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Intervention de Mathieu Gallet

Réunion du 6 octobre 2010 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Mathieu Gallet, président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel, INA :

Les principaux clients de l'INA sont les diffuseurs et notamment les diffuseurs publics puisque nous sommes liés par une convention avec France Télévisions et Radio France qui utilisent les fonds de l'INA. Le service rendu aux diffuseurs publics est de plus en plus performant, du fait notamment de la numérisation. Nous sommes par exemple désormais en mesure de livrer une image à un journaliste de France Télévisions en deux heures, ce qui prenait quelques semaines il y a encore quelques années.

Les gros clients de l'INA sont également les diffuseurs privés. Il y a en effet un risque de voir le fonds dévolu à l'INA vieillir puisqu'en vertu de la loi, il s'arrête en 1982 pour TF1. Par conséquent, nous développons une politique de mandats de gestion avec les diffuseurs privés. Un contrat de 13 ans a été signé en 2008 avec TF1 par lequel nous numérisons les fonds d'actualité de la chaîne sur longue période, nous en commercialisons des extraits et partageons par la suite les recettes qui en découlent.

Nous développons également une politique de mandats avec des producteurs indépendants. Rappelons en effet que depuis le début des années 1990, les chaînes ne sont plus détentrices de beaucoup de droits, en dehors de l'information et des magazines. Nous avons ainsi passé un accord avec Thierry Ardisson : nous gérons le fonds d'archives de sa maison de production, nous valorisons ses émissions sur le site ina.fr et nous éditerons des DVD. Les recettes issues de cette valorisation seront ensuite partagées selon la même logique.

Nos clients sont donc diversifiés. Ce sont des diffuseurs, des producteurs et, à travers la formation professionnelle, l'ensemble du monde audiovisuel, et même au-delà puisque la société Orange nous envoie par exemple des stagiaires pour les former au média global ou encore à la fonction de journaliste reporter d'images.

S'agissant de la sauvegarde, je souhaite rappeler qu'une fois la numérisation effectuée, nous conservons tous les originaux dans des hangars situés dans les Yvelines que nous restaurons et mettons aux normes d'hygrométrie et de climatisation. Depuis dix ans, nous numérisons sous le format MPEG1MPEG2 mais il est vrai que dans les prochaines années, il nous faudra développer un format pivot qui soit un socle nous permettant de ne pas remettre notre ouvrage sur le métier tous les cinq ou dix ans. Il s'agit là d'une préoccupation majeure.

En ce qui concerne les tarifs de l'INA, il faut avoir à l'esprit que l'Institut ne se contente pas de fournir des images « en vrac ». Les images n'ont une valeur qu'à partir du moment où l'on est en mesure de les trouver, ce qui implique, en amont, un travail considérable de description de ces images, d'indexation, de classification, de référencement par les équipes de l'INA. Cela représente 200 documentalistes auxquels s'ajoutent nos équipes de juristes qui gèrent les relations avec 280 000 ayants droit. Je préfère donc parler de valeur, plutôt que de prix, du service toujours plus performant rendu par l'INA à ses clients. Récemment, l'INA a par exemple produit un documentaire sur la carrière de Gilles Jacob. Nous avons pu retrouver et valoriser les images d'une émission de 1957 dans laquelle il apparaissait et ce, parce que le travail effectué en amont nous a donné les clés pour retrouver cette image.

S'agissant des indépendances africaines, nous n'avons pas attendu 2012 pour effectuer un travail sur la célébration de leur cinquantenaire. Dès cette année, l'INA a participé à des projets de production de quatre documentaires de 90 minutes coproduits avec France Télévisions, consacrés à l'homme africain, qui seront diffusés dans les prochains jours sur France 5. L'INA a également effectué un travail auprès des radio et télédiffuseurs africains pour leur remettre des archives d'images détenues par l'Institut, antérieures à l'indépendance. Évidemment, en 2012, nous serons au rendez-vous.

Il est vrai qu'aujourd'hui nous n'avons pas de liens significatifs avec l'audiovisuel extérieur, y compris avec RFI dont nous devrions gérer le fonds. C'est un sujet que je souhaite aborder avec le Président-directeur général de l'AEF prochainement car les points de convergence me paraissent importants. L'INA nouera également des partenariats avec l'Institut français.

Comment faire face au défi quantitatif des images ? 800 000 heures d'images doivent être stockées chaque année au titre du dépôt légal pour 100 chaînes de télévision et 20 stations de radio. C'est colossal, mais nous y parvenons notamment parce que les chaînes nous livrent leurs fonds de façon rapide et efficace. Mais nous devrons sans doute faire évoluer nos moyens de stockage. S'agissant du périmètre actuel du dépôt légal, il me paraît un objectif déjà très ambitieux qui couvre très largement le paysage audiovisuel français.

Les réserves formulées par le CSA sur notre COM sont les mêmes que celles qu'avaient formulées les sénateurs. Effectivement, à l'issue du COM 3, seuls 88 % de notre fonds seront numérisés. Ce n'est pas totalement satisfaisant, mais nous comptons déposer un dossier au titre des investissements d'avenir pour atteindre les 100 %. 30 millions d'euros seront nécessaires pour y arriver. Il s'agit notamment de numériser les très importants fonds de RFO, qui sont aujourd'hui conservés dans des conditions non optimales – hygrométrie, chaleur, etc. Le risque de perdre ces fonds, ou de les voir se détériorer, est important.

Ce dossier sera malgré tout difficile à défendre au titre des investissements d'avenir car, s'agissant d'emprunt, nous devons montrer notre capacité à rembourser. Or nos fonds rentables sont déjà numérisés. Même si les fonds restant à numériser présentent un très grand intérêt patrimonial, leur « monétisation » est plus délicate. Nous allons malgré tout faire tout notre possible pour convaincre le commissaire général à l'investissement, M. René Ricol.

Dans le cas où le dossier ne serait pas retenu, nous devrions inscrire cet objectif dans le prochain COM, ce qui impliquerait une numérisation postérieure à 2015.

S'agissant du dépôt légal sur internet, le décret est en cours de publication. Selon les informations qui m'ont été communiquées par le cabinet du ministre de la culture, le décret devrait paraître d'ici à janvier 2011 après différentes validations – Commission européenne, Conseil d'État, etc. L'INA est techniquement prêt à capter les sites internet audiovisuels. Nous avons par ailleurs trouvé un accord avec la Bibliothèque nationale de France (BNF) qui utilise une méthodologie légèrement différente de la nôtre, ce qui implique des champs de recoupement. L'accord instaure un bon équilibre. Nous attendons donc maintenant la publication du décret pour partager ces ressources avec les chercheurs et les étudiants.

Concernant l'insuffisance de l'ouverture aux usagers du dépôt légal, nous réfléchissons effectivement aux possibilités d'élargir les points de consultation aux médiathèques des collectivités territoriales ou aux bibliothèques universitaires afin que les étudiants ou les chercheurs, notamment en région, puissent plus facilement utiliser ces ressources. Il est effectivement anormal qu'une personne située à Limoges doive aller à Toulouse pour consulter le dépôt légal. Un partenariat est en cours de construction avec la médiathèque de Bordeaux. C'est un travail de longue haleine, qui implique la formation de médiateurs, mais également une forte sécurisation des sites pour éviter tout piratage.

S'agissant du projet immobilier, tout le monde a en tête le dérapage de la maison de la radio. L'inquiétude est donc légitime. Mais la situation de l'INA est différente puisque le lieu de construction sera « neutre », les personnels ne travaillant pas sur place durant les travaux. Nous nous sommes fixé un calendrier de cinq ans, les premières études et les consultations devant commencer à la fin de l'année et le bâtiment être livré en 2015. Nous ne souhaitons pas aller au-delà, pour ne pas démobiliser les personnels et les étudiants.

Concernant les fonds d'archives, la numérisation des photographies de tournages et des plateaux de l'ORTF est en cours. L'INA possède de très beaux clichés, comme celui de Brigitte Bardot sur une Harley Davidson… Nous aimerions développer un partenariat avec la RMN dans le cadre des investissements d'avenir. Nous sommes étonnés que la RMN ne fasse pas partie du « premier étage » des projets retenus. D'un autre côté, cela permettra peut-être à notre dossier conjoint de mûrir.

S'agissant de la question de Mme Buffet concernant l'activité de production de l'INA : c'est une activité peu connue du grand public mais reconnue des professionnels. Ce troisième métier de l'INA représente un chiffre d'affaires de 4,8 millions d'euros. L'INA est producteur, coproducteur, producteur délégué ou associé, principalement de documentaires. 70 films sont concernés annuellement. L'INA est complémentaire des acteurs privés et travaille notamment avec l'Afrique. Je souhaite que nous développions une ligne éditoriale forte et affirmée, afin de ne pas devenir le supplétif des chaînes et des diffuseurs, mais un acteur clé, dès le démarrage des projets.

L'INA est donc un bel outil, une entreprise complète, que l'on pourrait qualifier « d'écosystème audiovisuel ».

La recherche maintenant : elle représente un chiffre d'affaires de 1,4 million d'euros et s'inscrit dans la réponse à des appels d'offres européens, par exemple le projet Quaero. Nous sommes très dépendants de ces appels d'offres. Les chercheurs développent également des outils internes que nous diffusons ensuite à l'extérieur. Ainsi, Signature est un outil de fingerprint qui contribue à la sécurisation des oeuvres audiovisuelles sur internet. Cet outil est aujourd'hui commercialisé auprès de diffuseurs et d'acteurs de l'internet, comme Dailymotion. Nous sommes également très actifs au sein d'Europeana ou dans le cadre du groupe de recherche musicale (GRM) – laboratoire d'expérimentation sonore.

S'agissant de l'emploi et de la convention collective, comme vous avez pu le constater à la lecture du COM, nous sommes en « isoemploi », c'est-à-dire qu'entre le début et la fin du COM, après une « bosse » liée principalement au recrutement d'enseignants et de formateurs, la pyramide des âges de l'entreprise contribuera – avec les départs en retraite – à la stabilité du nombre de salariés en fin de COM.

Le site inaglobal.fr relève d'une petite équipe constituée au sein d'INA Sup autour de Frédéric Martel, chercheur associé à l'INA, et composée de contributeurs extérieurs (chercheurs, journalistes, professionnels, etc.). Le projet s'inscrit très clairement dans le processus de légitimation et de crédibilisation d'INA Sup. Nous tenons à affirmer le sérieux de la recherche à l'INA. La publication INA Stat s'inscrit dans le même cadre et inaglobal.fr doit constituer un moyen de diffusion de toutes ces ressources sur internet.

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