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Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 28 septembre 2010 à 17h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Montchamp, Rapporteur pour avis :

La gestion de la dette sociale est devenue, au sein de notre Commission, l'objet de débats récurrents et, en tant que rapporteur pour avis du PLFSS, j'ai personnellement appelé votre attention sur le sujet à plusieurs reprises. Le tableau de bord des comptes sociaux, qui permet un suivi infra-annuel du déficit du régime général et du financement de notre dette sociale, a en effet mis en évidence ce que j'ai appelé le risque financier, auquel notre système de protection sociale est confronté depuis deux ans, en raison d'une crise qui a eu un effet dévastateur sur la masse salariale. Pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, le déficit cumulé entre 2009 et 2011 dépasse 87 milliards d'euros ! C'est un véritable risque dans le risque, propre à notre système de sécurité sociale, qui se matérialise aujourd'hui. Comment en effet garantir le financement des déficits passés et celui des déficits structurels à venir tout en amortissant la dette sociale alors que les montants en jeu atteignent un niveau sans précédent et exigent, plus que jamais, que tout soit fait pour sauvegarder la qualité de la signature publique auprès des financeurs ? C'est à l'aune de ces interrogations que doivent être évaluées les dispositions proposées par le Gouvernement. Je me suis donc concentrée sur le risque financier pour rendre l'avis que je vais vous soumettre.

Le traitement des déficits cumulés de la sécurité sociale est impératif. Il n'est plus possible de le reporter parce qu'il n'est plus possible de faire supporter à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, l'ACOSS, antichambre de la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES– , le poids du portage de la dette. L'Agence a vocation à gérer un déficit infra-annuel, et non le déficit cumulé, comme le rappelle avec insistance la Cour des comptes. Nous sommes aujourd'hui au pied du mur : il y a urgence, faute d'avoir, comme je l'avais proposé, pris des mesures pour traiter le déficit de 2009. Soyons conscients que de la présente réforme du texte organique dépendent la cohérence et la solidité du financement de la sécurité sociale. En effet, notre système, du fait de ses déséquilibres, nécessite des financements tout à la fois au jour le jour et à long terme. C'est le souci de satisfaire ce double besoin qui m'a servi de grille de lecture du texte. Les amendements que je vous exposerai procèdent de cette nécessité.

Le présent projet de loi organique est court. Il se contente de fixer le cadre d'une reprise de dette de près de 130 milliards d'euros au total, qui se matérialisera essentiellement dans le PLFSS et le PLF pour 2011. Il consiste en trois points principaux.

Premièrement, un report de quatre ans de l'échéance d'amortissement de la CADES est proposé pour permettre le transfert de 34 milliards d'euros, correspondant à la « dette de crise » du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – pour 2009 et 2010.

Deuxièmement, des recettes nouvelles à hauteur de 3,2 milliards d'euros, dont je souligne d'ores et déjà qu'elles ne sont pas pérennes, seraient affectées à la Caisse pour permettre la reprise des déficits « hors crise » du régime général et du FSV pour 2009 et 2010 ainsi que du déficit prévisionnel de 2011 de la seule branche maladie.

Troisièmement, les actifs du Fonds de réserve des retraites – FRR – et le produit du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement qui lui est affecté à hauteur de 65 % serviront à la reprise par la Caisse des déficits cumulés à venir de la branche vieillesse sur la période 2011-2018. Ce sont ainsi 3,6 milliards d'euros qui seraient mobilisables chaque année par la CADES, soit 2,1 milliards au titre du décaissement, linéaire, des actifs du FRR et 1,5 milliard au titre de la recette issue du prélèvement de 2 %.

Ce projet de loi organique propose un traitement de la dette sociale : il en fixe le cadre et constitue une sorte de « test de résistance » – ou stress test – des organismes de sécurité sociale face au risque financier – « ça passe ou ça casse ! ». Dans le dispositif en cause, la CADES est le vaisseau amiral. Elle mérite donc toute notre attention. Dans le cadre du transfert massif et inéluctable de dette qui va être opéré, nous devons assurer la solidité et la fiabilité de la barre. Si l'on peut admettre, non sans regret, que la route soit quelque peu allongée, elle doit être rendue parfaitement sûre. L'horizon d'amortissement sera repoussé de quatre ans, c'est-à-dire à 2025, mais la dérogation autorisée par le projet de loi organique reste tout à fait exceptionnelle. Elle sera réservée au transfert opéré dans le cadre du seul projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et limitée dans le temps.

En revanche, il est inconcevable de décider un tel report sans garantir pleinement et entièrement les recettes qui, conformément à la lettre et à l'esprit de la loi organique de 2005, seront affectées à la Caisse pour assurer l'amortissement de cette nouvelle campagne de défaisance. La pérennité des recettes de la Caisse est non seulement un impératif pour sa bonne gestion, pour garantir que son échéance, quoique prorogée, sera respectée, mais également un enjeu crucial pour la Caisse qui se finance sur les marchés. Si la qualité de sa signature permet aujourd'hui à la CADES de le faire dans de bonnes conditions, elle sera amenée, avec la reprise de 68 milliards d'euros de dette dès 2011, à procéder à des émissions à court terme pour des montants très importants. Aujourd'hui, ces émissions représentent environ 11 % du total. La Caisse devra, à l'issue de ce projet de loi, verser de l'ordre de 10 milliards d'euros par mois à l'ACOSS, à partir de fin janvier début février 2011 : en conséquence, la part de ses émissions à court terme pourrait s'établir à 30 à 40 % du total de ses émissions.

Le marché finance 60 % des déficits publics français, on ne peut pas l'ignorer. C'est pourquoi l'on ne peut risquer d'affaiblir la parole publique à cause du portage de la dette sociale, ni accepter l'idée que la Caisse soit fragilisée, alors que la confiance pleine et entière des financeurs lui sera, plus que jamais, indispensable. Je vous présenterai donc un amendement destiné à assurer la pérennité des recettes de la Caisse, afin de donner une valeur organique à une règle qui figure aujourd'hui dans l'ordonnance de 1996 portant création de la Caisse. Cette règle est d'autant plus importante que, si le Gouvernement propose de traiter les déficits cumulés du régime général et les déficits à venir de la branche vieillesse – et il faut rendre justice à son volontarisme –, son schéma n'intègre pas les déficits structurels à venir de la branche maladie et, potentiellement, du FSV : le risque financier de la sécurité sociale ne sera donc pas levé, et une solution devra, en tout état de cause, être trouvée. Cette question sera au coeur de notre débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 car, je le rappelle, le présent projet de loi organique se contente d'organiser le cadre d'un financement sécurisé.

En résumé, les déficits se sont largement creusés, dans un contexte de raréfaction de la ressource. Le texte s'adapte aux contraintes nouvelles de la défaisance de la dette sociale. En revoyant la loi organique, nous donnerons la possibilité à notre navire amiral de remplir efficacement sa mission, en évitant la contagion du risque à un autre bâtiment, l'ACOSS, qu'une absence de rigueur de notre part exposerait à une plus grande instabilité. Sous réserve du vote des amendements que je vous soumettrai, je vous propose donc de rendre un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi organique.

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