Si la CFDT reconnaît la nécessité d'un redressement des comptes publics de notre pays, elle regrette que cela ne soit pas l'occasion de revoir en profondeur la fiscalité française, pour la rendre plus juste, plus solidaire et plus efficace ; cet exercice devrait permettre un vrai débat de société sur la protection sociale, les missions de l'État et des services publics. La CFDT, favorable à une modernisation des services publics, est en désaccord avec une RGPP à visée comptable.
La réduction des emplois publics continue avec le budget pour 2011. Le gel du traitement des fonctionnaires se poursuit pendant qu'une autre mesure, la suspension du bordereau des ouvriers de l'État, vise particulièrement le ministère de la défense. Cette politique de rigueur budgétaire, qui touche directement le pouvoir d'achat des agents de l'État, s'ajoute aux restructurations et rend plus difficiles encore leurs conditions de vie au travail.
Pour la CFDT, les choix actuels du Gouvernement sont contestables : maintien du bouclier fiscal, désormais indéfendable dans cette période de rigueur, maintien des exonérations sociales sur les heures supplémentaires quand la priorité devrait être donnée à la création de nouveaux emplois. Les crédits d'impôt pour améliorer l'habitat sont réduits alors que des niches contestables sur les plans social, économique et environnemental sont maintenues. La hausse des primes d'assurances et de mutuelles, l'abaissement des remboursements des vignettes bleues et la hausse du ticket modérateur à l'hôpital réduisent encore le caractère universel de l'assurance maladie.
Je voudrais également évoquer la mobilisation des salariés des secteurs privé et public dans le cadre du dossier des retraites : au-delà de la bataille des chiffres, elle va croissant depuis la rentrée et une majorité des Français se prononcent pour une autre réforme. L'attitude du Gouvernement, qui fait la sourde oreille et refuse de rouvrir la négociation, s'apparente à une forme de mépris. Un passage en force sur ce sujet qui engage l'ensemble des acteurs de la société ne pourrait qu'encourager une politisation du dossier et des comportements extrêmes, alors que jusqu'à aujourd'hui le mouvement syndical a revendiqué et manifesté de façon démocratique, digne et responsable.
Au-delà du désaccord de fond sur cette réforme essentiellement paramétrique, la CFDT souligne l'incohérence et la hâte qui caractérisent diverses mesures, notamment le passage de 65 à 67 ans pour le départ à la retraite à taux plein, dont l'entrée en vigueur n'est prévue qu'en 2016, soit six ans après le vote de la loi. Par ailleurs, le Gouvernement semble avoir découvert récemment les problèmes liés aux retraites des femmes, des handicapés, des personnes polypensionnées, des personnes ayant connu des carrières longues ou la pénibilité au travail. À l'évidence, ces nombreux points nécessitent de retravailler la réforme des retraites et invitent à son report.
La nécessité d'une pause se fait également ressentir pour la défense, après les restructurations engagées depuis les conclusions du Livre blanc et la démarche de la RGPP. Les salariés du ministère, de DCNS, de Nexter et de l'IGeSA sont déstabilisés par des réorganisations ou des plans sociaux qui ne disent pas leur nom.
Sans entrer dans le débat de l'approche différente de la CFDT sur la modernisation nécessaire de l'outil de défense, force est de constater que l'exercice est devenu impossible, ne serait-ce que pour des raisons financières. En amont de cette nouvelle vague de restructurations, le ministre avait annoncé que l'accompagnement social serait à la hauteur, que les missions de la défense seraient préservées et que le dialogue social, capital dans cette tourmente, serait de qualité. Or il en va autrement depuis plus de deux ans : nous répétons ici que les conclusions des auditeurs RGPP et celles du Livre blanc sont en contradiction.
La communauté de la défense, civile et militaire, a été mise en concurrence et transforme la conduite du changement en une politique du « sauve-qui-peut ». Les fermetures et les réorganisations conduisant à un engorgement des voies de reclassement, chacun, civil ou militaire, fait de son mieux, sans égard pour la solidarité d'usage.
L'heure n'est plus aux propos raisonnables ; si le ministère s'obstine à appliquer les méthodes actuelles, les résultats seront catastrophiques et les conséquences dramatiques, pour la communauté comme pour l'outil de défense.
Le projet de loi de finances ne peut que confirmer ces craintes : assurément, conduire la loi de programmation militaire 2009-2014 sera mission impossible, aussi bien pour les programmes majeurs, puisque les étalements ont été tirés à leur maximum, que pour les restructurations en cours, avec des recettes exceptionnelles qui ne seront pas, une fois de plus, au rendez-vous.
La CFDT, qui n'est pas coutumière de la politique de la chaise vide, est contrainte de l'observer depuis plusieurs mois. Après les restructurations et les réorganisations, la volonté du ministre d'externaliser s'est traduite, quoi qu'il en dise, par un passage en force. L'expérimentation RHL-1 sera engagée en 2011. Or la concertation s'est apparentée à quelques réunions d'information, sans que le projet bouge d'un iota, histoire de dire que les syndicats étaient associés. Cela s'est fait sans la CFDT.
Les organisations syndicales ont d'autres propositions et contestent l'étude comparative, adoubée par un cabinet d'expertise déclaré indépendant par le seul donneur d'ordre. Il semblerait qu'il y ait quelques changements d'attitude ces derniers jours : à présent, le ministre se déclare sensible aux arguments des organisations syndicales et souhaite engager une nouvelle concertation, avant d'en venir à une externalisation à l'échelle des bases de défense. Toutefois, il a déjà été décidé d'externaliser dans le cadre de RHL-1, sans attendre l'expérimentation en régie rationalisée, qui doit être examinée cette semaine avec les organisations syndicales. Vous comprendrez que la CFDT reste réservée sur la volonté ministérielle d'éviter une démarche dogmatique sur les externalisations.
La CFDT souhaite une pause, pour ne pas dire un moratoire, afin d'engager un débat de fond sur la mission « Défense », confrontée aux effets de la crise et à une Europe de la défense en panne.
Sur cette dernière question, la démarche consistant à créer des champions nationaux avant de passer à l'étape européenne s'est traduite par des replis nationaux ; elle pourrait constituer un piège fatal. La CFDT plaide en faveur de la relance d'une véritable politique industrielle européenne, dans laquelle les groupes nationaux DCNS ou Nexter peuvent encore jouer un rôle.
Face à l'absence de démarche concertée au niveau européen et à l'inexistence de nouveaux programmes structurants, les groupes industriels pourraient se trouver fragilisés et faire les frais d'appétits extra-européens, comme c'est déjà le cas en Espagne pour l'armement terrestre, ou en Allemagne pour l'industrie navale.
Sachez que la CFDT, qui milite habituellement pour le dialogue et l'action constructive, est désormais engagée dans un rapport de force et restera mobilisée tant que la politique de conduite du changement au ministère de la défense et dans les entreprises sous sa tutelle demeurera celle que nous connaissons aujourd'hui.