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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 13 janvier 2009 à 15h00
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

Je voudrais, avant de conclure, vous faire part du contexte plus large dans lequel se déroule notre discussion. Il nourrit mon inquiétude de voir progressivement effacés de notre pays tous les contre-pouvoirs.

Comment appellerons-nous le régime d'un pays où les juges d'instruction sont remis dans l'orbite du pouvoir politique ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Comment qualifierons-nous ce pays où tous les membres des autorités de régulation, Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de l'audiovisuel, sont nommés par le seul pouvoir exécutif et par un seul camp ? Quel est donc ce pays où le Président dispose d'un temps illimité dans les médias, nomme et révoque les présidents de la télévision ou de la radio publiques, part en vacances sur le bateau des autres et leur impose à sa guise ses rédacteurs en chef et ses journalistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans ce pays, le nôtre, comment pourrions-nous accepter que dans la seule chambre parlementaire où l'alternance est possible, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, l'opposition puisse encore être limitée dans son expression ? C'est bien la question essentielle.

Et si ces questions que vous adresse un homme de gauche ne vous touchent pas, laissez-moi – et ce seront mes derniers mots – vous lire ces quelques lignes d'un discours que vous ne pouvez ignorer et qui nous met en garde contre toute dérive autoritaire :

« La nation devient une machine à laquelle le maître imprime une accélération effrénée. Qu'il s'agisse de desseins intérieurs ou extérieurs, les buts, les risques, les efforts, dépassent peu à peu toute mesure. À chaque pas se dressent, au-dehors et au-dedans, des obstacles multipliés. À la fin, le ressort se brise. L'édifice grandiose s'écroule dans le malheur et dans le sang. La nation se retrouve rompue (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe UMP), plus bas qu'elle n'était avant que l'aventure commençât. » Vous le savez, chers collègues de la majorité, ces phrases ont été prononcées par de Gaulle à Bayeux en 1946. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne pensais pas, lorsque je suis devenu parlementaire, que je serais amené un jour à citer en référence les analyses du fondateur de la Ve République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Certains y verront peut-être la marque de je ne sais quel désarroi. Il s'agit plutôt du désir de les convaincre. (« C'est raté ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour passer de l'omniprésence à l'omnipotence, il n'y a qu'un pas. On exige de nous que nous le franchissions. Au nom de ce droit sacré d'amendement, qui est notre patrimoine démocratique commun, nous vous demandons solennellement de ne pas le faire. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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