociale. Je ne reviens pas sur ce dernier point, dont nous avons longuement débattu hier soir en séance publique. Ces fructueux échanges auront d'ailleurs permis d'éclairer l'opinion sur les positions de chacun et notamment celle, intangible, du Gouvernement : le refus d'augmenter les prélèvements obligatoires, quelle que soit l'importance de la dette.
La facilité eût été d'augmenter la CRDS, mais nous avons eu le courage de choisir une autre voie.
Les recettes manquantes pour la branche famille d'ici à 2013 seront compensées de trois manières. Nous procéderons d'abord, comme il est logique, à l'affectation à la branche famille des recettes initialement destinées à la CADES. Lorsque ces recettes diminueront, à partir de 2013, nous affecterons à la branche famille le produit de nouvelles réductions de niches sociales ou fiscales, comme nous l'avions prévu pour la CADES.
Enfin, et je veux vous apporter ainsi la garantie de notre sens des responsabilités en la matière, nous avons décidé d'affecter définitivement au régime général, à compter de 2011, l'excédent du panier de recettes compensant les allégements généraux de cotisations sociales. Les recettes de ce panier, créé en 2006, deviendront donc, de fait, des recettes définitivement acquises à la sécurité sociale. Je tiens à souligner l'effort très important réalisé par l'État à cette occasion, puisque c'est un excédent prévisionnel de plus de 2 milliards d'euros qui sera ainsi conservé par le régime général en 2011, de 1,8 milliard en 2012, de 1,6 milliard en 2013 et de 1,3 milliard en 2014. Ce faisant, nous aurons résolu deux difficultés : la pérennité des recettes initialement prévues pour la CADES et la clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, sujet sur lequel nous tenions à lever la réserve de la Cour des comptes.
Dernier enjeu, et non des moindres : l'ONDAM. Roselyne Bachelot-Narquin détaillera les mesures permettant d'atteindre l'objectif de 2,9 % et de mettre en oeuvre les mesures du rapport Briet.
Je n'oublie pas la nécessaire lutte contre la fraude aux prestations, qui affaiblit notre système de protection sociale et génère un fort sentiment d'injustice. Depuis 2007, le Gouvernement a renforcé les outils juridiques et techniques mis à disposition des caisses, tels le répertoire national commun de la protection sociale et, au sein de la branche famille, le fichier national des bénéficiaires. Grâce aux échanges d'informations entre administrations publiques, les données relatives aux assurés sont désormais plus fiables. Enfin, nous avons élargi les pénalités administratives, afin de les rendre plus dissuasives ; ces mesures seront étoffées dans le projet de loi de financement.