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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 14 octobre 2010 à 9h30
République décente — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle et d'une proposition de loi organique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le Littré en donne une définition qui devrait nous accorder, puisqu'il s'agit simplement de l'« honnêteté qu'on doit garder dans les actions et les discours et dont la règle est tirée des préceptes de la morale ». L'indécence est ce qui offense le simple bon sens et qui suscite immédiatement indignation, réaction sans retour. L'indécence en politique, mes chers collègues, consiste à ne pas savoir accorder son vocabulaire à la qualité de sa fonction ; à ne pas savoir séparer de manière suffisamment stricte ce qui relève du public et du privé ; à ne pas respecter ses adversaires ; à ne pas suivre avec exigence les règles et les usages de la République, lesquels ne sont pas des « obstacles » à l'action publique, mais des règles destinées à garantir la sérénité de l'action et du débat publics. De nombreux exemples au cours des derniers mois ont laissé penser que ce simple rappel à la décence, qui n'est autre qu'un rappel à l'ordre républicain, était indispensable et s'adressait à tous.

La politique n'est certes pas seule en cause. Nous ne pouvons évoquer une « République décente » sans faire allusion à l'évolution plus globale de notre société et à la façon dont ceux qui exercent des responsabilités ont de plus en plus tendance à les exercer. Indéniablement, nous assistons depuis quelques années à un changement d'état d'esprit – la crise financière en a apporté le témoignage – qui nous conduit à parler d'une forme de démission des élites, une nouvelle « trahison des clercs », selon l'expression de Julien Benda, qui avait eu le mérite de souligner combien il était important d'accorder son comportement et son expression aux responsabilités que l'on exerce.

Aussi est-il urgent de réaffirmer publiquement ces valeurs de base sans lesquelles la déliquescence morale et civique peut s'installer : humilité, transparence, dévouement au bien public. Il est regrettable de devoir rappeler que les devoirs que l'on a envers la société sont proportionnels aux responsabilités que l'on détient. Et que le pouvoir, quel qu'il soit – politique, économique, financier, universitaire, scientifique –, doit s'exercer dans un but qui va bien au-delà du goût pour la puissance, du besoin de reconnaissance ou du confort de celui ou celle qui se l'est vu confier. Il est regrettable, mais nécessaire, de devoir le faire, car nos concitoyens observent ces dérives avec effarement et souhaitent que l'on y réagisse.

Ce rappel à l'ordre républicain est d'autant plus urgent que notre pays traverse une crise profonde. Nous ne pouvons espérer convaincre nos concitoyens de se mobiliser ou d'accepter les efforts qui leur sont demandés, s'ils ne font pas pleine confiance à leurs représentants et s'ils ont des doutes sur le bon fonctionnement des institutions. À cet égard, cette proposition vise à conforter le besoin de leadership que ressent aujourd'hui la nation.

L'ambition n'est pas mince et va bien au-delà de ces textes, qui ne sont qu'une première approche. On leur a reproché, en commission, d'être incomplets ; il n'était pas envisageable qu'ils soient exhaustifs.

Nous aurions certes pu y instruire le procès d'une certaine manière de présider, qui est pour beaucoup dans les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, s'agissant de la crédibilité de l'action publique et du comportement général des responsables publics. Le malaise va beaucoup plus loin : il s'agit d'un mouvement plus vaste, dont nos débats en commission ont également témoigné dans la mesure où certains ont préféré la polémique et l'affrontement à la discussion et à la réflexion sur les conséquences et les dégâts causés par certaines affaires dans l'opinion.

Nous nous garderons bien de les exploiter. Nous tentons au contraire d'apporter, pour l'avenir, les moyens de prévenir leur résurgence, de faire en sorte que ce qui devait répondre au simple bon sens puisse se traduire dans les comportements parce que la loi y invitera.

Nous ne consentirons pas, comme on nous y invite pourtant parfois, à abaisser le débat public. Nous proposons, au contraire, des solutions techniques, inspirées du simple bon sens comme de l'esprit de notre République, et qui visent garantir l'indépendance des ministres, dans le prolongement de ce qu'a prévu l'article 23 de notre Constitution. Il fallait bien commencer par un sujet ; celui-ci nous paraît aujourd'hui le plus important.

Aussi vous suggérons-nous, par une proposition de loi constitutionnelle et par une proposition de loi organique, d'en revenir à la pratique constante de la Ve République jusqu'à la première cohabitation, à savoir l'impossibilité de cumuler la charge de ministre avec une responsabilité exécutive dans un parti politique et de l'ériger en principe. En vous soumettant cette proposition, je ne cherche pas – moi qui n'ai jamais été gaulliste – à rendre un hommage posthume au général de Gaulle, fondateur de nos institutions.

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