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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 6 octobre 2010 à 10h30
Commission des affaires sociales

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

Il me semble que la représentation nationale doit s'interroger, comme la Cour des Comptes, sur le fait que, alors que nous avons le deuxième système le plus coûteux au monde, les indicateurs de santé ne sont pas toujours en rapport avec nos dépenses. S'agissant plus précisément de la sécurité sociale, le déficit, fruit d'un déficit structurel et d'une crise exceptionnelle, est de 25 à 30 milliards d'euros. La Cour dit simplement qu'il faut agir sur la dépense comme sur la recette. Penser que l'on pourrait n'agir que sur l'une ou l'autre nous paraît extrêmement dangereux et ne nous semble pas de nature à répondre aux problèmes.

Nous traçons donc un certain nombre de pistes, y compris en matière de dépenses, car nous pensons qu'il y a des marges de manoeuvre et qu'il faut s'interroger sur l'efficacité de ce qui est fait. Mais la Cour – je réponds à M. Patrick Roy – n'est là pour dispenser ni des caresses ni des claques, ni pour plaire ni pour déplaire, mais pour dire ce qu'elle voit. Sa force et son autorité tiennent au fait que tout ce qu'elle décrit a fait l'objet d'une analyse contradictoire avec ses interlocuteurs et découle de délibérations collégiales de magistrats totalement indépendants. Voilà qui lui donne une liberté, en particulier de ton, bien plus grande que celle d'un certain nombre d'institutions prestigieuses.

On peut certes regretter que ses recommandations ne soient pas suffisamment suivies, mais il faut aussi prendre garde à ne pas aller vers un gouvernement des juges : qu'au bout du compte les représentants désignés par le suffrage universel décident de la politique qui doit être suivie me paraît plutôt un bon principe…

Les tableaux, qui figurent aux pages 106 et 107 du rapport, apportent des réponses aux nombreuses questions qui ont été posées à propos des niches sociales : nous identifions là une quinzaine de milliards d'euros sur lesquels il nous semble possible d'agir. Mais, si nous faisons un certain nombre de propositions, il appartient aux responsables politiques de trouver un point d'équilibre, de faire leur choix dans ce qui constitue non pas un menu, mais une carte : en consommer tous les plats aboutirait à coup sûr à une indigestion qui pourrait même être fatale… Il en ira d'ailleurs de même du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les niches et les dépenses fiscales applicables aux entreprises, que je présenterai cet après-midi devant la commission des finances.

S'agissant des exonérations de cotisations, nous faisons sans doute preuve de davantage de détermination que le Conseil des prélèvements obligatoires, même si ce dernier estime aussi qu'il y a des marges de manoeuvre sur un montant global d'une trentaine de milliards. On voit que les exonérations ont eu un effet plus important sur l'emploi non qualifié que sur l'emploi global et ont principalement bénéficié à des secteurs non exposés à la concurrence internationale – commerce, grande distribution, hôtellerie et cafés-restaurants, nettoyage. Il est vrai que réduire ces exonérations pourrait avoir sur l'emploi des effets que l'inspection générale des finances s'efforce de mesurer. C'est pour cela qu'il convient vraisemblablement d'étaler les choses dans le temps. Il est possible de ramener l'exonération de 1,6 à 1,5 fois le SMIC. Il y a également ce que propose le gouvernement en matière d'annualisation. Le Conseil des prélèvements obligatoire suggère une mesure complémentaire que je présenterai cet après-midi. Au total, il serait possible d'économiser environ 4 milliards d'euros sur les exonérations.

La Cour s'attachera à comparer la fiscalité, mais aussi l'évolution de l'industrie, en France et en Allemagne, mais il apparaît d'ores et déjà que les exonérations de cotisations n'ont pas empêché la désindustrialisation de la première par rapport à la seconde…

Ce n'est pas la première fois que la Cour des Comptes prend position à propos du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Elle a toujours considéré que la constitution de réserves allait dans le bon sens, afin de répondre à de légitimes préoccupations d'équité entre les générations et de contribuer à assurer la pérennité des régimes de retraite. Nous pensons qu'il faut jouer sur tous les paramètres – âge, durée, assiette et montant des cotisations. Compte tenu des propositions qui sont faites, nous nous interrogeons sur la possibilité d'un retour à l'équilibre en 2018-2020, ainsi d'ailleurs que sur le montant même des futures retraites. Il nous semble donc qu'il y a un risque que les ressources du FRR viennent alors à manquer si on les utilise maintenant.

Il est vrai que la T2A a eu un certain nombre de conséquences négatives et qu'elle est contestée. Nous considérons néanmoins qu'il s'agit du moins mauvais des systèmes et qu'il est en tout cas bien meilleur que le précédent.

Nous n'avons de cesse de rappeler qu'en matière de sécurité sociale, parce qu'il s'agit de dépenses courantes, d'une autre nature que celles d'investissement de l'État, les comptes devraient être à l'équilibre et que le principe devrait être la généralité du prélèvement sur tous les revenus acquis en contrepartie ou à l'occasion du travail. Priver la sécurité sociale de certaines recettes au nom de politiques sectorielles qui lui sont étrangères fragilise obligatoirement l'ensemble des régimes. Tel est le message que nous nous efforçons de faire passer. On parle beaucoup de la « règle d'or » : en matière de sécurité sociale, ce devrait être un principe absolu qui devrait comme d'autres, l'examen de la loi de programmation des finances publiques le confirme, être élevé au niveau organique afin de s'imposer aux lois ordinaires que sont les lois de finances et de financement.

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