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Intervention de Jérôme Chartier

Réunion du 11 octobre 2010 à 16h00
Régulation bancaire et financière — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

…en particulier les membres de la commission des finances. Depuis pratiquement un an, au fil des discussions, à l'Assemblée nationale et au Sénat, le texte a ainsi été amélioré par le rapporteur du projet de loi au Sénat, Philippe Marini, et par votre serviteur.

Sur les 92 articles que compte désormais le projet de loi, 22 ont été votés conformes, une vingtaine ont été votés « quasi conformes » – le Sénat n'y ayant apporté que de légères modifications de pure forme –, une quinzaine ont fait l'objet d'une discussion productive avec le Sénat, qui a abouti à un compromis raisonnable, et 35 sont réellement nouveaux, qu'ils soient d'origine gouvernementale ou sénatoriale.

Le projet de loi de régulation bancaire et financière fera date. Il apporte un souffle nouveau, à quelques semaines du début de la présidence française du G 20, qui sera marquée par une avancée considérable de la régulation bancaire et financière au niveau européen. J'en veux pour preuve les directives et règlements qui ont été adoptés en la matière depuis deux ans, ainsi que la directive AIFM, également appelée directive « hedge funds », qui sera prochainement transposée dans le droit français après son adoption.

Les principales dispositions adoptées par le Sénat peuvent être classées en trois catégories.

La première catégorie correspond à une recherche d'amélioration de la rédaction de l'Assemblée, dans le respect de l'esprit du texte et en étroite collaboration avec votre rapporteur. Ainsi, le Sénat a introduit le principe de la publicité des audiences de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, même si le secret de l'audience restera possible dans certains cas, à la demande expresse du président de la commission des sanctions – la publicité devenant donc la règle.

Pour ce qui est des agences de notation, je me félicite de la nouvelle rédaction de l'article 3, améliorée par le Gouvernement et l'Assemblée pour éliminer un risque identifié lors de la première lecture par notre assemblée, à savoir la « délocalisation » des contrats entre une agence de notation et son client afin d'échapper à la réglementation française.

L'article 4 a été amendé pour ajouter un élément de transparence et d'information : le règlement général de l'AMF devra déterminer chaque année le régime général de rémunération des agences de notation, ce qui n'est pas anodin : c'est là un élément de transparence tout à fait décisif au regard d'événements survenus par le passé, notamment la crise des subprimes.

Si le Sénat a supprimé deux articles par lesquels notre assemblée avait demandé au Gouvernement d'établir des rapports, Mme la ministre a, quant à elle, exprimé devant la commission des finances son intérêt réel pour les sujets ayant vocation à être traités par ces rapports ; elle a d'ailleurs proposé une alternative à ces rapports formels, consistant en la production de notes d'information complètes, portant notamment sur la question des Credit Default Swaps, ou CDS. Je reviendrai sur ce point lorsque nous examinerons les amendements à ces articles.

Après l'amélioration des dispositions votées par l'Assemblée nationale, la deuxième catégorie de dispositions adoptées par le Sénat est celle relevant de la création législative, avec certaines mesures puisées à bonne source, comme dirait Philippe Marini, et d'autres relevant de positions anciennes de nos collègues de la commission des finances du Sénat.

Tout d'abord, le Sénat a institué un pouvoir de transaction de l'AMF – pour notre part, nous avions décidé, à l'issue d'un débat, de ne pas examiner cette disposition. Très encadrée, la procédure proposée est exclue dans les cas les plus graves, relevant de la compétence du juge judiciaire. La commission des finances a donc émis un avis favorable à cette disposition, qui fait désormais partie intégrante du texte.

Par ailleurs, le Sénat a introduit un article 2 sexies visant à réglementer le marché d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre. Ce marché en fort développement nécessitait un dispositif d'encadrement, dont nous avons parlé longuement avec Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances du Sénat. La rédaction proposée par le Sénat, qui me paraît très satisfaisante, consiste notamment à organiser la coopération entre l'Autorité des marchés financiers et la Commission de régulation de l'énergie.

Un article nouveau, l'article 7 vicies, confie au comité consultatif du secteur financier une mission d'observation des tarifs bancaires. Nombre de députés s'étant émus de l'évolution des tarifs bancaires, il était important que nous nous penchions sur cette question. La mission d'observation, organisée en concertation avec les professionnels, rendra des conclusions qui seront ensuite examinées par les commissions des finances des deux assemblées et pourront donner lieu à débat.

L'article 12 quinquies ménage une nouvelle porte de sortie aux entreprises en difficulté, en proposant d'instituer une sauvegarde financière accélérée des entreprises. J'ai vu d'un oeil tout à fait favorable cette innovation juridique s'inscrivant dans le droit fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises, dont j'étais le rapporteur. En commission des finances, j'ai indiqué à Mme la ministre qu'il serait bon que les « noteurs », notamment les assureurs-crédits, suspendent les notations pendant la procédure afin de ne pas pénaliser les entreprises, et je la remercie d'avoir approuvé ma suggestion.

Enfin, la troisième catégorie de mesures est composée de modifications résultant d'une position plus mesurée que celle de votre assemblée au sujet de dispositions adoptées en première lecture. Il s'agissait de dispositions qui, je le reconnais, pouvaient sembler maximalistes, mais présentaient l'immense intérêt de provoquer le débat sur des sujets essentiels – même s'ils n'étaient pas apparus comme tels jusqu'à présent.

L'Assemblée nationale avait raccourci de J +3 à J + l le délai de règlement-livraison sur les marchés boursiers, afin d'éviter au maximum les ventes à découvert. La Haute Assemblée a estimé plus judicieux de ramener ce délai à J +2, ce qui m'est apparu comme un juste milieu, étant précisé par ailleurs que la date de mise en oeuvre de cette disposition a été fixée au 1er janvier 2012.

Le Sénat a supprimé l'article 7 septies A, prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'une régulation européenne et nationale du capital-investissement. Il a bien fait, puisque la directive « hedge funds », prévoyant un certain nombre de dispositions en matière de régulation du capital investissement, doit être votée dans quelques semaines, ce qui rendra superflu le rapport initialement prévu. Je ne me suis donc pas opposé à la suppression de cet article.

Enfin, j'avais souhaité que les fonds solidaires soient investis au minimum à 10 % dans les entreprises solidaires, et non plus à 5 % minimum, comme c'est le cas actuellement. Cette proposition me paraissait tout à fait mesurée ; toutefois, la commission des finances du Sénat a souhaité que cette évolution se fasse avec davantage de progressivité, et est donc revenue aux dispositions antérieures. Devant la commission des finances de notre assemblée, Mme la ministre a bien voulu faire jouer son autorité pour qu'une évolution se fasse vers le seuil de 10 % de fonds solidaires, ce dont je la remercie ; un plancher à 8 %, constituant une bonne moyenne, paraît désormais tout à fait envisageable.

Telles sont, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les principales dispositions d'un projet de loi de régulation bancaire et financière extrêmement ambitieux et utile, qui se place dans une perspective mondiale, mais aussi et surtout européenne. Ce projet de loi doit beaucoup au travail conjoint des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, d'une part, et du Gouvernement, d'autre part, et n'aurait pas été possible si nous n'avions pas la chance d'avoir une ministre si ouverte au dialogue et à la coproduction législative.

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