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Intervention de Jean Launay

Réunion du 28 septembre 2010 à 17h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay, co-rapporteur :

À la fin des années quatre-vingt-dix, sous l'impulsion du droit communautaire, les États-membres de l'Union européenne ont été contraints d'ouvrir à la concurrence leur marché national de l'électricité. Cependant, pour la première fois, le « service public » est mentionné en tant que tel dans une directive, ouvrant la voie, en matière de fourniture d'électricité, à un équilibre entre libéralisation et missions d'intérêt général.

Cet équilibre se retrouve dans la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité qui, au-delà de l'ouverture à la concurrence, a défini les missions du service public de l'électricité parmi lesquelles :

– le développement « équilibré » de l'approvisionnement en électricité, qui fonde notamment l'obligation pour les fournisseurs d'électricité – en particulier EDF, de racheter à ses producteurs, à prix garanti par contrat, l'électricité d'origine renouvelable ;

– la fourniture d'électricité sur l'ensemble du territoire, fondement de l'obligation pour les producteurs de garantir l'approvisionnement des zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain, c'est-à-dire en pratique, les îles métropolitaines et les départements et collectivités d'outre-mer ;

– la fourniture d'électricité aux plus démunis, qui se traduit par la mise en oeuvre d'une politique sociale via une tarification spéciale de l'électricité « produit de première nécessité » et une aide financière du FSL.

Ces trois missions de service public – rachat de l'électricité d'origine renouvelable, fourniture d'électricité dans les ZNI et politique sociale de l'électricité – constituent des « charges de service public » au sens de l'article 5 de la loi du 10 février 2000 précitée.

En effet, ces missions de service public ne sont pas couvertes par la seule vente de l'électricité ; elles constituent donc une charge pour les entreprises qui les assument, c'est-à-dire en pratique et pour l'essentiel, EDF.

S'agissant de l'électricité d'origine renouvelable, celle-ci est achetée par EDF à un prix fixé par arrêté et largement supérieur au coût auquel elle est ensuite revendue au consommateur. Si les tarifs applicables à l'électricité d'origine photovoltaïque ont été diminués de 12 % par l'arrêté du 31 août 2010, pour les seuls professionnels, ils restent néanmoins très élevés.

S'agissant de la deuxième mission de service public, la fourniture d'électricité à l'ensemble du territoire, celle-ci se traduit par une péréquation tarifaire géographique qui permet au consommateur ultramarin de payer son électricité le même prix que le consommateur métropolitain, bien que les coûts de production soient bien plus élevés outre-mer en raison du transport des énergies fossiles, de la nécessité d'importants stockages de sécurité et de l'étroitesse du marché local qui rend impossible les économies d'échelle.

Enfin, la loi du 10 février 2000 a institué un tarif social de l'électricité (réduction de 30 à 50 % du tarif sur les 100 premiers KwH consommés chaque mois), mis en oeuvre depuis 2004. Il bénéficie aujourd'hui à environ 650 000 personnes. Ce tarif se double d'une aide accordée en cas de facture impayée et financée, elle aussi, par les fournisseurs d'électricité.

Le coût que représentent ces charges pour les fournisseurs d'électricité leur est compensé via une imposition de toute nature : la contribution au service public de l'électricité (CSPE), payée par l'ensemble des consommateurs d'électricité.

La CSPE est assise sur la consommation d'électricité telle qu'elle figure sur la facture. Son tarif est fixé par un arrêté du ministre chargé de l'énergie dans la limite d'un plafond fixé par la loi du 10 février 2000 à 5,48 €MW. Le tarif est calculé de sorte que les contributions couvrent la totalité des charges de service public telles qu'évaluées chaque année par la CRE, conformément à la lettre de la loi, qui exige une compensation « intégrale ». Le tarif est fixé à 4,5 €MW depuis 2004.

Plusieurs dispositions particulières ont par ailleurs été prévues en faveur des entreprises électro-intensives et de l'auto-production. Selon les chiffres communiqués par EDF, ce sont ainsi environ 20 % de la consommation électrique française, notamment industrielle, qui sont exonérés de CSPE.

La contribution ainsi recouvrée est reversée sur un compte spécifique tenu par la Caisse des dépôts et consignations qui en reverse le produit quatre fois par an aux opérateurs supportant les charges de service public.

Ces éléments de droit et de contexte rappelés, tout irait pour le mieux si les charges de service public n'avaient pas explosé ces dernières années, explosion qui n'a pas été suivie d'un ajustement à la hausse de la CSPE. Par conséquent, alors que la compensation devait être « intégrale », les producteurs supportent une charge nette qui est injustifiée et dont la croissance devient insoutenable.

L'analyse des montants des charges de service public, tels qu'évalués par la Commission de régulation de l'énergie, appelle plusieurs observations.

Globalement, on observe une progression très forte à compter de 2007 en raison de la forte augmentation des énergies fossiles et des à-coups du prix de marché de l'électricité. En effet, lorsque le prix du pétrole et du gaz augmente, les charges liées à la cogénération au gaz s'alourdissent, de même que celles liées à la péréquation tarifaire outre-mer, où l'électricité est essentiellement d'origine thermique. En revanche, lorsque le prix de marché de l'électricité augmente, les surcoûts résultant de l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable diminuent. C'est ainsi que ceux-ci ont contribué négativement aux charges de service public en 2008.

Du point de vue sectoriel, la cogénération et de la péréquation tarifaire représentent plus des deux tiers des charges du service public de l'électricité. Cependant, la plus forte croissance est celle des coûts liés à l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable qui, de 142 millions d'euros en 2003, passerait à 528 millions d'euros en 2010. Or, il est évident que ce dernier montant, qui ne prend pas en compte la « bulle photovoltaïque » de la fin de l'année 2009, est très sous-évalué.

Enfin, si le coût de la politique sociale de l'électricité ne représente qu'une part réduite des charges de service public – moins de 3 % en 2010, il a connu une forte augmentation depuis trois ans.

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