Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christian Eckert

Réunion du 11 octobre 2010 à 16h00
Régulation bancaire et financière — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de revenir sur les conditions d'examen de ce texte, brièvement évoquées par M. le rapporteur. Le texte nous ayant été communiqué samedi midi, la commission s'est réunie mardi ; dans ces conditions, il était impossible de procéder à un travail de fond sérieux. D'autre part, votre obstination à vouloir absolument aboutir à un texte conforme a conduit la commission à repousser de façon systématique toutes les propositions d'amendements, y compris celles issues de vos propres rangs. Cela ne paraît guère de nature à illustrer la prétendue mise en valeur du travail parlementaire dont la majorité se prévaut par ailleurs. Quand M. Chartier évoque le travail tripartite entre le Gouvernement, la Haute Assemblée et l'Assemblée nationale, il me semble qu'il a tendance à réduire la représentation nationale à sa seule personne : sans nier l'importance de son propre travail, je ne pense pas que l'on puisse parler d'un travail collégial effectué sur ce texte.

Ce texte arrive à l'ordre du jour « coincé » entre deux autres textes particulièrement lourds, à savoir la loi de programmation triennale que nous avons examinée la semaine dernière en commission et le projet de loi de finances pour 2011 que nous allons commencer à débattre dans les prochains jours. Il me paraît anormal d'examiner un texte dans ces délais.

Par ailleurs, vous avez raison, madame la ministre : depuis le premier examen de ce texte, un certain nombre de faits nouveaux sont apparus. À ceux que vous avez cités, j'en ajouterai d'autres. La première lecture de ce texte a eu lieu en même temps que le procès Kerviel ; par un curieux hasard, il se trouve que l'examen en deuxième lecture intervient au lendemain du prononcé du jugement en première instance. Je vous avais demandé, lors de la première lecture, si vous – je veux dire ceux que vous représentez – n'aviez pas un certain sentiment de culpabilité, dans la mesure où les autorités de contrôle, notamment la commission bancaire, n'avaient pas contrôlé comme il se doit la Société Générale et ses systèmes de contrôle interne. Certes, le tribunal a constaté un comportement délictueux, mais, à mon sens, les contrôleurs des traders devraient également être mis en cause.

M. Jouyet, président de l'AMF, vient d'ailleurs de déclarer que les conditions actuelles de contrôle de fonctionnement des organismes bancaires ne permettaient pas d'exclure qu'un incident du type de l'affaire Kerviel se produise à nouveau. Il a été révélé récemment que la Société Générale avait récupéré 33 % de ses pertes, soit 1,7 milliard d'euros sur les 4,9 milliards perdus en 2008 dans l'affaire Kerviel, grâce à un dispositif fiscal permettant aux sociétés de bénéficier d'une déduction d'impôt sur les sociétés en cas de pertes exceptionnelles. On a beau dire qu'à chaque fois que M. Kerviel versera un euro de dédommagement, 33 centimes d'euro reviendront au fisc, je doute que l'on parvienne un jour à un pourcentage significatif des sommes en jeu !

L'autre événement survenu depuis la première lecture de ce texte, madame la ministre, c'est que les banques ont été condamnées pour défaut de concurrence : plus de 300 millions d'euros d'amendes ont été infligés aux banques pour entente illicite sur un certain nombre de prestations fournies à leurs clients. La Banque de France elle-même a été condamnée à plus de 30 millions d'euros d'amende, alors que son principal client, pour ne pas dire le seul, est le Trésor public ! Cela veut dire que la Banque de France a été condamnée pour avoir escroqué le Trésor public, ce qui, vous en conviendrez, est pour le moins croquignolet !

Je trouve curieux qu'un texte que vous présentez comme une rupture par rapport aux comportements antérieurs n'évoque même pas de type de sujets !

Autre événement intervenu depuis : l'évolution de la réglementation de Wall Street. Certes, le processus n'est pas terminé et je sais que vous allez me dire que tout ce qui figure dans le projet de M. Obama ne sera pas mis en oeuvre et qu'un certain nombre de dispositions vont disparaître. Mais tout de même !

Autre événement : notre assemblée a créé une commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation, dont les travaux ont commencé. Je doute que vous ayez ne serait-ce qu'esquissé la prise en compte des premières investigations qui ont été conduites sous la houlette de nos collègues Henri Emmanuelli et Jean-François Mancel, entre autres.

Certes, il y a eu les événements du mois de septembre, que vous avez cités. Mais nous ne devons pas avoir la même lecture de la chronologie des choses, car dans quelle partie de ce texte les décisions de septembre ont-elles été prises en compte ? Si j'y trouve bien la transcription de directives datant de 2009, je n'ai pas vu en revanche la transcription de la moindre directive du mois de septembre 2010.

