Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Chantal Bourragué

Réunion du 7 octobre 2010 à 9h30
Accord fiscal france-antigua et barbuda — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Bourragué :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l'examen en commission le 15 septembre dernier, le groupe GDR a souhaité que l'accord en matière d'échange de renseignements fiscaux entre le Gouvernement français et celui d'Antigua-et-Barbuda fasse l'objet d'un débat et d'un vote en séance publique et non d'une procédure simplifiée, comme cela a été le cas pour les nombreux accords de ce type que nous avons déjà approuvés.

Le rapporteur du projet de loi, notre collègue Loïc Bouvard, n'a pas pu se rendre disponible pour cette séance imprévue : il est actuellement en déplacement à l'étranger et vous prie d'excuser son absence. Permettez-moi d'ailleurs de m'interroger, avec lui, sur les raisons et la pertinence d'une telle procédure étant donné que le présent texte est strictement identique à quatre autres accords de ce type, avec des États voisins d'Antigua-et-Barbuda et présentant des systèmes politiques et fiscaux comparables, accords adoptés par l'Assemblée le 30 septembre dernier en procédure simplifiée.

Cet accord s'inscrit dans la liste des nombreux accords de cette nature que la France a récemment signés pour traduire son engagement contre l'évasion fiscale et prolonger les efforts déployés par le G 20. En 2000, l'Organisation de coopération et de développement économique établissait une liste des paradis fiscaux afin d'inciter les pays concernés à mettre en oeuvre les standards internationaux en matière de transparence fiscale.

En vue de relancer le processus de régulation, une conférence internationale a été organisée fin 2008 à Paris, sous l'impulsion des ministres des finances français et allemand, visant à faire évoluer la situation qui, jusqu'alors, n'avait pas vraiment connu d'amélioration.

Dans cette perspective, l'OCDE publiait, le 2 avril 2009, une liste grise sur laquelle figuraient un certain nombre de pays, dont Antigua-et-Barbuda. Ces États s'engageaient à signer un minimum de douze accords internationaux devant permettre l'échange de renseignements conformément aux standards internationaux pour pouvoir figurer sur la liste blanche.

Antigua-et-Barbuda est un État insulaire des Petites Antilles. D'une superficie de 442 kilomètres carrés et d'une population d'environ 86 000 habitants, le pays est composé de trois îles : Antigua au sud, Barbuda au nord et Redonda, qui est un îlot inhabité. Ce pays est situé non loin de la Guadeloupe et de la Martinique. La présence française et la coopération régionale y sont importantes.

Cette ancienne colonie britannique est indépendante depuis le 1er novembre 1981. Comme on peut l'imaginer, l'influence du Royaume-Uni dans le système institutionnel et les structures politiques est très importante. Le système parlementaire bicaméral est constitué d'un Sénat et d'une Chambre des représentants.

L'économie du pays est de taille modeste, puisque le PIB s'élève à 1 225 millions de dollars américains, mais elle est la plus prospère de la Caraïbe orientale. Après trois siècles d'une économie reposant exclusivement sur l'industrie sucrière, la fin des années 70 a vu une diversification de l'économie, qui se tourne désormais vers les services, essentiellement le tourisme, avec un flux de 800 000 visiteurs par an, soit près de dix fois la population du pays. La croissance économique du pays est également portée par le secteur de la construction, qui entraîne le développement des secteurs des transports et du commerce de gros.

L'économie du pays connaît surtout une forte dépendance à l'égard d'un secteur financier qui a prospéré grâce à une fiscalité favorable permettant d'attirer des capitaux étrangers dont les détenteurs cherchent à s'exonérer de taux plus élevés dans leurs pays d'origine. En comparaison des grands centres financiers, Antigua-et-Barbuda est de petite taille, puisque seulement 3 milliards de dollars américains d'actifs y sont gérés ; en revanche, le pays propose une offre importante de gestion de fortune.

Soucieux d'être retiré de la liste grise, Antigua-et-Barbuda a signé, à l'heure actuelle, dix-sept accords d'échange de renseignements en matière fiscale. Cet État figure ainsi sur la liste blanche publiée le 25 février dernier.

Malgré ces efforts, le secteur offshore reste très dynamique ; le pays héberge un nombre important d'entreprises de jeux sur internet, qui ont fait l'objet d'un litige avec les États-Unis en 2005, porté devant l'organe de règlements des différends de l'OMC et remporté par Antigua-et-Barbuda. Depuis lors, une vingtaine de compagnies ont ouvert de tels sites à Antigua. De plus, Antigua-et-Barbuda possède un pavillon de complaisance.

L'accord bilatéral relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, signé les 22 et 26 mars 2010, fait partie des accords de « deuxième génération », c'est-à-dire de ceux qui comportent des améliorations par rapport au modèle de l'OCDE, en particulier s'agissant des impôts couverts et de l'obligation pour les parties de prendre des mesures de nature à garantir la disponibilité des informations et leur propre capacité à y accéder.

L'article 1er prévoit une assistance en matière fiscale, de manière à aider les parties contractantes à appliquer leurs législations en ce qui concerne les impôts visés par l'accord. L'article 3 détermine les impôts en question sans les énumérer : allant plus loin que le modèle de l'OCDE, il vise l'ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l'accord, et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient. L'article 5 constitue le coeur de l'accord puisqu'il fixe la procédure applicable à l'échange de renseignements.

Dans l'hypothèse où la partie requise ne dispose pas des renseignements qui lui sont demandés, elle est tenue de prendre toutes les mesures adéquates de collecte nécessaires pour fournir à la partie requérante les informations demandées, même si elle n'en a elle-même pas besoin pour ses propres fins fiscales. En d'autres termes, une obligation de résultat incombe aux parties contractantes.

En parallèle, l'article 6 donne à la partie requérante la possibilité de mandater des représentants qui peuvent être autorisés à effectuer des enquêtes ou des contrôles fiscaux sur le territoire de la partie requise.

L'article 7 détaille les motifs de l'éventuel rejet d'une demande : le secret bancaire ne saurait constituer un tel motif.

Pour ce qui est de la prise en charge des frais, l'article 9 en fixe les principes : les coûts ordinaires sont pris en charge par la partie requise, et les frais extraordinaires par la partie requérante. Néanmoins, le remboursement de ces derniers n'est qu'une possibilité offerte à la partie requise, ce qui est une avancée par rapport au modèle de l'OCDE.

L'article 10 de l'accord exige des parties qu'elles « adoptent toute législation pour se conformer au présent accord et lui donner effet ».

Antigua-et-Barbuda est aussi tenu de respecter ses engagements et de mettre en oeuvre le présent accord. À défaut, les conséquences en seront tirées, tant au niveau du Forum mondial, dont la revue par les pairs se fera au cours du premier semestre 2011, qu'en interne.

À ce jour, Antigua-et-Barbuda n'a pas notifié l'accomplissement des procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de cet accord, qui constitue une étape dans la lutte contre les paradis fiscaux. Il convient désormais de s'assurer qu'il entrera en application le plus rapidement possible.

Je le répète, ce type d'accord constitue une première avancée, qui permettra, dans ce cadre, d'exercer un contrôle de son application effective par la communauté internationale, en l'occurrence par la communauté des pays de l'OCDE.

Compte tenu du rôle déjà joué par la pression internationale, je crois qu'il nous faut poursuivre dans cette voie, et je vous invite par conséquent, comme l'a fait la commission des affaires étrangères, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion