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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 29 septembre 2010 à 11h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand, rapporteur :

Je remercie l'ensemble des orateurs de notre commission dont les interventions traduisent leur implication dans le dossier de l'amiante, comme d'autres collègues tels que M. André Wojciechowski. Il est important que nous ayons été en mesure de travailler ensemble au-delà de nos divergences politiques. Je vais maintenant tenter de répondre de façon synthétique aux questions que vous avez posées.

M. Patrick Roy a soulevé la question du procès pénal unique. Je voudrais rappeler que Mme Françoise Baïssus, chef du bureau de la santé publique, du droit social et de l'environnement à la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice nous avait indiqué qu'il n'était pas envisageable de joindre l'ensemble des dossiers suivis en matière d'amiante en une seule et même procédure ni d'ouvrir un procès pénal qui regrouperait toutes ces affaires. Juridiquement, en vertu de l'article 203 du code de procédure pénale, cette jonction est difficile compte tenu de l'absence de connexité entre les procédures. À supposer que cela soit juridiquement possible, le regroupement risquerait même de retarder l'issue des procédures en cours. C'est un sujet important qui nous divise peut-être, mais il ne me paraît pas souhaitable de faire attendre les victimes dans la perspective d'un procès « grand soir » pénal de l'amiante.

M. Georges Colombier a apprécié les suites positives données aux propositions que nous avions formulées et je l'en remercie. M. Claude Leteurtre a demandé des précisions sur la nocivité des fibres courtes et des fibres fines d'amiante : l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) a démontré le pouvoir cancérigène des fibres fines et s'est interrogée sur celui des fibres courtes ; nous avons donc repris la proposition de l'agence de faire des études complémentaires sur leur présence dans les bâtiments publics. Une étude sera engagée cette année par le Centre scientifique et technique du bâtiment pour deux ans et des tests sont déjà en cours.

J'ai suivi moi aussi mes études au Centre hospitalier universitaire de Caen. Les cas de décès liés à l'amiante qui y sont intervenus ont concerné des personnels techniques travaillant notamment sur le calorifugeage et le chauffage du bâtiment même si de l'amiante reste fixée dans les parties des bâtiments fréquentées par les personnels administratifs, soignants et les visiteurs.

Comme le constatait Mme Valérie Boyer, l'anxiété est majeure chez les personnes qui ont été reconnues comme exposées à l'amiante, mais elle ne doit pas être majorée chez les personnes qui vivent dans des bâtiments amiantés. Or la différence est très importante et il est essentiel de ne pas mélanger les deux types de population. C'est ainsi, comme le remarquait justement Mme Laurence Dumont, que le risque au Centre hospitalier universitaire de Caen n'est aujourd'hui réel que dans le cadre des opérations de désamiantage, au moment où l'on intervient justement sur les fibres. Je me réjouis de la reconstruction du centre puisqu'il nous a été signalé qu'aujourd'hui, du fait des opérations de désamiantage, chaque travail qui y est effectué entraîne 30 % de surcoûts.

Le carnet de santé au travail évoqué par M. Élie About est un sujet très important. Il convient de bien séparer le carnet de santé proprement médical relevant du secret professionnel et réservé aux médecins et le suivi du carnet professionnel qui aujourd'hui dépend à la fois du médecin du travail et de l'employeur. Nous devons encore beaucoup progresser sur la connaissance des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), y compris les mieux identifiés, comme les éthers de glycol, afin de les recenser tous et de mieux les prendre en compte à l'avenir.

Mme Cécile Gallez évoquait l'entreprise Eternit, on pourrait aussi évoquer l'entreprise Tréfimétaux que mentionnent souvent Mme Nicole Ameline et M. Jean-Yves Cousin. Il est nécessaire que les employeurs responsables soient effectivement reconnus comme tels, en particulier pour que leurs salariés puissent bénéficier des droits qui leur sont dus. Il est hors de question de ne pas impliquer ces entreprises, mais il est nécessaire également que soient prises et appliquées les décisions de justice.