Par ailleurs, à chaque fois que l'on vous propose de prendre des mesures plus sévères sur la régulation bancaire, vous nous renvoyez systématiquement un jour à l'Europe, le lendemain au G20. Or, aujourd'hui, vous nous dites qu'il est important d'adopter ce texte avant le prochain G20. Je ne sais donc plus très bien s'il faut mettre la charrue avant les boeufs, ou bien l'inverse !

Toujours est-il que, à cet égard, votre discours n'est pas très cohérent. J'y reviendrai un instant sur l'affaire des CDS et de la politique de convergence avec l'Allemagne.

Après ces premières réflexions, j'en viens au fond. Je vous disais lors de la première lecture, madame la ministre, que votre texte était un acte manqué. Eh bien, il le reste. J'ai d'ailleurs souri lorsque vous avez dit que notre collègue M. Chartier et le Sénat l'avaient « allégé », car je trouve quant à moi qu'ils l'ont considérablement alourdi : nous en sommes à plus de quatre-vingts articles et je vais revenir sur le contenu d'un certain nombre d'entre eux.

Tout d'abord, madame la ministre, votre texte ne conforte pas le rôle du Parlement. Nous avons discuté de la représentation des parlements dans différentes instances ; vous avez systématiquement écarté la présence ès qualité de parlementaires, que ce soient des députés ou des sénateurs. Je le regrette.

Ensuite, sur les fameux CDS et leur vente à découvert, je n'y comprends plus rien. Vous nous dites qu'il faut avoir une politique convergente avec nos collègues européens et vous érigez d'ailleurs en dogme, depuis quelques jours, la convergence avec l'Allemagne. Or celle-ci a interdit les ventes à découvert à nu des produits de type CDS. Pourtant, de votre côté, vous ne le faites pas et vous vous en tirez par une formule alambiquée. Notre collègue M. Brard a d'ailleurs réagi tout à l'heure aux affirmations faites à cette tribune.

Vous nous dites que le vendeur à découvert doit disposer d'« assurances raisonnables sur sa capacité à livrer ces instruments financiers. » Notons la sévérité de la formule ! Je doute qu'un tribunal ou un spécialiste, quels qu'ils soient, puissent apprécier de façon objective ce qu'est une assurance raisonnable sur la capacité à livrer des instruments financiers, mais vous allez certainement nous expliquer que tout cela est parfaitement clair et codifié.

Les articles 19 et suivants traitent de nouveaux titres, de nouvelles obligations à l'habitat. Ne serait-ce pas une nouvelle forme de titrisation ? Nous en sommes étonnés et nous n'avons pas obtenu de réponse satisfaisante. Ce n'est pas parce que des titres ou des créances concernent l'immobilier ou l'habitat qu'ils seraient dénués de tout risque, comme les expériences passées nous l'ont parfaitement démontré.

En ce qui concerne la commission des sanctions, qui a de nouveau été évoquée tout à l'heure, nous sommes bien sûr étonnés de cette idée d'une composition administrative. Tout le monde a convenu en commission que cette faculté de transaction ne faisait pas gagner de temps ; beaucoup s'étonnent et s'inquiètent du recours aux tribunaux arbitraux, y compris notre collègue et habituel donneur de leçons Charles de Courson. On sait en effet ce que cela a pu donner et j'observe au passage que nous n'avons toujours pas eu de réponse précise quant à l'enrichissement de la famille Tapie suite à la décision d'un tribunal arbitral.

Pire encore : vous introduisez dans ce texte une disposition qui consiste à dire que l'on peut faire une transaction, mais qu'elle est tout de même soumise à la commission des sanctions, qui doit déclarer si elle est bonne ou pas. Je ne vois vraiment pas l'intérêt ! Au contraire, cela jette la suspicion sur les affaires concernées.

Sur les frais bancaires – je les ai évoqués tout à l'heure –, qu'y a-t-il dans votre texte, madame la ministre ? Vous obligez les banques à écrire noir sur blanc à leurs clients, souvent captifs, à quelle sauce ils vont être mangés. Voilà en gros ce que prévoit votre texte ! Bref, on va piquer des sous aux clients en leur disant quand même avant, bien que de façon très opaque et complexe, comment on va faire pour prélever des frais bancaires.

Nous vous avions proposé un certain nombre d'amendements sur ce sujet. D'ailleurs, vous confiez la mission du suivi à un comité, dont j'ai, hélas ! oublié le nom.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion