…pour lesquels vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-mêmes.
La seconde proposition a été qualifiée par M. Diefenbacher d'inapplicable. Je lui ferai observer qu'elle s'applique aux fonctionnaires, puisqu'elle résulte directement de la loi relative aux droits et obligations des fonctionnaires, lesquels sont soumis, en application de son article 25, à des obligations qui sont exactement les mêmes que celles que nous proposons. Nous avons adapté la rédaction de ces dispositions à la situation des ministres, et ce de manière assez simple : nous proposons qu'un membre du Gouvernement ne puisse exercer certaines fonctions, ni lui-même ni par personne interposée. Cette dernière notion est définie par la jurisprudence et concerne en règle générale les membres de la famille. On n'a pas trouvé dans la jurisprudence d'exemples visant, par exemple, des amitiés, qui pourraient être dénoncées sans être pour autant des amitiés « particulières ». La jurisprudence a précisé, en outre, que l'incompatibilité visait les organismes en relation directe avec le fonctionnaire en question. S'agissant d'un ministre, ces organismes sont donc évidemment ceux qui sont placés sous le contrôle, non pas du Gouvernement en général, mais de ce ministre lui-même, dans le champ ministériel qui est le sien.
Il serait ainsi mis fin, à travers ce dispositif, à des situations dans lesquelles les proches du ministre pourraient se trouver avantagés, par la position qu'ils occupent, dans le déroulement de leur carrière professionnelle, ou dans les actes qu'ils seraient amenés à passer, ou dans ceux que le ministre serait amené à passer, s'agissant du fonctionnement normal de cet organisme.
Je ne vois là rien qui soit une « usine à gaz », rien qui soit inapplicable, et ce d'autant moins que nous avons derrière nous toute une jurisprudence s'appliquant aux membres de la fonction publique.
J'ajoute que ce dispositif serait soumis, puisque nous avons déposé un amendement en ce sens, à l'interprétation du Conseil constitutionnel. Notre objectif est en effet de prévention. Il s'agit de prévenir les éventuels conflits d'intérêts, qui, en droit pénal français, ne s'appellent d'ailleurs pas conflits d'intérêts, mais prises illégales d'intérêt. Le Conseil constitutionnel, donc, serait amené à dire, au vu de la déclaration d'intérêts remplie par le membre du Gouvernement au moment de son entrée en fonction, quels sont ceux qui lui paraissent susceptibles de créer une situation préjudiciable à l'intérêt public, et, d'une certaine manière, à l'intérêt politique du Gouvernement.
Vous ne critiquez pas seulement le moment que nous avons choisi pour déposer cette proposition de loi. Vous critiquez également le terme de « République décente ». Je disais à la tribune que celui de « République irréprochable » était, d'une certaine manière, encore plus fort, et presque plus critique par rapport à la façon dont la République fonctionnait, puisqu'il semble supposer qu'elle n'a pas été, jusqu'ici, irréprochable. Si vous voulez nous faire dire qu'avant 2007, et notamment entre 2002 et 2007 – si nous devions entrer dans une polémique politique, ce qui n'est évidemment pas mon propos –, nous aurions pu partager le jugement du candidat Sarkozy, nous le disons volontiers. La République n'avait pas toujours été irréprochable sous les précédentes mandatures, et notamment pas dans la période la plus récente.
Cela étant, nous avons retenu un terme beaucoup plus modéré, et qui correspond à une situation sur laquelle je voudrais insister : ce qui était hier une évidence n'en est plus une aujourd'hui. Autrefois, il était évident que le fait d'être à la fois ministre du budget et trésorier d'un parti politique ne créait pas ipso facto une situation potentielle de conflit d'intérêts. Ce n'est plus évident aujourd'hui. Autre exemple, pris en dehors du champ politique : il était évident pour certains que leur rémunération ne pouvait pas connaître une autre évolution que celle de la situation financière ou des résultats boursiers de leur entreprise. Ce n'est plus évident aujourd'hui. Autrefois, il était évident que lorsque l'on exerçait des responsabilités, on devait rendre à la collectivité et à la société, à due proportion de ces responsabilités. Ce n'est plus évident aujourd'hui.
Le terme de « République décente » vise simplement à souligner que la décence, c'est justement de rappeler chacun à ses responsabilités et à ses devoirs. N'y voyez nulle mise en cause personnelle. N'y voyez nulle accusation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous pouvez toujours le faire si vous le souhaitez.
J'en viens à ma conclusion. Vous nous dites, sans discuter du fond de ce texte et sans faire de propositions particulières, qu'il n'obéirait qu'à une volonté de revanche politique. Très sincèrement, au point où vous en êtes aujourd'hui, au point où en sont aujourd'hui les personnalités concernées, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter. La crise provoquée par cette situation de cumul d'activités, voire de conflit d'intérêts, la crise morale dans laquelle est plongé le pays, et dans laquelle sont plongés le Gouvernement et sa majorité, est suffisamment profonde pour que nous n'ayons pas besoin d'en rajouter une once.
Ce que nous disons simplement, c'est qu'à laisser ces situations perdurer, nous donnerons le sentiment d'y consentir et d'accepter qu'elles puissent se reproduire.
Il serait pour le moins singulier de dénoncer comme « populiste » une mesure qui vise seulement à tirer les conséquences d'une situation caractérisée justement par des réactions populistes que vous créez vous-mêmes en laissant perdurer des pratiques qui choquent nos concitoyens.