S'agissant de la question posée par M. Vincent Descoeurs sur les ressources du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), je rappelle qu'il est alimenté par une contribution de la branche Accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) du régime général et une contribution de l'État, votées respectivement en loi de financement de la sécurité sociale et en loi de finances initiale. Elles s'élevaient respectivement, en 2009, à 315 millions d'euros et à 47,7 millions d'euros. Quant à l'impact du délai de prescription de dix ans envisagé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, des éléments chiffrés devraient nous être fournis prochainement.

Mme Michèle Delaunay, évoquant la spécificité du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, a regretté les insuffisances du projet de loi portant réforme des retraites sur la prise en compte de la pénibilité. Je souhaiterais rappeler, sans rouvrir l'ensemble du débat, que le dispositif spécifique aux travailleurs exposés à l'amiante subsiste. Le départ sera toujours possible à cinquante ans pour les malades et l'État accompagnera bien sûr le dispositif de départ anticipé pour les autres, comme le rappelait hier M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, pendant la séance des questions au Gouvernement.

M. Bernard Perrut s'est interrogé sur le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) évaluant la faisabilité d'une voie d'accès individuelle au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA). Nous allons, avec le président de la mission M. Patrick Roy, insister auprès du Gouvernement pour qu'il soit disponible avant l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin d'être en mesure de déposer des amendements si nécessaire.

Le renforcement du rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est pour moi une priorité. Ils ne remplissent plus leur rôle pour différentes raisons, dont la principale est le manque de formation de ses membres, qui ne sont pas toujours les plus intéressés ni les plus compétents, qu'ils représentent l'entreprise ou les salariés.

M. Christian Hutin a évoqué l'augmentation des effectifs de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique. Il nous a été répondu que les recrutements et les premières affectations étaient en cours. Je suis moi aussi convaincu de l'importance du rôle des associations de défense des victimes de l'amiante, comme la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés – association des accidentés de la vie (FNATH) ou l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (ANDEVA) dont le rôle est aussi d'interpeller les pouvoirs publics. Mais d'autres catégories professionnelles, comme les agriculteurs victimes des pesticides, doivent pouvoir s'organiser et être reconnues dans leurs droits en suivant le modèle de l'amiante. Cela étant, malgré toutes les insuffisances que nous avons relevées, nous sommes aujourd'hui le pays qui protège le mieux les victimes de l'amiante.

Mme Catherine Génisson a insisté sur l'importance du scanner thoracique comme examen de référence par rapport à la radiographie pulmonaire ou thoracique. Si je me félicite que la Haute Autorité de santé se soit emparée rapidement de ce dossier, ses conclusions sont en revanche assez imprécises. Aussi la demande d'informations supplémentaires que lui a adressée la ministre de la santé et des sports est-elle bienvenue. Nous sommes en effet nombreux, avec les associations, à vouloir privilégier le scanner comme examen de référence, mais les éléments aujourd'hui disponibles sont insuffisants face aux risques liés aux examens radiographiques eux-mêmes ou à l'accroissement de l'anxiété chez les personnes concernées.

En réponse à M. Fernand Siré, je rappellerai que la proposition n° 12 du rapport est d'uniformiser les règles des dispositifs de cessation anticipée d'activité entre les différents régimes de sécurité sociale incluant le régime des militaires. Cette proposition n'a pas encore eu de suite. Il convient toutefois d'être conscient de l'importance de ce travail d'uniformisation qui suppose de prendre en compte l'ensemble de la réglementation, comme nous avons pu le constater lors de nos travaux sur la proposition de loi visant à améliorer l'indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d'un accident de la circulation. Elle devra cependant aboutir.

Mme Laurence Dumont a évoqué l'Université de Jussieu. Les associations de victimes que nous avons reçues nous ont permis de constater que c'était un cas presque caricatural des problèmes posés par l'amiante.

Je vous remercie pour la qualité de nos échanges et de l'intérêt que vous avez porté au dossier de l'amiante.

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