Elle est tenue par des engagements internationaux, puisqu'elle a signé la convention du Conseil de l'Europe qui ne permet pas la déchéance pour des motifs de droit pénal général.
L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. » La déchéance de la nationalité ne saurait être considérée comme une sanction nécessaire en ce sens. Là encore, il me semble que le Gouvernement s'engage sur un chemin glissant et dangereux.
Enfin, il y a l'interdiction de retour.
Cette trouvaille juridique, inspirée par la directive « Retour », représente un véritable bannissement. Cette mesure pourra être prise en même temps qu'une obligation de quitter le territoire français. Elle pourra même concerner des personnes vivant depuis des années sur notre territoire, y ayant des attaches familiales, éventuellement mariées à des Français. Les personnes faisant l'objet de l'interdiction de retour seront fichées au système européen d'information Schengen. Cette disposition figure certes dans la directive, mais, là encore, vous avez décidé de vous dispenser de conserver plusieurs des protections prévues par le texte, telles les possibilités de recours suspensif, la protection de certaines catégories de personnes ou l'existence de règles d'abrogation ou d'annulation de la mesure.
Le durcissement extraordinaire, brutal, des politiques contre les migrants aurait, d'une certaine façon, pu s'accompagner d'une plus grande ouverture dans l'accès à la nationalité. Malheureusement, il n'en est rien. Au fil des réformes, les délais d'acquisition de la nationalité française par les conjoints ou conjointes, par exemple, ont été considérablement allongés. Quatre ans après le mariage pour déposer la demande, un an pour l'enregistrer, deux ans pour une éventuelle opposition du Gouvernement : c'était sans doute trop peu. Votre texte ajoute donc une année au délai d'enregistrement, ce qui fait huit ans d'attente en tout.
Ce texte instaure par ailleurs ce que l'on pourrait appeler une gestion industrielle des expulsions, que vient de confirmer la construction des nouveaux centres de rétention 2 et 3 du Mesnil-Amelot. Plusieurs sénateurs et députés, dont ma collègue Anny Poursinoff et moi-même, ont visité le centre de rétention administrative numéro 1 du Mesnil-Amelot : il est loin d'être plein, puisqu'il n'accueillait que soixante-huit personnes. Mais votre cabinet, monsieur le ministre, a refusé que nous visitions, à 800 mètres de là, les nouveaux bâtiments Mesnil-Amelot 2 et 3, sous prétexte qu'ils étaient encore en travaux et inoccupés, et que, en pénétrant dans ces lieux qui ressemblent de plus en plus à des prisons, les parlementaires auraient pris des risques pour leur sécurité.