Je suis très heureux de m'exprimer devant vous. Comme vous le savez, je suis arrivé en avril dernier dans mes fonctions. Mon prédécesseur avait rédigé un rapport sur les orientations de l'Agence et la réforme de son statut. Ce sujet ayant suscité de nombreuses interrogations internes et externes, un deuxième rapport a été commandité à l'un de mes glorieux prédécesseurs, Henri Pigeat, sur le statut de l'Agence. Entre-temps, j'ai été élu, à la mi-avril, président-directeur général de l'Agence.
Depuis lors, je me suis fixé deux objectifs : renouer le fil du dialogue en interne et définir un certain nombre d'objectifs pour les prochaines années.
Les priorités éditoriales et stratégiques tiennent compte du caractère mondial de l'Agence et du fait qu'elle exerce, sur le fond, car le statut ne le mentionne pas, une mission évidente d'intérêt général. L'Agence a vocation à tout faire, mais il faut bien définir quelques priorités.
Parmi les priorités présentées, j'en ai confirmé une, le développement de l'outil technique, à travers le projet 4XML, afin de faire converger et dialoguer l'ensemble des productions de l'Agence, qu'elles soient en texte, photos, vidéos et infographie. Pour des raisons liées à l'histoire de l'Agence, ces quatre types de production dialoguent peu et cohabitent insuffisamment.
Ce projet coûte trente millions d'euros. Un financement de vingt millions d'euros a été arrêté dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens et a été, récemment, débloqué.
Je me suis ensuite fixé cinq priorités.
L'une est le développement de notre diffusion en langue arabe. Nous avons dans ce domaine un avantage par rapport à nos concurrents. Ce point doit être souligné car l'Agence vit dans un monde concurrentiel et participe à cette compétition au nom de la France. La presse nationale n'est pas notre concurrent. Nos concurrents sont Reuters et Associated Press et nous sommes la troisième agence mondiale d'information. D'ailleurs, 51 % de notre chiffre d'affaires se fait à l'international. Il est très clair que là où nous n'avançons pas, la France recule.
J'en viens au sport, l'AFP étant la première agence d'information en la matière. Le monde de l'information se nourrit d'informations sportives et celles-ci nous permettent d'accéder à l'ensemble des pays, sous forme de photos ou d'Internet. Il est absolument vital que nous confirmions cet avantage. Pour la première fois de son histoire, un événement mondial, la coupe du monde de football, a rapporté de l'argent à l'AFP, deux cent cinquante contrats supplémentaires ont été signés et nous avons été très fiers de pouvoir transmettre, éditées et légendées, les photos prises dans les stades à l'ensemble des rédactions dans le monde en moins d'une minute et quarante-quatre secondes. Cette performance constitue un record mondial
Le troisième axe est le développement de la vidéo. Une agence d'information ne peut plus vivre seulement du texte, car, aujourd'hui, un quotidien de Singapour, un grand journal japonais disposant d'un site internet et le premier du Chili demandent de la vidéo. Nous disposons de quatre-vingts centres de production à travers le monde et nous ambitionnons de produire environ soixante-dix sujets par jour. Nous en produisons à ce jour vingt alors que nos concurrents en font le double ou le triple. Il s'agit d'un enjeu capital, car si l'on ne peut produire de l'image, c'est le texte qui, ensuite, est attaqué, puis tout le reste.
Le quatrième sujet est celui de la mobilité. Nous devons être présents dans tous les espaces de production et de diffusion de l'information. Associated press et Reuters ont développé des applications mobiles, soit pour les terminaux Androïd, soit pour les iphone et ipad. Nous sommes la troisième agence du monde et nous ne pouvons nous permettre de nous priver de ces vecteurs alors que les agences anglo-saxonnes et un certain nombre d'agences nationales, en Espagne et en Italie notamment, en disposent.
Le cinquième axe est celui des archives. L'AFP génère plus 3 500 photos, une vingtaine de vidéos et 5 500 dépêches texte, en sept langues, par jour. Avec le développement de la production multimédia, il devient indispensable de prendre en charge le « rétrospectif ». Si une entreprise ne peut pas produire dans ces ressources, elle devient amnésique.
Pour porter ces cinq priorités, qui ont donné lieu à des chiffrages, j'ai engagé un dialogue avec les responsables qui pilotent le grand emprunt. La discussion est donc lancée !
Le deuxième temps de mon intervention portera sur l'évolution du statut. Celui-ci a de grandes vertus, mais après cinquante ans, il souffre de réelles faiblesses. Ce point a été relevé dans tous les rapports que j'ai tenu à lire. J'ai également parcouru des comptes rendus du comité d'entreprise et du conseil d'administration et ceux des tables rondes que vous avez organisées à l'Assemblée nationale. De mes lectures, il ressort un sujet particulièrement conflictuel, problématique, celui de l'instauration d'un capital de l'Agence, en conformité avec le droit des sociétés, qui suscite des critiques sur le risque de privatisation et d'étatisation. Or, quelles que soient les orientations futures de l'Agence, il faudra bien garder à l'esprit que la réputation d'une agence comme l'AFP dépend du maintien strict de son indépendance. Notre crédibilité commerciale auprès de nos partenaires étrangers sera attaquée dès que pèsera un soupçon sur notre indépendance.
Cela étant posé, la gouvernance de l'Agence pose problème. Son président est un président faible, que ce soit par la durée de son mandat ou la composition de son conseil d'administration. D'une manière générale, le dispositif commercialo-juridique est faible. En vingt-cinq ans, l'Agence aura connu sept présidents, dont quatre démissionnaires et Associated press et Reuters, seulement deux.
Il ne s'agit pas d'un problème d'homme, mais de structure. Si l'Institut national de l'audiovisuel (INA), où j'ai travaillé pendant neuf ans, s'est développé, c'est parce que j'ai disposé d'un mandat qui m'a permis d'asseoir une stratégie dans la durée et de fixer des caps et des priorités.
Un autre élément problématique est celui de la surreprésentation au conseil d'administration de la presse quotidienne régionale (PQR) et de la presse quotidienne nationale (PQN). Elle avait un sens en 1957, mais aujourd'hui, la PQR et la PQN, qui représentaient 80 % du chiffre d'affaires de l'Agence, en représentent moins de 10 %.
La composition du conseil d'administration est également problématique au regard de l'indépendance de l'Agence. La presse quotidienne nationale et régionale est aussi cliente de l'Agence, ce qui suscite un conflit d'intérêts. Un certain nombre de constitutionnalistes considère que le statut de l'AFP, s'il était porté devant le Conseil constitutionnel, ne résisterait pas très longtemps au regard des principes d'indépendance et de droit à l'information.