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Intervention de Michel Boyon

Réunion du 12 octobre 2010 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

De nombreuses questions ont été posées au sujet de France Télévisions. En 2008, le CSA a émis un certain nombre de recommandations concernant ses missions, l'identité de ses chaînes, la création et les rapports avec les producteurs. La plupart de ces propositions ont été retenues.

La réforme de 2009 se traduit par un desserrement de la contrainte publicitaire vespérale et nocturne pesant sur les programmes : les responsables ne sont plus obligés de choisir des émissions correspondant à des publics ciblés prioritairement par les annonceurs.

En ce qui concerne la présidence de Patrick de Carolis, j'observe simplement que ces dernières années, les programmes ont fait l'objet d'une évolution importante : leur dimension culturelle est plus marquée, les programmes de fiction présentent une originalité et une inventivité plus fortes. Mais la nouvelle organisation du groupe a eu pour conséquence de limiter l'autonomie des chaînes et de modifier les rapports entre France Télévisions et les producteurs. Une telle situation pouvait présenter des inconvénients. Lors de son audition devant le CSA puis devant votre Commission, Rémy Pflimlin a indiqué qu'il entendait redonner plus d'identité aux chaînes du groupe et une plus grande autonomie à ses dirigeants. Il a engagé un processus de réforme dans ce sens.

Autre point sur lequel le CSA avait appelé l'attention : France Télévisions n'est pas en avance pour ce qui est de l'utilisation du numérique et de la mise au point de nouveaux services. Le mouvement est désormais pris, mais le groupe doit avancer à marche forcée pour pouvoir occuper le rang qui est le sien en ce qui concerne le bon usage des technologies numériques au profit du plus grand nombre.

Plusieurs d'entre vous ont également abordé la question des concentrations. En ce domaine, il convient d'assumer les responsabilités et de faire preuve de réalisme. La situation de la télévision française en 2010 n'a rien à voir avec celle de 1986, quand la loi sur la liberté de la communication a défini la manière dont le régulateur devait choisir les opérateurs, ni avec celle de 2000, lorsque la loi définissant les règles de la télévision numérique terrestre a été adoptée, ni enfin avec celle de 2003, lorsque le CSA a désigné les premières chaînes de la TNT. Les choses ont beaucoup changé depuis : comme nous l'avons déjà souligné, les chaînes sont plus nombreuses, ce qui entraîne une fragmentation des audiences. Par ailleurs, sur les dix-neuf chaînes gratuites de la TNT, sept sont publiques et douze privées, ce qui paraît un bon équilibre. Mais on ne peut pas multiplier le nombre de chaînes à l'infini, car nous n'aurons pas de quoi les financer. Dans la situation présente, seules certaines d'entre elles sont en mesure de fournir l'investissement nécessaire au service de la création française : les chaînes dites « historiques », qui financent 95 % de la fiction française. Quant aux nouveaux entrants, ils n'ont pas atteint la stature économique qui leur permettrait d'investir au même titre que les autres dans la création et dans la production.

Parallèlement, une concurrence se livre au travers d'Internet. Celui-ci n'est pas en soi une menace ; c'est la manière dont des services s'y développent et sont consommés par les utilisateurs qui en est une. Notre désir, au CSA, est bien sûr de satisfaire le plus grand nombre de Français, mais aussi de garantir la pérennité de l'exception culturelle française. Et pour cela, il faut des fonds. À cet égard, l'émiettement des opérateurs est la meilleure manière d'aller dans le mur. Il ne faut donc pas voir dans le regroupement de chaînes une évolution en soi menaçante. Chacun de nous souhaiterait qu'il existe cinquante chaînes de télévision gérées par des opérateurs différents, diffusant des émissions de la meilleure qualité, et faisant appel à de nombreux comédiens, réalisateurs et techniciens français. Mais il faut être réaliste et reconnaître que, la situation ayant changé, une restructuration de nos entreprises audiovisuelles s'impose.

Les producteurs commencent d'ailleurs à s'en rendre compte. S'ils ont accepté de négocier de nouveaux accords avec les chaînes, qui diminuent les obligations de ces dernières en faveur de l'investissement, c'est parce qu'ils ont pris conscience que le maintien d'exigences élevées conduirait dans le mur. De même, la position du CSA sur les SMAD n'est ni un caprice, ni un acte de rébellion. Elle se justifie par le fait que des contraintes trop rigoureuses conduiraient ces services à se délocaliser au Luxembourg ou dans l'île de Man – ce que ne pourra jamais faire TF1 –, et ce au détriment du soutien à la production. On a fait à plusieurs reprises allusion aux téléviseurs connectés, sur lesquels le CSA a conduit en septembre une réflexion à caractère prospectif. Ils représentent une menace, non seulement pour la liberté de choix du téléspectateur, mais aussi et surtout pour la production audiovisuelle française. Nous devons garder tout cela à l'esprit.

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