Permettez-nous tout d'abord de saluer la mémoire des soldats morts depuis notre dernière réunion budgétaire le 7 octobre 2009.
Notre fédération était présente aux troisièmes rencontres de la modernisation de la défense, jeudi 30 septembre, organisées par le secrétariat général pour l'administration, l'état-major des armées et la mission pour la coordination de la réforme. Le chef d'état-major des armées a confirmé d'emblée, devant les cadres civils et militaires du ministère, que nous assistons « à la réforme la plus importante depuis la fin de la guerre d'Algérie ».
Un bon nombre des cadres présents avaient été préalablement sondés. Des résultats de l'enquête, il ressort que 54 % d'entre eux adhèrent à la réforme et que, preuve de leur implication personnelle, 77 % sont dans les starting-blocks ; 57 % estiment que le rapport efficacitéefficience est positif et 53 % pensent que la mise en oeuvre de la réforme est difficile alors que ce taux n'atteint que 40 % en moyenne au sein de l'État. Enfin, s'agissant de leur perception de l'adhésion des personnels, ils sont 63 % à la considérer comme positive. Toutefois, une proportion non négligeable des cadres signale la dégradation des conditions de travail, la déstabilisation liée au changement et le manque de visibilité. Avec de tels sondages, il n'est pas étonnant que notre ministère soit l'un des meilleurs élèves de la classe « RGPP et réformes de tout acabit » !
Nous allons nous efforcer de croiser l'avis citoyen avec l'avis du syndicaliste sur certains aspects de ces multiples réformes, à la suite de la lecture détaillée des deux dossiers de presse du projet de loi de finances pour 2011, l'un consacré au ministère de la défense, l'autre au secrétariat d'État aux anciens combattants. Il s'agit d'un budget au régime sec, en très faible augmentation après le vent de la crise financière et en légère réduction par rapport à la loi de programmation militaire 2009-2014.
Avec 88 % de bonnes opinions, les armées affichent leur meilleur score chez nos concitoyens depuis 1997, ce dont nous nous félicitons. Mais cette image est ternie par l'existence de très grands risques psychosociaux, et un certain nombre de suicides, que la plaquette n'évoque même pas dans son chapitre III intitulé « Les femmes et les hommes au coeur de la défense » !
Les réformes que vous avez votées sont à l'origine de beaucoup de souffrances au travail et dans les foyers des personnels civils et militaires. Le plan d'accompagnement social des restructurations ne résout pas tout ; le secrétariat d'État à la fonction publique et la DRH-MD l'ont enfin compris : 7 syndicats sur 8 de la fonction publique ont signé le 20 novembre 2009 le protocole d'accord sur la santé et la sécurité au travail qui comporte une action dédiée à l'évaluation et à la prévention de ces trop fameux risques psychosociaux. La DRH-MD, quant à elle, vient d'édicter tardivement une note-cadre sur la prévention des risques psychosociaux, notamment ceux liés aux restructurations.
Jamais dans ces deux fascicules budgétaires le mot « rationalisation » n'a été si souvent écrit ! Le citoyen peut se réjouir qu'un ministère fasse des économies, s'organise mieux et travaille donc mieux. On nous dit même que les crédits consacrés à l'amélioration de la condition du personnel civil sont portés de 15 à 25 millions d'euros. Nous remercions en cela le ministre qui tient un engagement pris lors de l'ouverture en février des négociations sur la valorisation de la mobilité. Mais c'est sans compter ce que M. Éric Woerth a annoncé le 1erjuillet devant l'ensemble des organisations syndicales de la fonction publique à savoir un gel des traitements en 2011 et un probable rendez-vous salarial en 2012 et en 2013 !
Comme vous le savez, les organisations ont relayé la colère des agents publics dans un contexte de perte de pouvoir d'achat, d'aggravation des conditions de travail, de suppressions massives d'emplois et de réforme des retraites. Elles ont refusé que les salariés du public, comme du privé, paient le prix fort d'une crise dont ils ne sont pas responsables. Le ministre de la fonction publique s'est contenté de confirmer l'augmentation de 0,5 % au 1er juillet. Dans la foulée, en plein été, le ministre de la défense a annoncé le gel des salaires des ouvriers de l'État au 1er janvier 2011, leur imposant aussi de participer à l'effort global alors même qu'ils bénéficient d'une augmentation trimestrielle du bordereau le 1er octobre à hauteur de 0,51 %.
En bon élève, la défense a même de l'avance dans les déflations, ce qu'ont d'ailleurs confirmé MM. Cazeneuve et Cornut-Gentille dans leur rapport d'information sur la mise en oeuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense. Le budget 2011 affiche ainsi 33 % d'effectifs civils déflatés au lieu des 25 % annoncés initialement. Et l'on nous dit que la suppression de 10 000 à 16 000 postes civils et militaires liée aux externalisations serait traitée en gestion le moment venu !
À la page 29 du fascicule, une réflexion nous a surpris. Pouvez-vous expliquer comment la RGPP, en plus du Livre blanc, conduit à une évolution significative des dispositifs pré-positionnés en Afrique ?
Le ministère et le secrétariat d'État veulent tous deux atteindre un effectif de 37 270 réservistes opérationnels avec une activité moyenne de vingt-deux jours à la fin de 2011. Nous avons tous dénoncé le fait que la dimension opérationnelle de leur emploi se limite encore trop souvent à occuper des postes d'administration générale et de soutien commun, normalement dédiés aux personnels civils, alors que le Livre blanc le déconseille expressément !
En ce qui concerne la manoeuvre « ressources humaines », nous regrettons que vous n'ayez pas entendu notre proposition de défiscaliser aussi les indemnités de départ volontaire des agents fonctionnaires et contractuels, alors que vous aviez voté cette mesure pour nos collègues ouvriers de l'État et pour les personnels militaires. Notons, en matière de restructurations, le manque de solidarité de certains ministères et des fonctions publiques territoriale et hospitalière lorsqu'il s'agit de reclasser une ressource humaine compétente de la défense. Il convient, d'ailleurs, de s'interroger sur le zéro pointé en reclassement de la fonction publique hospitalière.
Dans cette période difficile, les avancées statutaires au bénéfice des personnels civils doivent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais. Pour exemple, les aides-soignants et les agents hospitaliers de santé publique bénéficient, à juste titre, de la réforme de la filière paramédicale depuis plus d'un an alors que ceux de la défense n'ont encore fait l'objet d'aucune mesure ! Quant à la filière médico-sociale, une réforme s'impose au plus vite pour des métiers qui nécessitent un engagement constant, qui plus est en temps de fortes restructurations impliquant une conséquente surcharge de travail.
Enfin, en cette période économique difficile pour l'ensemble des personnels du ministère de la défense, des réformes statutaires et indemnitaires importantes sont en cours et devraient à terme améliorer la situation des agents. Cependant, dans cette phase transitoire, ces réformes ne doivent en aucun cas conduire à une baisse de la rémunération globale individuelle.
Telles sont les réflexions citoyennes et syndicales de la CFTC. Nous vous remercions de votre attention.