Pour répondre à M. Pierre Lasbordes, je dirai que ce projet ne se limite évidemment pas à l'aménagement, mais qu'il est porteur d'une grande ambition au service du campus et du cluster. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le législateur a créé cet établissement public atypique qui combine des compétences d'aménagement et de développement économique, avec également un regard sur les aspects scientifiques, même s'il ne gère pas directement cet aspect du projet qui est du ressort de la fondation de coopération scientifique. Il est clair que les questions scientifiques doivent demeurer l'apanage des scientifiques et que l'établissement public n'a pas vocation à les superviser, mais à travailler de concert avec la fondation.
À l'heure actuelle, le site de Saclay est principalement axé sur la recherche fondamentale, notamment dans le domaine de la physique, un des défis à relever consiste à créer davantage de liens en direction des sciences appliquées. Ces sujets relèvent des scientifiques et la contribution de l'établissement public consiste à aménager le site pour le transformer en un véritable campus digne de ce nom.
En ce qui concerne la superficie du site, vous savez que le territoire est immense, 7 500 hectares constitués essentiellement d'exploitations agricoles et de bois. Les 2 300 hectares dédiés au développement du site lui-même concernent la frange au sud sur le bord du plateau pour le campus et sur la partie nord ouest vers Satory en complément du développement de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines. L'espace agricole ne devrait donc qu'être très faiblement concerné. Je travaille en concertation avec les chambres d'agriculture et j'ai personnellement rencontré chacun des exploitants agricoles du plateau. La véritable question qui se pose est celle de l'avenir de cette agriculture très proche des centres urbains, de son évolution en lien avec l'environnement urbain. À cet égard, les points de vue sont aussi variés que le sont les stratégies de ces véritables entrepreneurs que sont les exploitants agricoles et il convient également de prendre en compte le mouvement des Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP). Je compte m'appuyer sur les ressources intellectuelles de l'INRA et de l'Agro qui auront leur siège sur le campus.
L'aménagement du site repose sur le principe de la mixité des fonctions aussi bien sur la partie campus au sud qu'au nord vers Satory. Il est absolument nécessaire d'éviter la création de ghettos scientifiques. Aujourd'hui l'ensemble du plateau est monofonctionnel ; il n'y a aucune interpénétration entre les différentes activités, à l'image du techno-centre de Renault qui fonctionne pratiquement en autarcie, en raison notamment des problèmes de transports rencontrés par les salariés. Notre démarche consiste à promouvoir la mixité des fonctions, sans pour autant aller vers la création d'une véritable « ville nouvelle » qui empiéterait largement sur les terres agricoles. À cet égard le choix de ne développer que le pôle de Saint-Quentin apparaît rétrospectivement le plus réaliste. Il faut donc développer l'enseignement supérieur sur le campus en lien avec le développement économique comme l'illustre parfaitement l'implantation de Thalès sur le site de Polytechnique.
En matière de logement, les annonces qui avaient été faites il y a quelques années de créer 150 000 logements ne sont plus d'actualité. Un consensus est en revanche apparu sur la nécessité de mettre en place un véritable campus résidentiel, comme cela existe partout dans le monde. Il est nécessaire de construire des logements étudiants de qualité destinés aussi bien aux grandes écoles qu'aux universités, là aussi pour introduire un élément de mixité qui fait défaut de manière caricaturale à l'heure actuelle. Mais il faut également créer des logements pour les familles, car il existe un besoin important de logements abordables en région parisienne d'une manière générale et sur le Plateau de Saclay en particulier. Il s'agit bien entendu d'un sujet qui ne peut être abordé qu'en lien avec les collectivités locales.
Mais il est tout aussi nécessaire de prévoir l'implantation de services et de commerces qui font actuellement cruellement défaut sur le Plateau de Saclay. Pour implanter de l'animation, il est indispensable à la fois de créer de la compacité et de disposer d'habitations permanentes sur le Plateau et la vallée. Nous avons mené conjointement avec les collectivités un travail de sélection d'un maître d'oeuvre urbaine et paysagère et un paysagiste réputé internationalement, M. Michel Desvigne, a été choisi en qualité de mandataire. Il est envisagé de constituer un système en archipel autour de zones compactes à la fois paysagères et urbaines, afin de présenter un visage à la fois plus dense et plus accueillant. Il est indispensable de créer des logements pour disposer d'une animation permanente, les propositions du SDRIF en ce domaine paraissant d'ailleurs tout à fait acceptables.
