Pour revenir au fond du dossier, à partir de quand peut-on parler de responsabilité dans le domaine de l'amiante ? Les associations de victimes soulignent souvent que la connaissance des dangers de l'amiante remonte à plus d'un siècle, la référence étant alors le rapport Auribault de 1906. Il convient cependant de distinguer un texte qui attire l'attention sur un risque, comme c'est encore le cas aujourd'hui, par exemple, au sujet des téléphones portables, des études des années 1950, publiées dans différents pays, qui établissent avec certitude cette fois les conséquences mortelles de l'exposition à l'amiante. Certains pays ont réagi rapidement, alors qu'ailleurs, comme en France, le poids des groupes de pression, du Comité permanent amiante (CPA) par exemple – aux mensonges éhontés– , a bloqué pendant près d'un demi-siècle l'interdiction totale de l'amiante.
Le cas du Centre hospitalier universitaire de Caen illustre la nécessité d'un procès pénal unique et global par opposition à la multiplication de recours isolés. L'ancien directeur de ce centre a certes exposé un certain nombre de personnes à l'amiante, mais nous autres aussi, élus locaux, qui pouvons être considérés comme continuant d'exposer les enfants de nos écoles ou les habitants de nos logements sociaux. Ce serait la vertu de ce procès pénal de clarifier les responsabilités de chacun, et d'éviter que se reproduisent des catastrophes du même ordre, aux conséquences humaines immédiates mais aussi, à plus long terme, économiques. Rappelons que le désamiantage, aujourd'hui techniquement possible, est d'un coût prohibitif.
Sur la pénibilité, je rappellerai que les personnes qui bénéficient de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ont été exposées à cette substance mais ne sont pas forcément malades à cinquante ans. Si l'on a décidé qu'elles pouvaient bénéficier d'une retraite précoce, c'est que, malheureusement pour elles, elles vivront, pour la majorité d'entre elles, bien moins longtemps que les personnes non exposées et dans des conditions parfois terribles : les derniers mois d'une personne atteinte d'un mésothéliome sont bouleversants. Reconnaître la pénibilité, c'est donc tenir compte de conditions qui aboutissent à une espérance de vie plus courte.