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Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 8 septembre 2010 à 18h45
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, AMF :

Oui, et les autorités américaines essaient de réagir. C'est plus facile à faire aux États-Unis qu'en Europe, celle-ci étant elle-même fragmentée.

Soyons clairs : il n'y aura pas de véritable régulation européenne des marchés tant que la directive MIF ne sera pas revue en profondeur. Sa révision est programmée pour 2011. Comme vous l'avez souligné dans votre rapport, la concurrence entre plateformes instaurée par la directive s'est accompagnée d'avancées technologiques spectaculaires, qui opacifient encore plus les marchés. Un tiers des transactions en Europe – deux tiers aux États-Unis – sont aujourd'hui réalisées par des traders utilisant des programmes informatiques de passation automatique des ordres. Ces techniques, à l'utilité sociale douteuse, compliquent la détection des manipulations de cours, tout en perturbant les investisseurs, qui n'arrivent plus à lire le marché ; elles engendrent des risques opérationnels, des risques systémiques et des risques pour la stabilité financière. En 2003, une firme américaine a fait faillite en seize secondes parce qu'un employé avait déclenché par erreur un mécanisme algorithmique. Et le krach éclair de Wall Street, le 6 mai dernier, est en partie imputable au trading de haute fréquence ; l'événement fut si soudain qu'il n'est pas sûr que l'on sache jamais ce qui s'est passé, non en raison d'une quelconque mauvaise volonté, mais parce qu'il est impossible au régulateur américain de réunir la totalité des données.

De part et d'autre de l'Atlantique, nous avons donc les mêmes préoccupations. Au niveau européen, il faudrait nous entendre pour hausser nos moyens réglementaires et techniques au niveau des nouvelles technologies. Cela suppose des investissements très importants, ainsi qu'une ambition commune qui n'existe pas encore.

À défaut de permettre au gendarme de courir aussi vite que les voleurs, en d'autres termes si le régulateur ne peut pas surveiller efficacement les marchés, certaines pratiques, comme le trading algorithmique, devraient être strictement encadrées, voire interdites. Il ne faut pas exclure de limiter la vitesse des transactions, d'imposer une durée minimale avant l'annulation d'un ordre – aujourd'hui, certains ordres ne restent que quelques dizaines de microsecondes dans le carnet d'ordres – ou de tarifer les ordres annulés.

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