La question des transports est évidemment centrale, car la pénurie actuelle en ce domaine explique en grande partie la difficulté à implanter des PME sur le Plateau de Saclay. Il est nécessaire d'agir conjointement dans trois directions, tout d'abord pour améliorer les transports existants comme le RER B et le RER C qui tendent à se dégrader, ensuite pour améliorer la desserte par les transports en commun en site propre qui est déjà réalisé en partie sur la zone sud et à Saint-Quentin-en-Yvelines et dont la prolongation est envisagée par le STIF. Cette infrastructure permettra l'utilisation de bus à haut niveau de service et à terme du tramway. Elle constituera l'épine dorsale d'est en ouest, sachant qu'une autre épine dorsale nord-sud est à l'étude car elle permettrait de relier la zone des Ulis à Vélizy et de desservir le campus d'HEC. Enfin dans le cadre du projet, il apparaît indispensable de prévoir une desserte rapide métropolitaine. Les études de modélisation disponibles tendent à montrer que le trafic serait assez faible, mais ces études ne comprennent pas la création d'une gare à l'est de Saint Quentin qui permettrait de drainer un vaste public. Même si le coût du kilomètre par usager est plus élevé dans cette région que dans la petite couronne, il convient de prendre en compte le besoin de développement de la région sur une période longue.
Les questions économiques portent notamment sur les voies et moyens de faire venir des PME sur le plateau. À cet égard, l'aménagement est fondamental et déjà opérationnel pour ce qui concerne l'accueil des PME en phase de croissance, puisque trois incubateurs sont en fonction. L'effort doit désormais porter sur la phase de maturation des entreprises et il est nécessaire de s'appuyer sur les pôles de compétitivité comme Systématic, Movéo et Médicen pour la biologie qui est la science appelée à irriguer tout le Plateau de Saclay.
La question de savoir si Saclay va « siphonner » les autres investissements n'a pas sa place dans une économie ouverte comme la nôtre. Il est au contraire indispensable de disposer de locomotives qui renforcent le réseau et de nouer des partenariats avec un pôle comme la « cité Descartes ».
Par ailleurs, il convient de remédier à la sous-représentation des sciences humaines. Le grand pôle en la matière est la « cité Descartes », avec laquelle il faudra créer un partenariat formel. Dans un autre ordre d'idées, on doit être à la pointe des innovations, par exemple, en expérimentant de nouvelles formes de mobilité ou en tissant un partenariat avec l'institut décarboné de la « cité Descartes ». On doit enfin améliorer la connexion avec Orly.
L'association avec les collectivités locales est un sujet majeur. Je propose de créer au sein de l'établissement public des commissions géographiques et thématiques qui pourraient être animées par des élus. On a déjà mis en place un groupe de travail portant sur la zone Saint-Quentin–La Minière–Versailles. On pourrait procéder de la même façon, s'agissant de la zone Campus et de Massy, mais je dois au préalable en discuter avec les élus. D'un point de vue thématique, deux sujets devront être discutés : d'une part, les transports, d'autre part, le logement et le cadre de vie.
Enfin, s'agissant des moyens financiers, j'éprouve encore quelques inquiétudes. On dispose certes de financements exceptionnels dans le cadre de l'« opération campus » : un milliard 850 millions ont déjà été versés, auxquels s'ajoutent les réponses qui sont en cours d'élaboration dans le cadre des autres appels à projets du « grand emprunt ». Cela représentera 2 milliards d'euros. Mais cette somme concerne essentiellement l'immobilier. La question reste posée du mode de financement de l'aménagement. Un besoin de financement important demeure concernant les infrastructures de base. À cet égard, l'effort financier du Conseil général de l'Essonne ne suffira pas. Cette charge ne peut peser seulement sur les collectivités locales. L'État doit y prendre sa part.
Je terminerai par la question foncière, qui est à la fois la garante d'un aménagement maîtrisé et qui renforce l'actif de l'établissement public. Je citerai à cet égard la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris qui prévoit, en son article 32, que « l'État peut transférer, en pleine propriété et à titre gratuit, à l'Établissement public de Paris-Saclay, sur la demande de ce dernier, ses biens fonciers et immobiliers, à l'exclusion des forêts domaniales ».